Le Sourire des Marionnettes

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 8 avis)

Entre récit historique et conte, l'auteur nous offre quelques pensées religieuses.


987 - 1299 : Moyen-Âge et Capétiens L'Iran Mirages Proche et Moyen-Orient Spiritualité et religion

À la cour du Sultan Malik Shah, le poète astronome et mathématicien Omar Khayyam est tantôt acclamé pour son éloquente érudition, tantôt menacé pour sa philosophie jugée impie. Ce libre penseur qui aime évoquer avec une aimable ironie son scepticisme devant les croyances religieuses à la survie et à l'immortalité, est dérouté par une confrontation marquante et brillante avec Hassan ibn Sabbah. Automne 1092. La dynastie turque des Seldjoukides règne sur l'Iran depuis trois générations. Sur le trône : le sultan Malik Shah. Son grand vizir, le vénérable Nizm Al-Mulk, est un Iranien nommé à ce poste (équivalent à celui de Premier ministre) depuis près de trente ans. Alors que l'islam chiite dominait dans la population iranienne, les sultans Deldjoukides ont décidé de se convertir à l'islam sunnite et de l'instituer en religion officielle. Pour ce faire, ils se sont placés en protecteurs du calife, chef religieux et politique des sunnites. Les chiites vivent alors leur religion clandestinement, persécuté par les sunnites qui les considèrent comme hérétiques. Certains chiites entrent en résistance : c'est le cas des isaméliens, sous la houlette en Iran de Hassan ibn Sabbath, mieux connu par la postérité comme le fondateur de la secte des Assassins.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 20 Mai 2009
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Sourire des Marionnettes © Delcourt 2009
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 8 avis)
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26/05/2009 | Miranda
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Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Pour un premier album, ce fut véritablement un coup de maître. « Le Sourire des marionnettes » publié il y a dix ans, révélait le talent d’un auteur au style bien à lui. Par la suite, Jean Dytar confirmera que s’il devait être classé dans une catégorie, cela ne pourrait être que celle des explorateurs capables de se renouveler. On verra aussi que les ouvrages de cet ancien prof d’arts plastiques ont tous un lien avec la peinture des siècles passés. Le dernier en date, Les Tableaux de l'ombre, didactique et orienté « jeunesse », est d’ailleurs inspiré d’un souvenir d’enfance avec pour lieu d’action le musée du Louvre. Dans le cas présent, on ne peut être que subjugué devant la qualité éditoriale de l’objet. Delcourt a su parfaitement mettre en valeur le travail de Dytar, inspiré des peintures de l’art islamique de l’époque, où la perspective n’existait pas encore. L’impression à l’or, en ne se limitant pas à la couverture, vient rehausser de fort belle manière la merveilleuse combinaison de couleurs vives et chatoyantes. On est littéralement transporté vers le pays mythique des Mille et une nuits. Bien plus qu’une bande dessinée, c’est un objet d’art d’une grande finesse auquel nous avons affaire. Le récit, se référant à un chapitre de l’Histoire du monde islamique au XIe siècle, nous amène à une réflexion philosophique sur la croyance religieuse et le fanatisme, toujours aussi prégnante mille ans après… On y apprend que le dissident Hassan Ibn Sabbah serait le concepteur du fameux paradis aux 70 vierges auquel accédaient à leur mort, en guise de récompense, les assassins des ennemis du gourou chiite, un paradis à l’origine des attentats djihadistes qui de nos jours ont pour but de répandre l’enfer terrestre pour les « impies »… Si le point fort n’est certes pas le scénario, assez peu élaboré, les joutes verbales entre Hassan Ibn Sabbah et Omar Khayyâm sont passionnantes, permettant un comparatif pertinent des arguments entre deux points de vue diamétralement opposés. La tolérance contre l’obscurantisme. Mais comme toujours, les doutes du philosophe n’auront pas le dernier mot face aux certitudes du fanatique… Tout en plaidant pour la tolérance et le respect des croyances en nos temps troublés, Jean Dytar nous offre une œuvre admirable, dans tous les sens du terme, qui mérite une place de choix dans nos bibliothèques.

19/10/2019 (modifier)

Quel bijou découvert par hasard ! Le graphisme reprend le style graphique des illustrations islamiques autour de l’an mille. On retrouve comme fond de plan les décors également présents sur les enluminures médiévales des bibles monastiques. Le jardin d’Eden dessiné dans cet ouvrage est d’ailleurs reproduit exactement comme sur nombres d’enluminures musulmanes et chrétiennes reprenant fidèlement les paroles de la genèse et du cantique des cantiques (côté chrétien) et des premières sourates du coran (côté musulman). Vous l’aurez compris il est question ici au sein d’un décor venu d’un autre âge de conter une histoire avec les codes graphiques d’il y a 700 ans. Couleurs somptueuses avec des dessins simples mais tout à fait conformes à l’art islamique de l’âge d’or (avec moins d’or !). Aparté : Pour ceux qui ne sont pas familiarisés et vu de très loin, le différend islamique originel remonte à la succession de Mahomet. Les chiites reconnaissent son cousin et font donc descendre la connaissance du coran par la descendance de Mahomet alors que les sunnites reconnaissent le califat. Les sunnites ont donc clos leur croyance avec la mort du prophète en ayant en charge de la faire vivre en mémoire tandis que les chiites comptent sur les descendants du prophète pour « interpréter » le coran dans la situation actuelle. D’où les lectures du coran : littérales pour les sunnites et interprétées pour les chiites. De ces courants va naître au VIIIème siècle la version spirituelle mystique de l’islam : le soufisme qui m’intéresse particulièrement. Le scénario est magistral, il part des troubles du XIème siècle en Iran sur ce conflit fondateur entre chiite et sunnites. Evidemment les luttes de pouvoir sont au cœur de ces conflits religieux et pour qui se pose des vrais questions sur le sens des textes au delà des actions humaines les actes sont parfois horrifiants : certains actes au nom d’un combat idéologique sont dans les actes contraires aux fondements de cette même idéologie. Ce paradoxe bien connu de toutes les religions est ici brillamment illustré dans un scénario qui pose les vraies questions et montre la position d’un « juste » face au fanatisme. Je ne vais pas détailler le scénario car il faut lire cet album, sachez que vous verrez la fuite d’un esprit libre qui se pose les questions traditionnelles du soufisme face à l’oppression d’un sunnisme idéologique. Le tout est d’autant plus réussi qu’il dévoile le cynisme du « cerveau » de l’instrumentalisation et de la radicalisation idéologique. Jusqu’où peut-on aller pour faire passer sa conception religieuse et la faire croitre ? Une fois conscient des manipulations, des tenants et aboutissants, comment peut on vivre ? La vision tolérante du soufisme tranche avec l’obscurantisme de fanatiques… Voilà comment de l’âge d’or de l’islam qui voyait ses courants cohabiter et générer la plus brillante pensée intellectuelle mêlant sagesses antiques, sagesses orientales, sagesse judéo chrétienne et islam se confronter pour s’affiner mutuellement (ce qui générera la renaissance et la fin de l’obscurantisme chrétien à terme) on passera au fanatisme qui appauvrira considérablement l’islam au point d’en faire aujourd’hui dans certains yeux occidentaux un danger pour la civilisation… triste évolution Cette BD est donc un bijou graphique et scénaristique qui cerne parfaitement les origines du fanatisme et ses clés. En prendre conscience c’est ouvrir la porte à un malaise qui change radicalement notre vue du quotidien, pouvons nous y survivre ou du moins comme avant ? A lire, et acheter sans modération. Attention toutefois l’album ne décroche pas la note maximale car il me parait assez difficile d’accès pour qui n’est pas familiarisé aux courants religieux, à la spiritualité et à la philosophie.

02/06/2009 (modifier)