Rien n'est simple

Note: 5/5
(5/5 pour 2 avis)

Dessins humoristiques de Sempé.


JEAN-JACQUES SEMPÉ est né à Bordeaux. C'est en 1959, après sa rencontre avec René Goscinny qu'il publie la série du Petit Nicolas. En 1962, Rien n'est simple, son premier livre de dessins humoristiques, paraît aux éditions Denoël. Depuis, vingt-sept albums ont été édités. Aujourd'hui Jean-Jacques Sempé, qui collabore régulièrement à Paris-Match, a réalisé plus de soixante-dix couvertures pour le magazine américain The New Yorker. Il vit et travaille à Paris. Texte : Denoël

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Avril 1962
Statut histoire Strips - gags 1 tome paru

Couverture de la série Rien n'est simple © Denoël 1962
Les notes
Note: 5/5
(5/5 pour 2 avis)
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27/11/2006 | ArzaK
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Quelle surprise de voir cette pépite si peu notée ! Est-ce parce que nombre ne considèrent pas Sempé car celui-ci n’aime pas le monde de la BD qui le lui rend bien ? Sans rentrer dans le discours sur l’art séquentiel comme l’avis précédent, je dirai que peu m’importent les classifications dans la mesure où ce que je regarde me fait rêver. Et avec cet opus Sempé nous met plein de poésie dans les yeux, du rêve sur du quotidien, de la douceur sur le brutal routinier et de l’humour sur l’absurdité de notre société. Les dessins viennent décrire une situation jusque dans l’odeur que l’on s’attend à y trouver, a priori simplistes, ils fourmillent de détails qui le rendent vivant et présent. Le fait de vivre les scènes est remarquable, car il ne faut pas oublier que l’on se situe pour cet opus en 1962… Et aujourd’hui on rit encore à tout, certes il n’y a plus de clous à Paris, les deux chevaux ne sont plus légion, Brigitte Bardot ne déplace plus les foules, les écrans sont plats, mais tout cela se reporte aisément à notre époque. Un dessin juste associé à des textes percutants, le tout croqué avec humour et tendresse afin de rendre toute situation humaine, même s’il s’agit de dénoncer la déshumanisation de la vie. Bien sûr on pourrait reprocher une certaine tendance à l’humour parisien, il est vrai que les vues de Paris (magistralement reproduites malgré le faible nombre de traits) abondent dans l’œuvre. Etant moi-même Parisien j’adore et j’en redemande toujours, d’autant que la ville folle n’a pas l’exclusivité des situations décalées. Et pour finir, je dirai que sur cet opus particulier de Sempé nous sommes bien face à une bande dessinée quoi que quiconque en dise. La majorité des planches sont séquentielles sans cadre avec cette petite flèche en fin de page qui rappelle que l’histoire se termine à la planche suivante. De plus l’auteur joue énormément avec l’effet d’attente de la tourne. Sans aucun doute nous sommes face à un authentique album mythique qui vaut l’investissement et une place dans sa bibliothèque pour, à tous âges, rire sur de nouvelles palettes que l’expérience nous dévoile de cet album atemporel au gré de notre parcours terrestre.

27/08/2009 (modifier)
Par ArzaK
Note: 5/5

Dieu sait si la base de donnée de bdthèque commence à être vachement impressionnante et assez exhaustive en ce qui concerne les œuvres les plus importantes de l’histoire de la bd, grâce notamment à ces fouineurs que sont Spooky et L’Ymagier (que je bénis jusqu’à la dixième génération). Il en est pourtant un très grand, un monument dont personne jusqu’à présent n’a posté la moindre œuvre. Ce très grand, c’est Sempé. On va me dire : oui, mais Sempé, ce n’est pas de la bd… Je répondrais oui et non. D’abord, je ne peux cacher le fait que Sempé dise lui-même : « Je n’aime pas la bande dessinée, je n’en ai jamais lu, je n’aime pas ça. » Pour nous bédéphiles cette phrase est un peu dure à avaler, et elle semble bien étrange venant d’un des meilleurs amis de Goscinny (un des plus géniaux auteurs de bd). De cette déclaration qu’on aurait tort d’interpréter comme du snobisme, on peut en conclure que Sempé lui-même ne considère pas que son travail soit de la bd. Et je pense qu’il a tout à la fois tort et raison sur ce point. Raison parce que le dessin type idéal de Sempé est un dessin unique. Et que ce dessin unique est travaillé de telle manière qu’il raconte à lui seul, et c’est là le tour de force et le génie de Sempé, toute une histoire, pas seulement une situation, une histoire. On peut dès lors comprendre une fois que l’on a saisi la quintessence de son travail, que la manière dont il travaille va à l’encontre de ce que fait un auteur de bd proprement dit qui lui, multiplie les cases pour raconter quelque chose, et veille à ne pas mettre trop d’informations dans un seule case car celle-ci doit être lue rapidement. Sempé peut passer plusieurs jours à peaufiner un dessin, là où un dessinateur de bd doit enchaîner les cases à un rythme effréné… Surtout, un dessin de Sempé, ce n’est pas une case de bd, elle ne fait pas rire immédiatement, il faut le décortiquer, dans tous ses détails, pour qu’il nous livre tous ses secrets... Il faut en admirer chaque détail pour en percevoir toute la finesse. Regardez le premier gag que j’ai placé dans la galerie. Inséré dans une histoire, réduite en case parmi d’autre celle-ci ne serait pas comprise. C’est parce qu’il s’agit d’un dessin unique que l’on va trouver ce qui fait gag, ce qu'il se passe entre le texte et l’image. Voilà pourquoi Sempé, ce n’est pas de la bd et que je comprends parfaitement qu’il puisse déclarer qu’il n’aime pas la bd. Maintenant, laissez-moi vous expliquer pourquoi Sempé c’est aussi de la bd… D’abord parce que je suis de l’avis de Trondheim quand il dit, en futur chef du prochain Salon d’Angoulême, qu’il compte rendre hommage à Sempé et qu’il est ridicule de faire une distinction nette entre le dessin d’humour et la bande dessinée proprement dite. Ensuite parce que si je m’en tiens à la définition de la bd la plus communément admise par le grand public et les spécialistes. Il arrive à Sempé de faire de la bd. Rien que dans cet album, il y a des dizaines de gags qui fonctionne de manière séquencées, avec des dessins qui se succèdent. Des séries courtes, bien sûr mais qui se déclinent parfois en 5-6 « cases ». Et navré de contredire le maître, mais ces gags SONT de la bd, qu’il le veuille ou non. Même s’il a une préférence pour le dessin unique, il lui arrive parfois de faire une série de dessins car le gag qu’il veut faire passer, la petite histoire qu’il veut nous raconter, ne saurait pas être condensé en un seul dessin… Et puis, même lorsqu’on est en face d’un dessin unique, il arrive très souvent que cette image tire sa puissance comique de son interaction avec le texte, si je reprends le dessin de la galerie en exemple, il est bien évident que le dessin tout seul ne fonctionne pas et que le texte ne veut pas non plus dire grand chose à lui tout seul. Cette interaction texte-image ressemble quand même fort à ce que Töpffer, considéré par beaucoup comme l’inventeur de la bd moderne, mettait en avant pour définir son art. Voilà, mon avis ressemble à un dissertation parce que je pense que passer par là permet aussi de comprendre le génie propre à Sempé, son originalité intrinsèque, le fait qu’il est un artiste à part, inimitable. Il y a une tendresse infinie dans son trait, dans son dessin… La manière dont il envisage l’humanité et la vie, est emprunte de légèreté, d’humanisme, d’humilité, de finesse et de tendresse… Ses personnages ont beau être tout petits, tout mignons, ils ne se sont jamais réduits à leur simple expression et restent des êtres humains. Faites un jour cette expérience, regardez un sketch de Bigard puis un dessin de Sempé… Ca va vous faire un bel électrochoc… Vous verrez tout l’écart qui peut exister entre l’humour le plus vulgaire (néanmoins drôle) et le plus fin (tout de même bien plus drôle). Bon, j’ai hésité à poster une série « Sempé » comme on a posté « Moerell » ou « Serre » mais j’ai décidé de ne pas le faire, parce qu’il est difficile de mettre TOUT Sempé dans un même sac, de commenter d’un seul coup plus de cinquante ans de dessins, cinquante ans où il a pu faire des choses quand même très différentes, cinquante ans qui comprennent également des livres avec des personnages récurrents ainsi que des livres sur certains sujets précis. L’oeuvre de Sempé n’est pas QUE une suite de recueils indifférenciés… Ce livre est particulier est très très bon, il contient quelques pépites qui ne sont pas seulement de simples gags, il y a notamment une suite de 12 dessins qui raconte au jour le jour le quotidien d’un petit hôtel de vacances au bord de la mer. Rien qu’à elle, cette suite est une petite merveille et une oeuvre. Voilà, bd ou pas, lisez du Sempé, car il y a du génie dedans…

27/11/2006 (modifier)