Bastos et Zakousky

Note: 3.57/5
(3.57/5 pour 7 avis)

Des aventures humoristiques dans l'empire russe du siècle dernier.


1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle BDs oubliées Circus Gomme ! La BD au féminin Russie Sibérie

Bastos a un curieux métier : il est voleur. Chargé de porteur un curieux et mystérieux paquet jusqu'à Moscou, il va très vite se retrouver aux prises avec le colonel Kolbak. Ce dernier veut à tout prix -et par tous les moyens- récupérer l'objet. Obligé de quitter la ville, Bastos va s'enfoncer dans la steppe sibérienne glacée. Il rencontre Zakousky, un chasseur de phoques, puis Lakonik, un professeur. Le trio va débuter une longue errance au travers de l'empire du tsar. Mais Kolbak ne lâche pas prise. Lui et ses sbires n'ont cesse de rechercher Bastos et ses amis. Heureusement, ces derniers pourront compter sur l'aide d'un étrange justicier : le Cosaque rouge...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Février 1981
Statut histoire Série terminée 6 tomes parus

Couverture de la série Bastos et Zakousky © Glénat 1981
Les notes
Note: 3.57/5
(3.57/5 pour 7 avis)
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05/10/2006 | L'Ymagier
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Par Josq
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Cette série ne m'attirait que modérément de base, car j'avais peur que ce ne soit qu'un pastiche maladroit de la BD des années 60, trop tardif pour en retrouver le génie. Je me trompais du tout au tout ! Bien au contraire, Bastos et Zakousky est une merveille d'équilibre très impressionnante. La bande dessinée de Corteggiani et Tranchand synthétise tout ce que j'adore trouver dans une bonne bande dessinée : des personnages bien croqués, des péripéties très prenantes qui se déroulent à un rythme très soutenu, des touches d'humour qui ne pervertissent pas le récit, un contexte historique intéressant, un dessin classique et efficace... Il est difficile de ne pas se laisser immerger dès les premières pages du premier tome, tant l'atmosphère est extrêmement réussie. On se retrouve vite plongé dans ce qui ressemble à un cousin, proche dans le ton, lointain dans le temps, de Spirou et Fantasio ou de Gil Jourdan. Les auteurs y font preuve du même brio que Franquin et Tillieux pour narrer leurs aventures avec un second degré permanent, tout en prenant le récit au sérieux. Ainsi, Corteggiani et Tranchand déroulent le fil de leur récit, très sûrs d'eux, et ils ont raison, car Bastos et Zakousky trouve un équilibre rare entre le classicisme de l'histoire et les effets de surprise qui la parsèment pour montrer qu'ils savent sortir des sentiers balisés quand il le faut. Seul petit regret : le traitement réservé à Nicolas II me paraît excessif. Déjà, les auteurs se précipitent assez allègrement dans le cliché du peuple russe écrasé par le pouvoir tsariste, ce qui demande un très grand nombre de nuances. Mais en plus, Corteggiani s'acharne sur la figure supposément tyrannique du tsar Nicolas II avec une véhémence parfois déconcertante. Je pense notamment à tout l'arc narratif où on voit Nicolas II droguer ses sujets et les humilier après en public en les faisant mettre à quatre pattes et embrasser ses bottes : je ne sais pas si cela fait référence ou non à des rumeurs qui auraient été colportées sur le tsar par ses détracteurs, mais ça donne l'impression que l'auteur veut à tout prix nous faire entrer dans le crâne l'image de Nicolas II comme celle d'un tyran sanguinaire et inhumain, quitte à en faire trop. Et c'est précisément le fait qu'il en fasse trop qui diminue l'efficacité de la charge portée par l'auteur, surtout que je ne suis pas certain que cette image soit historiquement très justifiée... Elle aurait en tous cas très certainement mérité d'être nuancée. Quoiqu'il en soit, cette représentation caricaturale est un défaut très mineur qui n'entache sérieusement que le 3e tome, la figure de Nicolas II n'étant plus avancée que comme une menace lointaine mais omniprésente dans les autres tomes, sa police prenant la relève dans le rôle de l'antagoniste principal. A ce titre, on est aussi dans la caricature, mais avec des personnages fictifs, tout est permis, et on goûtera bien mieux les colères de l'irascible colonel Kolbak, sorte de Louis de Funès en uniforme qui nous garantit des scènes craquantes à chacun des échecs de sa police. Les protagonistes aussi sont particulièrement bien brossés, et on s'attache vite à ce Samoyède très amusant qu'est Zakousky, à ce bandit à peine anarchiste qu'est Bastos, initialement plus occupé par son propre sort que par celui de tout un pays qui n'est même pas le sien, et au professeur Lakonik, complètement anarchiste qui découvre un peu tard la portée de ses discours et de leur mise en oeuvre... Il faut dire que Corteggiani sait articuler à merveille ces caractères avec le sort du peuple russe, qui sous-tend les six tomes de cette merveilleuse saga. Leur positionnement (ou non-positionnement) dans ce conflit qui les dépasse est souvent mis à rude épreuve, ce qui permet d'ajouter une jolie touche de tragique au récit. A ce titre, les deux derniers tomes font savamment monter la pression jusqu'à un final grandiose (quoique beaucoup trop rapide) où le tragique culmine sans pour autant basculer dans le too much. A la fin, tout le monde ne meurt pas, mais on ne peut clairement pas dire qu'on termine sur une happy end. L'amertume et la noirceur dominent dans cette conclusion qui, à l'image de la saga, sait faire preuve d'une jolie poésie. Ainsi, Bastos et Zakousky est un pur récit d'aventures dans la grande tradition du genre, avec des péripéties spectaculaires (évasion d'une prison sibérienne, braquage d'un train, attaque d'une ville) qui offrent à chaque album des climax remarquables. S'appuyant sur des personnages parfois drôles, souvent touchants, toujours très humains, la saga de Corteggiani et Tranchand témoigne d'une atmosphère restituant toute l'ambivalence de l'âme slave, entre résilience extrême et désir latent de révolte. Il est peut-être dommage que les auteurs n'aient pas davantage exploité cette dichotomie entre les deux penchants d'une même âme, mais ils en tirent un récit furieusement captivant et parfaitement maîtrisé de bout en bout. De quoi en faire un nouvel incontournable de ma bédéthèque !

01/09/2022 (modifier)