Le Complot (The Plot)

Note: 3.89/5
(3.89/5 pour 18 avis)

Will Eisner décortique "Les protocoles des sages de sion" qui sont une supercherie qui date de près de 100 ans et qui traitent d'un complot juif pour s'emparer du monde...


1900 - 1913 : Du début du XXe siècle aux prémices de la première guerre mondiale BD à offrir Les meilleurs comics Les théories du complot Noir et blanc One-shots, le best-of Racisme, fascisme Will Eisner (1917-2005)

Comment un texte inventé de toutes pièces peut-il circuler depuis cent ans et provoquer des revirements politiques fracassants ? Will Eisner retrace avec génie l'histoire - finalement méconnue dans ses détails - de ce " complot juif " inventé au début du XXème siècle pour attiser l'antisémitisme régnant en Europe et en Russie : les Protocoles des Sages de Sion justifient les pires intentions, et leur diffusion connaît un succès retentissant avant et pendant la première Guerre mondiale. Un journaliste britannique du Times découvre la supercherie en 1921 : les Protocoles sont une copie presque conforme d'un obscur traité anti-bonapartiste, les Dialogues aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, écrit par un dissident français en exil. Les " auteurs " des Protocoles n'ont eu qu'à remplacer les bonapartistes par les Juifs et le mot " France " par " le monde "… On connaît donc la vérité mais rien n'y fait : les Protocoles sont utilisés par Hitler, le Ku Klux Klan et trouvent encore aujourd'hui des millions de lecteurs dans les pays arabes. Surpris par le destin insolite de ce plagiat, scandalisé de le voir encore pris pour vérité d'Evangile sur des sites Internet, Eisner s'enflamme à coups de crayon très expressifs, ironiques et inquiétants. Par des cadrages audacieux et d'impressionnantes pages titres, Eisner provoque la curiosité du lecteur ; on lit avec passion et consternation l'histoire de ce "faux" qui a servi si longtemps la haine antisémite. Texte: Éditions Bernard Grasset

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Novembre 2005
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Complot © Grasset 2005
Les notes
Note: 3.89/5
(3.89/5 pour 18 avis)
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19/12/2005 | iannick
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Rétablir la vérité historique - Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, parue la première fois en 2005. Elle bénéficie d'une introduction d'Umberto Eco. En 1864, Maurice Joly (1829-1878), un citoyen français doté d'une conscience politique, écrit un ouvrage intitulé Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, un livre dirigé contre la politique de Napoléon III et qui dénonce les méfaits du pouvoir de la finance sur la société française de l'époque. Quelques années plus tard, Mathieu Golovinski (un russe exilé à Paris) rédige à la demande de ses supérieurs de l'Okhrana (police secrète tsariste) un ouvrage destiné à convaincre le tsar d'abandonner sa politique libérale. L'ouvrage s'intitule "Les protocoles des sages de Sion" (abrégé en "Protocoles" dans la suite de commentaire) et il est présenté comme contenant les secrets d'une réunion de chefs juifs pour subvertir les pouvoirs en place dans chaque état et pour gouverner le monde. Il s'agit d'un faux éhonté dont la véritable nature a été dévoilée dès 1921 par le quotidien anglais Times, mais qui continue d'être utilisé comme outil de propagande antisémite de nos jours. Dans sa préface, Will Eisner indique qu'il recherchait des exemples de faux pour préparer une bande dessinée sur le sujet quand il a découvert ce texte et a décidé d'en faire l'objet de son récit. Eisner explique qu'il souhaite apporter sa contribution à la dénonciation de cette supercherie sous la forme d'une bande dessinée, ouvrage facile à lire et divertissant grâce aux images. Il faut dire que Will Eisner est un illustrateur exceptionnel qui sait camper chaque personnage en quelques coups de crayons qui semblent presqu'une simple esquisse, et qui pourtant rend chaque individu unique. le lecteur peut regarder n'importe quel individu et déduire de ses vêtements, de sa posture, de son expression du visage une quantité d'informations sur sa position sociale et ses traits de caractère. Pour cette bande dessinée très particulière, il a choisi une mise en scène théâtrale dans laquelle les personnages semblent souvent évoluer sur une scène et surjouent légèrement leurs émotions pour mieux les faire passer. Il faut dire que Will Eisner a construit son récit comme un historien souhaitant donner un point de vue assez large sur les Protocoles. La rédaction effective du document n'intervient qu'en page 56 (sur 124). Il commence par expliquer le contexte de l'écriture des Dialogues aux enfers, puis il donne quelques éléments biographiques de la vie de Golovinsky. La suite du récit comprend 17 pages mettant cote à cote des extraits du Dialogue aux enfers et leur transcription dans les Protocoles, avec les réactions d'un journaliste du Times à chaque fois. La suite montre le processus de diffusion des Protocoles pendant le vingtième siècle, leur rôle dans la formalisation de la doctrine nazie, et les différents procès établissant qu'il s'agit d'une supercherie. À un premier niveau de lecture, cet ouvrage démonte pas à pas la supercherie des Protocoles, les différentes utilisations qui en ont été faites (et donc son pouvoir de nuisance) et montre la nécessité de rappeler sans cesse la preuve du faux. Will Eisner effectue un travail d'historien, il cite ses sources, il utilise plusieurs angles d'approche pour rendre compte des différents points de vue. Dans le cas de ce texte incitant à la haine d'un peuple, tous les éléments sont évidemment à charge. À un deuxième niveau de lecture, cette histoire est imprégnée de l'humanisme de l'auteur qui ne condamne que rarement les individus. Il les dépeint en train d'effectuer leur tâches quotidiennes, sans se rendre compte des conséquences à long terme de ce qu'ils font. Par contre, il met en évidence les conséquences de l'ignorance, de la bêtise et des intentions de nuire à autrui (de construire l'unité d'un peuple contre un ennemi plus faible, ici les juifs). Ce récit vaut aussi par d'autres thèmes abordés en filigrane. La mise en images d'événements historiques provoque à chaque fois la même interrogation : par rapport à ce que je contemple, quelle est la part de "réel" et quelle est la part romancée ? Au fur et à mesure des procès ayant pour objet d'établir officiellement et publiquement la nature de contrefaçon, le lecteur s'interroge également sur les caractéristiques qui permettent de reconnaître une source fiable, une autorité légitime en matière de savoir. Enfin, la barrière morale en matière de désinformation devient difficile à cerner. Finalement Maurice Joly écrivait un dialogue fictif mettant en cause Napoléon III, sous couvert d'une satire ayant la forme d'une fiction politique. Il critiquait les intentions du monarque et ses actions politiques avec un outil à cheval entre l'information et une anticipation des conséquences probables. Son ouvrage s'attaquait à un individu à une époque. Les Protocoles font croire à l'existence d'un complot juif pour dominer le monde, dans lequel les comploteurs s'expriment comme des méchants d'opérette. Ils attaquent le peuple juif d'une manière plus général. À travers l'histoire des Protocoles, Will Eisner aborde également l'existence d'une haine des juifs (Judenhass) d'envergure mondiale. Et sa conclusion est d'une terrible noirceur devant le retour de l'antisémitisme et la rémanence des Protocoles, alors que la preuve du faux est accessible partout et à tout le monde (Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose.). Cet ouvrage constitue une vulgarisation admirable de la supercherie des Protocoles des sages de Sion. Il aborde également bien d'autres thèmes complexes. Will Eisner a mis ses techniques narratives au service de son récit, il subsiste quelques passages où le texte prend le pas sur la narration séquentielle en images.

09/04/2024 (modifier)
L'avatar du posteur bamiléké

La lutte contre l'antisémitisme est sans fin et Will Eisner y a consacré une grande partie de son oeuvre. Voilà une oeuvre unique dans le monde de la BD/Comics. On pourrait presque la considérer comme un travail universitaire mis à la disposition du grand public. C'est sûrement ce que c'est d'ailleurs. Mais ce travail n'est pas orienté contre n'importe quoi, mais contre l'arme probablement la plus néfaste et la plus diabolique conçue par un homme, Mathieu Golovinski. Incontestablement, les effets induits par la diffusion et de la lecture "des protocoles des Sages de Sion" ont fait probablement plus de victimes que l'arme atomique. Il serait dangereux de sous-estimer ou de moquer le "travail" de Golovinski. Celui-ci a été si efficace que les protocoles réapparaissent encore de nos jours. Eisner démontre la genèse du texte et prouve (il ne fut pas le premier) que ce texte n'a jamais eu pour origine une communauté israélite soi-disant malveillante mais qu'elle était un faux fabriqué par des antisémites. Ce faux document a permis de focaliser les haines sur les pauvres communautés juives en Russie puis à travers le monde. La démonstration est éclatante, avec des preuves irréfutables et un travail scientifique d'historien sans faille. Les protocoles ont été dénoncés par tous les gouvernements du monde. On pourrait croire l'histoire pliée et le sinistre livre relégué aux poubelles de l'histoire après une première dénonciation du "Times" puis du Sénat Américain et pourtant... Si Eisner a senti le besoin d'ajouter son clou au cercueil c'est que la bête est toujours prête à resurgir. Pourquoi ? Eisner le montre très bien en deux endroits : l'épisode des nazis interviewés par le journaliste et lorsque Eisner interroge des étudiants antisémites sur un campus. Hélas, Eisner conclut sur la vigilance car sa forte démonstration prend en compte le paramètre humain de l'irrationnel qui a besoin d'un cadre déculpabilisant que lui procure les protocoles. Je trouve la démonstration d'Eisner à la fois géniale et terrifiante. Evidemment pour une fois son sublime trait passe au second plan mais Eisner est un maître pour rendre fluide et accessible les histoires les plus complexes. Son immense talent aide à la progression d'une lecture parfois pas si facile. J'ai un seul regret dans cet ouvrage. Eisner pour démontrer le plagiat a été contraint de publier une partie des protocoles en face du texte de Maurice Joly. C'était presque obligé mais c'est rendre accessible à tous ce texte infâme des protocoles qui est empoisonné. C'est donc une lecture difficile qui doit obligatoirement être encadrée par des gens compétents, notamment pour les jeunes.

12/04/2022 (modifier)
Par Yannis
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Une oeuvre visant à démystifier l'un des plus gros mensonges de l'histoire ne pouvait que m'attirer. Pour moi si l'oeuvre n'est pas exempt de défauts, elle atteint son but : montrer aux gens que le protocole des sages de Sion est une vaste fumisterie. Le dessin est réussie et si le scénario était du même acabit j'aurais mis culte. Mais il y a un petit côté fastidieux lors de la lecture qui m'empêche de mettre culte. Pas que je me sois ennuyé mais il faut néanmoins passé certains passages qui sont moins prenants. Peut-être que le support BD n'est pas l'idéal comme le suggérait l'avis précédent ? Pour moi il se justifie car les lecteurs de BD ne lisent pas forcément de manuels et vice versa. Une oeuvre magnifique qui frôle le culte mais qui doit être lu afin de connaître le vrai visage de ce protocole.

06/05/2013 (modifier)
Par Superjé
Note: 4/5 Coups de coeur expiré

Une BD parlant d'un document ayant une importance capitale dans l'histoire du XXème siècle (même si j'en avais jamais entendu parler avant) par le grand Will Eisner ne pouvait que m'intéresser. Le travail de recherche d'Eisner est impressionnant, et il nous offre une enquête et un documentaire romancé très dense, très complet (avec des extraits des protocoles et de l'ouvrage copié), assez intéressant. Il m'est arrivé de décrocher à certains passages du livre, mais dans l'ensemble, ce "Complot" possède un scénario en béton (j'aime aussi beaucoup la partie contemporaine de l'histoire). Et le dessin d'Eisner (dont c'est le premier album que je lis) est, comme on peut s'y attendre génial. Il utilise un style semi-réaliste, avec de beaux décors, de personnages avec de bonnes têtes drôles. Eisner joue aussi pas mal avec les ombres avec son magnifique lavis. Un must qui doit être lu pour enfin tirer un trait sur cette supercherie.

27/06/2011 (modifier)