Ronson

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Un vieil homme se remémore son enfance dans un village de l'Espagne franquiste des années 1960. Les souvenirs s'égrainent chronologiquement...


1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Auteurs espagnols Enfance(s) Espagne Les coups de coeur des internautes

Le roman graphique Ronson est bien plus que la simple nostalgie d’un homme âgé se remémorant son enfance dans un village de l'Espagne franquiste des années 60. L'histoire est composée d’épisodes qui, même s’ils se succèdent dans un ordre chronologique, ont une structure fragmentaire, à l'image de nos souvenirs. C’est le portrait néo-réaliste d'un lieu, d'une époque et de personnages ruraux hauts en couleur, que l’on peut comparer à certains albums de Paco Roca ou Carlos Gimenez. Un de ces livres que l'on peut lire et relire, qui ne perd jamais de sa puissance et qui résiste aux tendances et aux modes.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 17 Janvier 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Ronson © Robinson (Hachette) 2024
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)
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10/05/2024 | grogro
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Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
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Vous êtes amatrices et teurs de récits d'enfance ? Alors voici Ronson, petite pépite signée par un jeune auteur espagnol de grand talent ! C'est la couverture qui a d'abord attiré mon regard. Malgré son noir et blanc sobre, les effets d'ombrage sont incroyables. On devine au dessus de ce petit garçon un feuillage frais, et au dessus encore, un soleil de plomb. A peine ouverte, le soleil implacable de l'été espagnol m'a explosé au visage. L'effet bœuf de cette bichromie orange et noire, audacieuse, traduit à la perfection cette ambiance cagnarde, au point de faire fondre ma rétine. Le dessin, très expressif et dynamique, est entièrement imprégné de cette atmosphère. Le trait fin, ciselé, précis, anime ce voile coloré. Très vite, un dialogue s'établit entre dessin et couleur. Il y a là une force incroyable auquel l'auteur (dont c'est apparemment la première BD publiée) ajoute sa touche à la fois désuète et extrêmement moderne. Les case sont traversées par des ondes de chaleur, le silence de la campagne espagnole est écrasé par le chant des cigales. On le sent, César Sebastian parvient à retranscrire ce genre d'impression. L'effet est hypnotique. Le travail éditorial est à l'avenant. Si le dos jaune trompe son monde en laissant croire à un dos toilé, il annonce la couleur (si je puis dire), mais surtout la température. Les pages de garde à l'ancienne sont splendides avec leur motif marbré jaune et noir. Tout cela pour un prix tout à fait convenable. Quant à l'histoire, elle est bien narrée. Après un début très narratif que l'on feuillète comme un album photo, avec cette collection d'instantanés splendides où passé et présent se mêlent intimement, et cette voix off du papy qui raconte, on arrive dans le vif du sujet. Les souvenirs s'incarnent et s'animent, d'abord de manière échevelée, comme le sont généralement les enfances sauvages de la cambrousse. Puis les choses s'ordonnent par chapitres, autours de thèmes : les jeux, les animaux, la sexualité... Au-delà des souvenirs se tisse en filigrane un paysage de l'Espagne franquiste, et bien entendu, un portrait de l'enfance dans toute sa lumière, mais également dans toute sa cruauté brutale, presque innocente. On se laisse porter jusqu'à la fin, où la boucle se boucle, philosophiquement parlant. En effet, la narrateur est redevenu adulte et reprend le fil de sa réflexion sur le temps et les souvenirs, entamé avec les premières pages. Comme lui, le lecteur a la sensation d'avoir traversé des événements brumeux, mais terriblement réalistes. Le ton doux amer de cette histoire renforce encore cette impression de réalisme rêveur, ce qui pourrait paraitre paradoxal. Mais tout sonne juste, tout est à sa place, et contribue à dresser un tableau on-ne-peut-plus honnête d'une enfance pourtant inventée de toutes pièces puisque l'auteur est né à la fin des années 80. Mais sont-ils réellement inventés ? Ou bien s'est-il inspiré de souvenirs de son père ? De son grand-père ?... Quoiqu'il en soit, on y croit. Mais tout pourrait n'être que pure fiction, César Sebastian a totalement réussi à donner vie à ces tranches de vie. Ronson est un hommage à l'enfance touchant, tout comme à la foule anonyme qui nous précéda sur cette Terre. C'est un récit très mature et bouleversant qui mérite que l'on s'y attarde, car à coup sur, il saura titiller quelque chose en vous, et ranimer de vieux souvenirs qui, à leur tour, prendront cette texture bichrome flottant entre le rêve et la réalité.

10/05/2024 (modifier)