Une place

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Essai sur la place des femmes dans l'histoire de l'art.


Documentaires Féminisme La BD au féminin Séries avec un unique avis

C'est l'histoire d'une jeune femme qui cherche sa place dans le monde de l'art, comment se sentir légitime quand si peu de modèles nous sont montrés dans les musées ?

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Octobre 2022
Statut histoire One shot (299 pages) 1 tome paru

Couverture de la série Une place © Hachette 2022
Les notes
Note: 4/5
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26/08/2023 | Canarde
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Par Canarde
Note: 4/5
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Quelle place pour les femmes dans l'art ? Voila une question qui me tarabuste autant que les autrices de cet essai. (la catégorie documentaire ne semble pas ici tout-à-fait correspondre au projet, comme pour Economix ou "Capital et idéologie", ou encore Le Monde sans fin, d'ailleurs, mais bizarrement cela m'apparait plus avec celui-ci, comme si parler des femmes c'est construire un point de vue, alors que parler d'économie, cela semblerait plus "objectif". Pourtant, dans tous ces cas, il s'agit de thèses de fond, et non pas d'un documentaire sur un endroit, un personnage, une expérience...) Je suis une femme et j'ai fait des études artistiques (terminées il y a presque 25 ans), et donc je me suis posé à peu près toutes les questions abordées dans cet album et c'est bien de voir les générations suivantes mettre tout ça sur la table, déterrer des archives et rendre public ce qui restait apparemment des problèmes existentiels individuels chez chacune d'entre nous. La première page est parlante et le fait de passer d'objet essentiel de l'art à autrice est une marche qui parait presque infranchissable. Eva Kirilof et Mathilde Lemiesle regroupent donc ici tous les freins successifs que l'histoire écrite par les hommes a attaché aux pieds des femmes pour qu'elles restent en dehors des sphères artistiques. Mais aussi politiques, militaires, historiques, scientifiques, littéraires et même sportives. L'album a aussi le mérite de regrouper les parcours de femmes artistes qui ont pu l'inspirer, celles qui malgré tous ces freins organisés, ont sauté le pas et franchi la porte de la création artistique, et plus précisément qui sont devenues peintresses. Certaines m'étaient connues (Artémisia Gentileschi (1593-1652), Elisabeth Vigée-Lebrun au XVIIème siècle, Suzanne Valadon ou Tamara de Lempicka au XIXème et XXème siècle et d'autres totalement inconnues : Sofonisba Anguissola (1532-1625), Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803), Marie-Guillemine Benoist (1758-1826) ou Paola Régo au XXème siècle. J'en cite beaucoup mais j'en oublie aussi, pour montrer que l'arbre de l'histoire de la peinture est très grand et que beaucoup de branches nous ont été cachées. Les œuvres sont représentées par des photographies en noir et blanc et on comprend assez mal pourquoi nous ne les avions jamais vues compte tenu de leur qualité de composition et de l'intelligence des partis-pris, au regard des œuvres de la même époque qui sont restés dans les livres d'histoire de l'art. Le contraste entre les œuvres en noir et blanc et un dessin au trait en trois couleurs (noir, rouge et bleu) est efficace mais pas particulièrement séduisant ni impressionnant. Bref c'est un travail étayé, sérieux, avec des citations des grandes penseuses de notre époque (historiennes, philosophes ou écrivaines) et une bibliographie étoffée. Évidement, je tique sur certains points, parce que j'ai moi-même abandonné le projet artistique, parce que son sens social ne m'apparait pas clairement, il reste réservé à une élite que je n'ai pas vraiment envie de côtoyer. La peinture est finalement au service d'une classe sociale et cet aspect reste un peu dans l'ombre... Et si les femmes avaient finalement raison de rester à l'écart d'un domaine condamné à représenter un ordre social établi et illégitime ? Par ailleurs la recherche de l'égalité dans la reconnaissance, voire dans la rémunération, n'est pas forcément ce qui me parait juste, la mesure de la légitimité est-elle condamnée à se mesurer en monnaie ? Une monnaie qui para ailleurs depuis l'abandon de l'étalon or après la crise de 1973, se démultiplie d'année en année... Raison pour laquelle les femmes peuvent finalement entrer dans cette chaîne de valeur nouvelle. (lire Ivan Illitch qui fait le lien entre capitalisme, concurrence et égalitarisme) Si les faits recueillis dans cet opus sont vrais et éclairants, le point de vue risque de paraître très daté assez rapidement, comme la voix d'une époque... Cela a quelque chose de gênant, comment parler d'art en portant si peu une voix singulière, individuelle ? L'intérêt de faire entrer ces femmes peintres dans l'histoire de l'art, serait de parler plus de leur apport, des expériences picturales qu'elles ont faites, des voies qu'elles ont ouvertes et qui n'ont pas pu être empruntées faute d'apparaître dans les livres. Aujourd'hui, l'art pictural est peut-être à chercher ailleurs : dans le tatouage, la peinture de rue, le dessin animé ...et la bande dessinée ! (Dans ce dernier domaine, j'ai l'impression qu'elles prennent une bonne PLACE, en particulier dans les documentaires, les essais et les romans graphiques, je me trompe ?)

26/08/2023 (MAJ le 26/08/2023) (modifier)