Les Fusibles

Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)

Dans une métropole anonyme d'un pays fragilisé, trois enfants jouent à "sauver la ville". Trente ans plus tard, Abel a fui le pays, s'est reconstruit ailleurs et élève seul sa fille, Billie, la tenant loin de ses origines.


Immigrants Le Liban Proche et Moyen-Orient Séries avec un unique avis

Lorsque Georges, son ami de toujours, lui rend visite, il convainc Abel de rentrer pour accompagner les derniers jours de son père, malade. Sur place, ils retrouvent ce quotidien chaotique qui a éloigné Abel de ses racines autant qu'il a enchaîné Georges à sa terre. Un récit en quatre temps qui offre une réflexion sur l'identité, le déracinement et la transmission. Les Fusibles est le titre le plus personnel de Joseph Safieddine. Il y livre ses interrogations de fils d'immigré à la double nationalité. Cyril Doisneau ose un style plus moderne, plus contrasté.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 07 Avril 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Fusibles © Dupuis 2023
Les notes
Note: 3/5
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04/04/2023 | Ro
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Par Ro
Note: 3/5
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Comédie dramatique en trois actes, les Fusibles aborde l'ambiguïté du rapport à ses origines quand on a coupé les ponts pour laisser derrière soi un pays en plein chaos et offrir une vie meilleure à ses enfants. Ce pays, il n'est pas nommé ici mais on reconnait très vite le Liban. Et ces interrogations, ce sont celles du père de l'auteur qu'il a choisi de romancer pour la raconter plus librement. On commence par découvrir l'enfance des deux héros, Abel et Georges, deux ados gentils mais turbulents qui errent dans les rues d'une Beyrouth des années 80 sous tension et plombée par des coupures d'électricité à répétition. Sur l'impulsion de la jolie Sarah dont ils sont tous deux amoureux, ils vont s'investir pour leur ville en allant rebrancher eux-mêmes les fusibles de leurs voisins de quartier lors des coupures pour redonner de l'espoir à leurs concitoyens. Puis sans transition, et on comprendra plus tard pourquoi, on retrouve Abel une trentaine d'années plus tard alors qu'il a refait sa vie dans un pays occidental, probablement la France, et que Georges vient lui rendre visite et essaie de le convaincre de faire découvrir son pays natal à sa fille qui est déjà une jeune adulte. Outre le retour aux sources, il y a une autre raison derrière cette demande : le père d'Abel, qu'il n'a pas vu depuis des années, devient de plus en plus malade et Georges aimerait que son ami le voit peut-être pour une dernière fois. Et le troisième acte sera précisément celui où Abel et sa fille reviendront au pays, le temps d'un séjour qui ne se passera pas vraiment comme ils l'auraient souhaité. Il s'agit d'un récit intime où Joseph Safieddine raconte de manière détournée son propre parcours et celui de sa famille. Ce père qui a coupé les ponts avec le Liban, c'est son père, et cette jeune adulte dessinatrice qui ne connaissait pas son pays d'origine et n'en parlait même pas la langue, c'est l'alter ego du scénariste lui-même. Cyril Doisneau les met en image avec un style graphique léger qui rappelle celui de Dupuy et Berberian. Cela permet de garder une distance avec l'atmosphère désespérante que peut produire un pays en proie au chaos et au conflit interne. Ce dessin fait ressortir l'insouciance des deux gamins des années 80, la camaraderie des deux adultes qui profitent d'un pays occidental tranquille, et ce sont ceux là qu'on retrouve ensuite dans la situation plus compliquée du dernier acte. On notera également que la majorité des planches sont en teintes de gris, afin de mieux faire ressortir les quelques cases en couleurs qui se déroulent dans un monde virtuel, qu'il s'agisse des simulations en réalité virtuelle que crée le héros devenu adulte ou des situations fantasmées qu'il aurait justement aimé vivre. Le procédé est plutôt pas mal. Beaucoup de bonnes choses donc, mais une narration légèrement décousue. La rupture entre le premier et le deuxième acte est assez abrupte et il faut attendre la fin de l'album pour en comprendre la raison. Cela décontenance le lecteur qui a l'impression d'avoir laissé une situation en plan pour partir bien des années plus tard dans un contexte très différent. Quant au troisième acte, il rappelle l'intrigue de Yallah Bye du même scénariste, que j'avais beaucoup apprécié, mais dans une version plus étouffante, presque en huis-clos, et aussi plus confuse en termes de dialogues et d'intentions. Malgré la sincérité et la justesse de son message, mon attention a décroché dans ce dernier tiers de l'album qui n'a pas le même rythme que les précédents. Et même l'épilogue, en forme de parenthèse expliquant le passé, n'a pas su me toucher autant qu'elle aurait pu. Cette BD aborde de fait des thématiques intéressantes et sincères, mais sa mise en scène, notamment celle de son dernier acte, ne m'a qu'en partie convaincu. Même si les thèmes n'y étaient pas exactement les mêmes, j'avais davantage été transporté par Yallah Bye.

04/04/2023 (modifier)