Naphtaline (Naftalina (Argentine))

Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)

Angoulême 2023 - Prix du public Naphtaline a reçu le prix Fnac-Salamandra 2019, le prix du festival Viñetas de la bande dessinée hispanophone en 2021, ainsi que le prix du public au festival d'Angoulême 2023.


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Nous sommes en 2001 et l'Argentine est plongée dans une grave crise politique et économique. Rocío, une jeune fille de dix-neuf ans, emménage dans l'ancienne maison de sa grand-mère Vilma, peu de temps après les funérailles de cette dernière. Dans cet environnement marqué par l'absence, Rocio se remémore la vie de Vilma, une histoire teintée de tragédie qui commence dans les années 1920 en Italie. Les parents de Vilma fuient le pays peu après sa naissance, au moment de l'accession au pouvoir de Mussolini. Arrivés en Argentine sans le sou, ils ne peuvent financer les études de Vilma. Celle-ci doit alors quitter l'école, puis est mariée de force à un voisin après être tombée enceinte et avoir été abandonnée par l'homme avec lequel elle pensait faire sa vie. L'histoire de Vilma dans cette société patriarcale sera une longue suite de désenchantements et de sacrifices, qui la rendront progressivement acariâtre.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 04 Février 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Naphtaline © Cà et Là 2022
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)
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12/03/2023 | grogro
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Par Gaston
Note: 4/5
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3.5 Un bon roman graphique même s'il m'a fallu un peu de temps pour rentrer dans le récit. Il faut dire que je ne me suis pas très fan du dessin que je trouve un peu moche, mais au moins c'est lisible. J'ai accroché lorsqu'on voit enfin le passé familial de l'héroïne et plus précisément la jeunesse de sa grand-mère paternelle. Au travers de cette grand-mère on voit ce qu'ont dû subir les femmes de cette génération, dont le destin consiste à se trouver un homme pour se marier. Son frère n'est pas mieux loti parce qu'il est homosexuel à une époque où c'est une déviance et où on doit le cacher. Il y a plusieurs passages émouvants dans cet album et ça se lit très bien une fois qu'on réussit à embarquer dans le scénario. Il y a juste le dessin que je n'ai pas réussi à aimer, mais comme je l'ai écrit, au moins je savais ce qui se passait dans les cases.

09/03/2024 (modifier)
Par Canarde
Note: 4/5
L'avatar du posteur Canarde

Encore une histoire de famille ! Je les ai collectionnées sans m'en rendre compte, pour cette première visite à Angoulême. Celle-ci est argentine, et plus construite que les précédentes. Le scénario crée un va-et-vient bien rythmé entre le présent d'une jeune fille qui commence sa vie d'adulte dans la maison de sa grand-mère, et des flash-back sur les racines de son arbre généalogique. Sa copine trouve quelle a bien de la chance d'avoir cette maison gratos, mais chaque objet, chaque pièce, la renvoie à des énigmes familiales qu'elle va essayer de résoudre, entrecoupée par les coups de fil agaçants de sa mère. Un ensemble de rouages très bien assemblés, qui tire son originalité du dessin, me semble-t-il. Peu de couleurs, pas du tout réalistes, très vives (mais dans une toute autre palette que Ecoute, Jolie Márcia, qui nous venait du Brésil) Les personnages, avec des ronds presque fushia à la place des joues, des corps en poupées de chiffon rebondies, prennent vie grâce à de bons dialogues. le passage présent/passé est très lisible, et il a fallu que je revienne dessus en vous écrivant pour comprendre le mécanisme : c'est juste le fond qui est soit blanc, soir vieux rose. (spoiler, si vous souhaitez en faire un cadeau, cela peut vous être utile) Le fond de l'affaire est une famille italienne dont le père est communiste, qui est obligée d'émigrer en Argentine, pour survivre. Et cet album décrit comment l'engagement politique d'un homme va contribuer à un déracinement difficile à assumer pour sa femme : elle va reporter toute sa frustration sur ses fils dont les destins en seront fortement imprégnés. Bref c'est une belle histoire, à la fois triste et qui ouvre sur des lendemains ouverts.

04/02/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
L'avatar du posteur grogro

Son prix du public reçu au dernier festival d'Angoulême a fini par attirer mon attention sur cette BD auparavant à peine effleurée par mon regard dédaigneux. J'ai un peu honte aujourd'hui, je le confesse. Que cela me serve de leçon. Toujours est-il que je me suis dis : quand même ! Le prix du public, ce n'est pas rien. Y a forcément une raison ! Alors je me suis lancé. Et je n'ai pas eu tort car c'est une très belle découverte. Déjà, le dessin, qui m'avait un peu laissé de marbre lorsque j'avais empoigné le livre pour la première fois, finit par produire son petit effet au point qu'au fil de ma lecture, je le trouvais de plus en plus admirable et maitrisé sous des dehors un peu désinvoltes. Et puis surtout, très rapidement, on oublie ces gros personnages au visage de poupées russes pour constater que ce titre fourmille de trouvailles graphiques étonnantes. Sole Otero établit un code graphique bien à elle qui fonctionne très bien et que l'on s'approprie immédiatement sans avoir besoin de se torturer les méninges. Cela permet de naviguer de manière très fluide entre les personnages et les différentes époques. Les personnages sont forts. Il y a du vécu caché là-derrière, à n'en pas douter. C'est une psychanalyse en direct qui se déroule sur trois générations. C'est l'histoire d'une descendance, d'un héritage génétique et même épigénétique, l'histoire d'une tragédie familiale enfermée dans une maison où flotte une odeur de naphtaline, l'histoire du poids du passé qui pèse sur les épaules de Rocio, notre héroïne et narratrice (Sole Otero ?). En toile de fond, une Argentine en crise. Rocio regarde avec un oeil d'adulte les souvenirs qu'elle conserve de sa grand-mère et les ausculte devant nous, les dissèque. Elle dresse le portrait d'une désillusion, d'un parcours brisé. En ce qui me concerne, j'ai reconnu le portrait d'une perverse narcissique. Naphtaline pourrait selon moi être ça : la vie et la mort d'une personne toxique. Comment elle est devenu cet être désenchanté, ce trou noir d'où la lumière ne parvient plus à irradier ? Quoiqu'il en soit, il faut être sacrément lucide pour écrire un truc pareil. Il faut avoir fait la paix avec ses vieux démons, vieux démons que l'on perçoit ici au travers notamment de ces mots barrés, rectifiés, comme s'ils s'étaient échappés de la plume de l'autrice à son insu, dominée alors par ses émotions. Naphtaline dégage une maturité affirmée qui permet d'asseoir solidement le récit. C'est un récit fort que je conseille entre autre aux amateurs de sagas familiales. C'est en outre très inventif et doté d'une narration très fluide. Je n'aurais pourtant pas misé un kopeck sur ce titre un an en arrière. Ce qui s'appelle une excellente surprise !

12/03/2023 (modifier)