L'Araignée de Mashhad

Note: 4/5
(4/5 pour 5 avis)

Après Une Métamorphose Iranienne et le Petit Manuel du parfait réfugié politique, Mana Neyestani réalise un fascinant docu-fiction à propos d’un tueur en série qui a sévi dans l’est de l’Iran au début des années 2000. Basé sur des entretiens filmés par deux journalistes proches de Mana Neyestani, L’Araignée de Mashhad retranscrit le parcours de Said Hanaï, qui, au prétexte de se conformer à des prescriptions religieuses, assassina seize femmes prostituées ou droguées en quelques mois dans la ville sainte de Mashhad, située au nord-est du pays. Le tueur amenait toutes ses victimes chez lui avant de les étrangler, d’où l’appellation par les médias de « meurtres de l’araignée ».


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Alternant véritables interviews du tueur et passages fictionnels, Mana Neyestani dévoile aussi bien le point de vue du tueur, que celui de ses proches, de ses victimes, ou du juge en charge du dossier. Il met en lumière le poids d’une vision rigoriste de la religion dans cette ville, l’une des plus conservatrices du pays, où une partie de la population a manifesté en soutien au tueur après son arrestation. Combinant différents registres narratifs et graphiques en passant d’un protagoniste à l’autre, Mana Neyestani montre à travers ce fait divers une société malade, où ceux qui vivent en marge sont considérés comme des sous-humains, allant parfois jusqu’à justifier les pires extrémités. Texe: L'éditeur

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 12 Mai 2017
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série L'Araignée de Mashhad © Cà et Là 2017
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 5 avis)
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01/10/2017 | Gaston
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Par cac
Note: 3/5
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J'ai déjà lu les autres productions éditées en France de Mana Neyestani. Cette histoire porte sur le pays d'origine de l'auteur, l'Iran où on découvre un tueur en série qui ne paie pas de mine. C'est un maçon tout chétif mais accusé d'avoir tué plusieurs prostituées au nom de Dieu pour "nettoyer" les rues de sa ville. Le récit est basé sur des entretiens menés par le documentariste Maziar Bahari et la journaliste Roya Karimi Majd. On sent la froideur et l'absence de remords de l'homme tellement il est convaincu d'avoir accompli son devoir. Il est d'ailleurs soutenu par une partie de la population. Même s'il revendique avoir agi au nom de la religion dans une république islamique, il sera malgré tout jugé et exécuté pour ses crimes. Cela est relaté de manière neutre, sans prendre parti pour ou contre les actions de l'homme, à la manière d'un documentariste.

10/02/2021 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
L'avatar du posteur gruizzli

J'apprécie énormément le travail de Mana Neyestani, dont les BD savent allier un dessin issu de la caricature et du dessin d'architecture (selon les propos de l'auteur en interview dont j'ai perdu les fichiers ...) avec un propos tenant de la politique, de la sociologie et de l'humour. Un mélange très bien dosé qui donne à ses BD un rythme et un ton unique. A chaque fois que je lis une de ses oeuvres, je suis surpris de la fluidité de l'écriture et de la narration, permettant une lecture fluide malgré les sujets abordés. La BD présente ne déroge pas à la règle, et si l'humour est en grande partie absent du récit, il arrive à naviguer dans un ton bien différent, qui provoque presque le malaise tant le tout semble détaché de son propos. On parle de tueur en série avec une certaine raideur et une tonalité très documentaire. Mais pour autant, Mana Neyestani ne livre pas un documentaire détaché de son propos. Il arrive à glisser subtilement quelques petites touches d'humanité, entre la femme qui interviewe et dont on sent qu'elle est fortement en désaccord avec son interlocuteur, le passé d'une des victimes, les personnes interviewées en dehors de l'assassin ... L'ensemble donne un sentiment contrasté et nuancé de toute cette affaire. Je suis très intéressé par les propos du juge, notamment, qui sont révélateurs de toute la complexité des lois dans une république islamiste. Et l'ensemble de l'affaire a de quoi faire froid dans le dos. Le pire étant, à mon avis, le froid détachement que l'assassin porte sur ses crimes : il reste un bon père, un bon citoyen et un bon musulman. Que tant de gens le soutiennent dans sa démarche ne fait que renforcer ce sentiment de gêne qui frappe à la lecture. Et le propos est assez éclairant sur l'Iran d'aujourd'hui, pays qui m'intéresse de plus en plus de par son histoire récente, ouvroir de nombreux problèmes qui sont parvenus jusqu'à nous aujourd'hui. Le dessin de Mana Neyestani est toujours aussi bon, avec un trait qui est expressif, dans des compositions marquées à la limite de la caricature ou du burlesque parfois. C'est un peu en décalage avec le propos, ce qui le renforce à mes yeux, tout en permettant parfois de mettre de façon assez inédite son propos en image. Il a un sens de la composition et de la mise en image qui allie souvent l'inventivité avec une constante lisibilité. L'utilisation de cases constantes est présent à côté de mise en scène de plongée/contre-plongée spectaculaire. Bref, une nouvelle fois l'auteur sait nous pondre une petite merveille qui a de quoi réjouir : une lecture prenante et qui fait durement réfléchir, mais qui a également une atmosphère prenante et presque angoissante. Dans quel monde vivons-nous, tout de même ...

15/01/2020 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Voilà un album qui traite d’un sujet original et dramatique, de manière fluide, avec une lecture rendue agréable par un dessin simple et chouette, parfois à la limite du crayonné (pour les décors par exemple). L’album s’inspire d’un documentaire, réalisé sur le même sujet. A savoir un entretien avec un tueur en série iranien (suivi d’une petite enquête). Le sujet est assez original, mais déjà traité ailleurs (voir par exemple récemment Mon ami Dahmer). Mais ce qui fait la particularité de ce cas-là, c’est que ça se passe en Iran, et que le tueur en question revendique très clairement ses actes, qu’il n’agit pas comme un malade mental – et qu’une partie non négligeable de la société comprend et soutient presque ses actes ! Car cet homme dit agir au nom de sa vision rigoriste de la religion. Il vit dans une ville qui est un grand centre religieux de l’islam shiite, et pense par son action – ses douze victimes sont toutes des prostituées – « nettoyer » la société de « pécheresses ». On le voit, c’est du déjà vu ailleurs, en d’autres temps (croyions nous), lors de chasses aux sorcières. L’interview est menée en prison par une femme – dont on devine qu’elle prend sur elle pour rester calme devant les dires du tueur, alors même que cette femme fait partie de celles qui s’écartent pas mal de l’idéal féminin défendu par les idéologues du régime (la personne qui a inspiré ce personnage a depuis fui hors d’Iran, comme le réalisateur du documentaire d’origine, et l’auteur de cet album). Et ce sont les propos froids de cet homme, ange exterminateur bien frêle (c’est un homme sans histoire, « ordinaire », mari aimant, selon sa femme, soldat modèle durant la guerre Iran-Irak, mais aussi empli de frustrations depuis l’enfance), qui tentent d’expliquer l’absence d’empathie ressenti pour les femmes qu’il tue. C’est un homme qui correspond en fait aux canons des plus extrémistes du régime, même si, en s’arrogeant le droit de faire justice lui-même sans passer par celle officielle des Ayatollahs, il va se voir condamner à mort – sans regret, et presque sans émotion ! La lecture est comme je l’ai dit rapide et fluide, et éclaire, en plus de la personnalité d’un tueur en série hors norme, une facette de la société iranienne (les témoignages du tueur et de sa femme sont étouffants, l’individu s’étant totalement effacé au profit d’une « collectivité » obscure, voire obscurantiste).

14/02/2019 (modifier)
Par Erik
Note: 5/5
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Ce sont des titres comme celui-ci qui me font renouer avec le monde de la bande dessinée dans ce qu’elle possède de plus beau et de plus passionnant. En effet, j‘ai trouvé le sujet fort intéressant car peu connu du grand public. Il faut savoir que dans l’Iran des Ayatollah, il y a également des meurtriers en séries mais qui ont leurs propres spécificités. Bref, un sérial-killer religieux. Cependant, celui-ci se considère comme un très bon père de famille qui fait le ménage à la place de l’Etat chiite pour se débarrasser des immondes prostitués qui inondent le trottoir de leur venin charnel. A l’écouter, il devient véritable héros à la nation, adulé par les commerçants de la place, vénéré par son fils et par son épouse. J’avoue avoir été bluffé du début jusqu’à la fin où l’on apprend la terrible vérité qui dépasse l’entendement. Ce titre est mon coup de cœur du moment. Je m’aperçois qu’il n’y a pas que Marjane Satrapi comme auteur iranien et qu’il y en a un autre à savoir Mana Neyestani qui fait un véritable carton. Le dessin est beaucoup plus abouti sans compter le scénario qui est maîtrisé d’une main de maître. Cela me donne même envie de connaitre les autres œuvres de cet auteur qui est devenu un réfugié politique dans notre pays. On peut en comprendre aisément les causes en lisant par exemple l’araignée de Mashhad. Le récit sera très fort et parfois assez poignant. Mais inutile d’ajouter que cela sera sidérant pour un lecteur occidental qui parviendra dès lors à mieux comprendre comment un Etat religieux peut bousculer les comportements et les consciences. Cela fait très peur sur ce qui nous attend si on approuve les entreprises de nettoyage qu’elles soient ethniques ou morales. Note Dessin: 4.5/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.5/5

30/10/2017 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
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3.5 Le meilleur album de cet auteur iranien que j'ai lu jusqu'à présent ! L'histoire met en scène un fait divers iranien que je ne connaissais pas : dans une ville très conservatrice, un homme a tué plusieurs prostituées pour des prétextes religieux. Il a fait des interviews filmées avec deux journalistes et ces interviews sont retranscrits en bande dessinée dans cet album. Il y a aussi des passages fictifs comme lorsque l'auteur imagine la vie d'une des victimes de ce tueur en série. Moi qui aime bien les affaires criminelles, j'ai trouvé celle-ci passionnante. J'ai bien aimé comment l'auteur montre les problèmes de la société iranienne à travers ce tueur qui ne voit pas ce qu'il a fait de mal et dont une partie de la population appuyait ce qu'il faisait vu qu'il tuait des prostituées. Le dessin est d'un style réaliste qui, je trouve, va bien pour une BD documentaire.

01/10/2017 (modifier)