Putain d'usine

Note: 3.8/5
(3.8/5 pour 10 avis)

Adaptation bd du roman "Putain d'usine" de Jean-Pierre Levaray dont ce dernier nous conte le monde ouvrier dans une grande usine de produits chimiques.


Adaptations de romans en BD Documentaires Les prix lecteurs BDTheque 2007 Luttes des classes & conflits sociaux Toulouse et sa région

Une usine où rode la mort et où les instants sont tissés d’ennui, d’angoisse et de fatigue... Une usine où les jeux vidéo remplacent peu à peu la belote pour tuer le temps... Une usine où l’on attend le grand licenciement, sous la menace de la grande explosion... Une usine de produits chimiques, similaire à celle d’AZF - dont la désintégration ensanglanta et dévasta Toulouse en 2001 - et appartenant à la même sinistre multinationale... C’est sans fioritures que Jean-Pierre Levaray raconte avec force le quotidien d’une classe ouvrière qui, loin d’être allée au paradis, se morfond dans un purgatoire oublié. Englués dans la grisaille, confrontés au mépris et à la morgue des décideurs et gestionnaires, les prisonniers du boulot oscillent entre les tentations de la révolte et les affres de la résignation... ... l’ensemble sous le trait sans concession d’Efix qui est entré dans ce texte comme on entre en résistance : le poing levé !

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 20 Septembre 2007
Statut histoire Une histoire par tome 3 tomes parus

Couverture de la série Putain d'usine © Physalis/Petit à Petit/Fetjaine 2007
Les notes
Note: 3.8/5
(3.8/5 pour 10 avis)
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13/10/2007 | iannick
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Par gruizzli
Note: 4/5
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Mes convictions politiques me portent clairement vers ce genre de BD, qui sont révélatrices de la face cachée du beau capitalisme que l'on nous vend à tour de bras chaque jour. La réussite, la petite maison et le confort se payent au prix fort pour certains d'entre nous. Et il est bon de se demander si ce confort moderne mérite de tels sacrifices. La BD est particulièrement sombre, mettant en scènes de nombreuses petites histoires comme autant de portraits d'ouvriers qui dressent une carte de l'usine, celle aux rouages, aux fumées, aux trois-huit. Les portraits sont violents, ce sont des gueules cassées par la machine, des gens brisés par ce qu'il vivent dans leurs travail. C'est assez difficile de supporter toutes ces vies brisées, ces horreurs quotidiennes, ces personnes mourant si jeunes pour produire des produits dévastateurs pour la terre. Il y a là une sorte de cercle infernal que l'auteur souligne. Les usines décrites ici sont bien connues pour les catastrophes qu'elles produisirent : les incendies de l'AZF à Toulouse et celle de Rouen, plus tard. La BD étant sortie plus tôt, elle n'évoque que la catastrophe de Toulouse, mais je serais curieux de voir ce qu'il y aurait à dire sur l'incendie à Rouen. Les manquements à la sécurité sont déjà mentionnés partout dans cette BD qui date pourtant de bien avant. LA BD est servie par un dessin dans la veine humoristique qui colle curieusement bien à l'ensemble. C'est sans doute le décalage, mais aussi la volonté de ne pas noircir encore plus le tableau déjà suffisamment sombre. Cependant, je note que l'auteur s'est bougé pour nous faire des ressentis divers en usant de nombreuses techniques de dessins diverses et qui marchent pas mal, entre ombrage, crayonnés et dessins d'enfants qui rajoutent à l’atmosphère de l'ensemble. Si vous cherchez de la BD ouvrière, c'est parfait. Pour ma part, j'aime un peu moins le troisième volume, une histoire complète de vengeance prolétarienne, mais elle contient quelques notes pas bête sur la question de la gestion des grandes entreprises. En tout cas, les deux premiers volumes m'ont noircis ma journée après lecture, laissant couler la fumée de l'usine dans mon petit cœur. Et pourtant, ce que je retiens c'est la lutte, la dignité, les humains. Une BD de plus pour alimenter la révolte, camarade !

22/01/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Dès l’entame du premier album se trouvent un dicton catalan critiquant la notion de travail, et des affiches du Frente Popular. Et il est vrai que Jean-Pierre Levaray (qui adapte ici ses livres et qui est un militant anarchiste) se place dans son histoire sous le signe de la CNT, une vision anarchiste des rapports humains, et surtout une critique virulente et argumentée de l’aliénation que constitue pour les individus le travail salarié. Le premier album met quelques coups de projecteur sur des moments signifiants de la vie d’une usine (dangereuse, classée SEVESO), d’ouvriers, en montrant aussi ceux qui sont devenus invisibles, au siège social, et qui gèrent les « ressources humaines » comme les autres ressources, en cherchant la moins chère et en la pressant tant qu’il y a du jus (objectifs intenables, cadences infernales, on rogne sur la sécurité, précarisation par emploi massif de CDD et intérimaires…) pour atteindre les 10 à 15% de retour sur investissement par an. En deçà, l’usine n’est « pas rentable », on la ferme et on jette les ressources humaines (à la poubelle) au chômage. S’il y a bien un sentiment d’insécurité qui existe, c’est bien celui-là, qui n’est pas qu’un sentiment, mais qui n’est pas reconnu car toujours présenté comme inéluctable. Apparaît aussi la quasi impossibilité de lutter pour les travailleurs issus des milieux populaires et peu ou pas diplômés, quand bien même seraient-ils compétents et formés sur le tas : âgés, sans diplôme, ils resteront en bas de la hiérarchie, et donc seront parmi les premiers à « partir » (licenciement, maladie, accident, mort…). Ces milieux populaires, « déclassés », une sorte d’hommage leur est rendu dans le tome suivant, en sortant de l’usine pour aller « à côté » voir à quoi ressemblent ces « fantômes », cette classe laborieuse et dangereuse ignorée des médias (alors même qu’évoquer la lutte des classes pourtant bien vivante apparaît aujourd’hui comme incongrue). Dans le dernier tome, cette misère (accentuée par le chômage), cette haine trop souvent contenue explose, avec l’idée de « tuer son patron ». On n’est plus à l’usine, on va vers les tours des quartiers d’affaire qui ressemblent ici à un Mordor fantasmé. Pour ce thème dur, le dessin d’Efix fait un peu « gentil », mais au final ça passe bien, cela donne un peu d’humanité à un monde qui en manque singulièrement. Une trilogie à lire, en se disant que cet univers, cet envers du décor que l’on ne nous montre que rarement, est le prix que beaucoup payent (en France, mais aussi et surtout dans les pays « en voie de développement ») pour que quelques-uns s’enrichissent, sans qu’aucun débat réel n’ait lieu sur les fondements de la société dans laquelle nous vivons. Une série noire et engagée à avoir en tête au moment de la lecture des pages économiques de votre quotidien.

16/10/2015 (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
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Quelquefois, je lis des bd moins légères. Celle-ci a de la consistance, assurément! C'est également triste comme la mort qui rode. On suit le quotidien d'ouvriers dans une grande usine pétrolière. La pénibilité du travail est un thème rarement évoqué dans la bande dessinée contemporaine. Je conçois ce témoignage poignant comme une oeuvre salutaire. Il faut en effet que le monde sache à quel point c'est frustrant que de travailler comme manoeuvre toute sa vie durant et que ce n'est pas un choix mais une nécessité. C'est clair qu'il n'y a pas que du bonheur à travailler également dans un bureau avec toute la pression de la hiérarchie. J'ai souvent entendu le discours "si tu n'aimes pas ce que tu fais, tu changes, un point c'est tout!". Très facile à dire surtout quand elle émane de quelques privilégiés qui n'ont jamais connu le chômage ou de problèmes d'argent dans notre société de consommation, qui n'ont vraisemblablement pas de charge de famille à assurer. L'explication donnée par l'auteur au fait qu'on s'enracine dans cette médiocrité est tout à fait réaliste. La success story est souvent basée sur le facteur "chance". J'ai beaucoup eu de peine également pour celui qui a travaillé pour finir sa vie comme ingénieur, afin qu'il puisse recevoir de la considération. Au moment où il croit qu'il va atteindre ce but, on lui préfère un jeune qui débute. On lui assène un véritable coup de poignard marquant la fin de son rêve et finalement de sa vie. Les ouvriers ont une espérance de vie réduite. Je ne peux m'empêcher de penser à ma propre maman, ouvrière elle aussi, qui a malheureusement disparu aussi brutalement que les collègues de cet auteur. Ce n'est pas du cinéma : cela arrive réellement. Le travail tue ! Quand bien même vous avez un bac +5 major de promotion, on vous rappelle incontestablement le milieu d'où vous venez et on vous empêche de progresser. Il y aura toujours des cadres tel que ceux décrits dans ce livre pour vous barrer la route et favoriser des personnes de leur caste. C'est un vrai cercle vicieux qui perpétue l'inégalité au sein de notre société. Alors, oui, j'approuve totalement une bd qui renvoie incontestablement à ma propre histoire familiale. Difficile d'être plus subjectif que moi en cet instant. En lisant cela, j'ai également eu la sensation qu'il y avait finalement des gens qui comprennent ces mécanismes infernaux qui réduisent la capacité des gens à s'en sortir. Putain d'usine est presque "culte". Même le graphisme en noir et blanc rend l'ensemble encore plus magnifique dans la retranscription de cette triste réalité du monde archi-capitaliste. J'aurais peut-être voulu que les auteurs s'attardent davantage pour expliquer ce qu'était le travail autour de ces machines infernales. On passe beaucoup de temps autour de la machine à café. Cependant, l'auteur a réussi le difficile pari de nous transmettre sa hargne ainsi que sa lassitude. On devrait distribuer cet ouvrage à tous les bobos de la terre !

03/06/2008 (modifier)
Par Ems
Note: 4/5 Coups de coeur expiré

Un 4/5 proche du 5/5. Les BD documentaires font très fort ces derniers temps !!! Que dire de celle-ci ? Des textes directs à la limite des cris, l'auteur ne fait pas dans le paraître. Il maîtrise son sujet car ce travail d'écriture puise directement dans ce vécu de 30 ans d'usine. Le parti pris est clair et assumé. Cette franchise apporte du poids aux histoires qui forment un tout même si parfois on passe du coq à l'âne (seul petit reproche que je pourrais faire). Le dessin m'a surpris : il est vraiment superbe, souvent en noir et blanc, parfois en nuancés gris, mais dans tous les cas incisif, dynamique, esthétique, etc. J'ai adoré le travail d'Efix. Cet emprunt se transformera prochainement en achat car c'est une des meilleures BD en ce début 2008. J'avais des a priori sur ce one-shot, la surprise n'en est que plus belle. Je recommande vivement.

05/05/2008 (modifier)
Par Tetsuo
Note: 3/5

L'album est très engagé. Un ouvrier qui décide de raconter son vécu, son expérience, forcément cela peut permettre d'en apprendre plus sur un monde duquel, en fait, on connait peu le sentiment des gens. On a beaucoup d'images ou on pense savoir, mais de témoignages véritables, à mon sens, il n'en existe pas assez. Ici, c'est la vie côté dure et âpre... Le métier qui use, qui fatigue, qui rend nerveux, bref le métier pénible. Ce qui me dérange un peu, c'est que presque qu'aucun bon moment n'est relaté. Evidemment je comprends la fatigue de ces ouvriers, leur ras-le-bol, les moments de doute, les inquiétudes... mais même dans les moments difficiles, des petits riens laissent de bonnes impressions. Et là, c'est noir de chez noir, les rares moments de joies sont atténués par des retombées moins marrantes. Mais là encore, je prends parti pour ce monde ouvrier. Sans essayer de faire de la politique, leur rémunération est vraiment loin d'être à la hauteur de la dangerosité de leur travail et de leur condition... Alors oui, ils sont tout en bas de l'échelle, oui ils sont sans qualification (ça reste à voir), oui ils n'ont pas de responsabilités (idem), oui la main d'oeuvre coûte cher (là aussi ça dépend de la répartition des biens) mais sans ces ouvriers, l'usine fonctionnerait comment ? Au niveau graphique, l'utilisation du noir et blanc colle parfaitement à cette ambiance sombre. Efix prend totalement l'histoire à son compte, distillant des touches personnelles à une histoire véridique. A lire, car ce témoignage résonne avec l'actualité et rend bien compte de la vie d'ouvrier.

04/04/2008 (modifier)
Par Pacman
Note: 4/5

Après avoir quelque temps fricoté avec le genre roman noir dans Mon Amie la Poof et Lieutenant Kate, Efix nous gratifie ici d'un splendide roman graphique. On reconnaître là encore son style : un dessin tout en rondeurs pour illustrer des propos très noirs. C'est le seul reproche que je lui ferai : on broie du noir en lisant ses oeuvres, les lueurs d'espoir sont très rares et très vite, on nous en remet une couche, un peu comme dans le supplice de la baignoire. Mais bon, je connais bien le milieu ouvrier, et comment ne pas reconnaître que Putain d'usine est terriblement réaliste et d'actualité. Comment imaginer, quand on à un boulot sinon plaisant, du moins intéressant, l'enfer des salariés qui se perdent littéralement dans un taf répétitif, dangereux, inintéressant, un boulot de merde, quoi. Ils n'ont qu’à en changer, pourrait-on dire. Ben oui, mais non ! Et c'est ce qu'explique merveilleusement ce livre. On s'installe dans des habitudes, on a des traites à payer, une famille, on a passé les quarante ans, etc. Chaque brimade, chaque accident, chaque déconvenue nous rapproche de la démission... mais aussi de la retraite. Dur dur, la vie... Une oeuvre et un artiste à part. A découvrir.

24/11/2007 (MAJ le 24/11/2007) (modifier)
Par Alix
Note: 3/5
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C’est pas mal, mais bon, j’ai toujours un peu de mal avec les gens qui se plaignent de leur travail. Oui, l’usine, ça doit être dur, et je ne sais sans doute pas de quoi je parle… je n’ai jamais connu ça. Mais être assis à un bureau 8h par jour, c’est le pied ? Rester debout pendant 10 heures dans une boutique à essayer de vendre des fringues, c’est mieux ? Allez, combien de personnes peuvent vraiment affirmer qu’elles adorent leur boulot ? Moi, quand j’entends des collègues se plaindre « quelle vie, quand même, et nos chefs, quelle bande de cons, et puis alors avec ce qu’ils nous payent », ça me fait sortir de mes gonds. Si ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à partir non ? Alors voilà, c’est avec cet état d’esprit que j’ai entamé ma lecture de « putain d’usine », essentiellement 126 pages de « quelle vie, quand même, et nos chefs, quelle bande de con, et puis alors avec ce qu’ils nous payent ». Bon, certes, Jean-Pierre Levaray a peut-être plus de raisons valables de se plaindre que le fonctionnaire moyen. Je compatis pleinement. Mais je me demande quand même ce qui retient ces ouvriers de changer de boulot si leur vie est un tel enfer ! D’habitude, j’aime beaucoup le dessin de Efix, mais je ne le trouve pas forcément adapté au récit. Bon, une lecture agréable, mais qui ne m’a pas touché plus que ça.

10/11/2007 (modifier)
Par iannick
Note: 4/5
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Comment adapter un roman aussi noir sur la condition ouvrière en bd tout en la rendant agréable à contempler ? Et si la solution consistait à confier le dessin de « Putain d’usine » à Efix dont la particularité est d’avoir un style tout en rondeur ? Et ma foi, j’avoue que je suis ressorti convaincu de cette adaptation aussi bien par sa narration que par son graphisme. A l’origine, « Putain d’usine » est en quelque sorte une autobiographie de Jean-Pierre Levaray sur sa vie professionnelle. Cet auteur travaille (encore ?) dans une grosse usine de produits chimiques (s’agit-il vraiment de la société « Total » dont j’ai aperçu le logo maintes fois dans la bd ?) dans l’agglomération de Rouen. « Putain d’usine » est donc un témoignage de la carrière de Jean-Pierre Levaray qui a passé plus de 25 ans de sa vie dans ce complexe industriel, mais aussi de ses collègues eux aussi ouvriers. Autant vous le dire tout de suite, Jean-Pierre Levaray n’est pas tendre envers les conditions de travail déplorables qui règnent dans cette usine… il est vrai aussi qu’il en a vu des accidents et des compagnons y laisser leur santé. Il en a vu aussi des grèves et des espoirs sans lendemain. Mais alors pourquoi n’est-il pas allé voir ailleurs pour y trouver un meilleur poste ? Telle est une des nombreuses questions dont le lecteur pourra trouver une partie des réponses en lisant cette bd. Je me suis senti proche de Jean-Pierre Levaray en feuilletant son album. Bien que je sois loin d’occuper un poste équivalent à celui du scénariste, je n’oublie surtout pas que j’ai côtoyé le monde ouvrier pendant mes années étudiantes en tant que saisonnier dans une grosse entreprise industrielle. Je me rappelle aussi des températures élevées (proches des 50°c) , du bruit infernal (plus de 100 décibels) et de l’odeur tenace du vernis qu’il fallait y supporter comme l'a fait Jean-Pierre Levaray pendant plus de vingt ans ! L’album est découpé en plusieurs chapitres ayant un thème plus ou moins rattaché à l’usine et surtout qui rendent la plupart du temps hommage aux collègues de Jean-Pierre Levaray. Ces chapitres me sont tous apparus intéressants et touchants. J’avoue avoir eu beaucoup de retenue avant de commencer à lire « Putain d’usine » car en feuilletant rapidement la bd, le noir et blanc de certaines planches me semblait trop envahissant et par conséquent, me laissait craindre une lecture rendue difficile par ce traitement graphique. Ce ne fut pas le cas, le graphisme d’Efix m’est apparu adapté à cette histoire. A mon avis, son parti-pris graphique, tout en douceur et agréable à regarder, a le mérite de ne pas écœurer davantage le lecteur pour lequel les récits de "Putain d'usine" sont déjà assez durs et touchants comme ça. J’ai admiré le travail d’Efix pour cette bd, le dossier comporte un mini-dossier en fin d’album où le lecteur peut découvrir la genèse et l’évolution de « Putain d’usine ». On y apprend qu’Efix avait travaillé en tant qu’intérimaire dans des grosses sociétés industrielles, il n’a pas oublié lui aussi ce milieu et par conséquent, a voulu rendre un hommage appuyé à ces ouvriers en dessinant cet album. En tout cas, son enthousiasme et sa ténacité pour avoir réalisé « Putain d’usine » font plaisir à voir ! Au niveau du dessin, le résultat est franchement enthousiasmant. Efix varie les techniques de dessin avec bonheur (crayonnés, fusain, …etc.) sans que l’ensemble graphique perde de son homogénéité. La mise en page, le découpage me sont apparus excellents ! A mon avis, la narration amène le lecteur et ne le lâche pas avant la fin du livre ! On est loin de la complexité narrative de « Mon amie la Poof » du même auteur ! « Putain d’usine » est parfaitement le genre de bd que j’aime lire : un album engagé, ayant fait l’objet de nombreuses recherches aux niveaux de la narration et du graphisme, touchant, beau et dont j’ai senti de la part des auteurs beaucoup d’enthousiasme et d’engagement pour l’adapter ! Au fait, à la fin de l’album, Efix s’interroge en se demandant s’il a effectué un beau boulot sur cet album : qu’il en soit rassuré ! Moi, j’ai A-DO-RE !

13/10/2007 (MAJ le 07/11/2007) (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
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Je ne sais trop comment se situer par rapport au contenu de cette BD. Etant ingénieur, je suis sensé être plutôt classé parmi les cadres et donc voir ici l'aspect "de l'autre côté de la lutte des classes". Mais en même temps, ce qui est dit dans cet album m'a vraiment touché et paru similaire à ma propre vie professionnelle par bien des aspects. Le ras-le-bol, l'ambiance qui devient délétère, l'envie de tout plaquer, les patrons qu'on se met à haïr par leur aspect si éloigné du terrain, cette flemme ou cette peur qui font que finalement vous restez dans le train-train même si ça ne vous plait pas. Tout cela, je le ressens régulièrement (et encore c'est pire dans ma boîte puisqu'on ne fait même plus les apéros maintenant que nos services ont été explosés à coup de réorganisations ;)). A cela s'ajoutent les conditions vraiment particulières de cette putain d'usine qui est décrite ici : le véritable danger de mort rôdant à chaque instant, les anecdotes mettant en jeu la vie des employés, etc. Bref, c'est une BD qui m'a vraiment intéressé et qui a su me toucher par bien des aspects. Elle aborde avec un véritable succès les aspects les plus sombres de la vie professionnelle d'une grande catégorie de personnes. Alors même que le scénariste est militant CGT, j'ai trouvé son récit très impartial, se bornant à raconter des faits et des anecdotes sans pousser au militantisme forcené qui a su m'agacer dans d'autres ouvrages du même genre. Le dessin est bon, voire très bon. Son style a cependant parfois un peu de mal à se prêter à ce genre de récit, car il me fait plus penser à du style comique ce qui tranche avec l'ambiance. Il impose d'ailleurs à plusieurs moments aux personnages des expressions faciales que j'ai trouvées un peu trop soutenues. Mais finalement, peut-être est-ce le contraste entre l'ambiance sombre du récit et ce style de dessin tout en rondeur et dynamisme qui font l'une des forces de cette BD, ou qui la font sortir d'un lot qui aurait pu être nettement plus morne graphiquement parlant. Bref, une bonne lecture, touchante et très instructive.

07/11/2007 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Putain de boulot... Partir tous les jours pour faire un boulot de merde, c'est une sensation que beaucoup d'entre nous connaissent. Ici Efix illustre et adapte le roman de Jean-Pierre Levaray, qui livre son témoignage sur 30 ans de trime à l'usine (Total ?). C'est un électrochoc. Bien sûr, si vous êtes bien informé(e)(s), vous savez que la vie en usine est rude, qu'il y a beaucoup d'accidents, des suicides, des dépressions à la chaîne... Mais il vous manquait un témoignage fort. Le voilà, ce témoignage. On aurait plutôt vu un Etienne Davodeau dans ce genre d'exercice, lui qui est un peu la tête de pont de la BD engagée et sociale. Mais c'est Efix qui se colle au dessin, fidèle de la maison Petit à Petit, mais aussi et surtout auteur entier, libre d'esprit, et ancien ouvrier. Son style très rond n'a pas, de prime abord, d'atomes crochus avec ce type d'histoire. Mais c'est un maître du noir et blanc, et l'on oublie bien vite son style lorsqu'on est pris par une histoire, comme c'est le cas ici. Les ambiances, les expressions, les cadrages, tout est très bon, et l'on passe un très bon moment de lecture, et de réflexion. Iannick en parle bien mieux que moi, mais croyez-moi, c'est une excellente BD.

16/10/2007 (modifier)