L'Ombre (Les Jouets du Général)

Note: 2.25/5
(2.25/5 pour 4 avis)

Oeuvre méconnue de Pratt datant de 1964, en forme d'hommage aux héros du premier âge d'or du comics américains (30').


Auteurs italiens Ecritures Les Fauves Pratt

L’Ombre est un justicier dans la grande tradition des vengeurs masqués, mais pas n’importe lequel : il est doté avant tout d’un sens de l’humour bien à lui et d’un caractère bien trempé de Méditerranéen. En bon super-héros, il possède bien entendu une double personnalité et dispose d’une panoplie de gaz paralysants, de sérums de vérité, d’engins volants, de voitures hyper-puissantes… Son principal ennemi, “Le Général” (également appelé “L’Amiral” ou “Le Suprême”), veut faire main basse sur toutes les cargaisons d’or du monde. Ce “super-vilain”, lui aussi dans la tradition des légendes noires du comics, est secondé par une bande de tueurs et par une armada d’étranges robots et de miniatures téléguidées. En trois épisodes, les aventures de l’Ombre finiront par l’entraîner jusqu’à Jaïpur pour délivrer le Rajah qui a été enlevé. Un rapt signé “Le suprême”... [Texte Casterman] "En 1946, quand naquit l'« Ombre » sous la plume du scénariste Ongaro et le crayon d'Hugo Pratt, ce dernier n'avait pas encore rencontré Corto Maltese. Ce coup de foudre créateur- personnage ne devait avoir lieu que trois ans plus tard... En 1964, bon nombre de facteurs allaient mener à l'apparition de l'Ombre (l'Ombra, en V.O.) dans la bande-dessinée italienne. A ce moment en effet, Sean Connery/ James Bond triomphe avec « Dr NO » (1962), « Bons baisers de Russie » (1963) et « Goldfinger » (1964). Avec Bond sont nés les héros sans noblesse, sans passé, sans motif, luttant inlassable- ment contre une ribambelle de savants fous, dont le seul but semble être de devenir les maîtres du monde... De ce « mythe » nouveau, l'Ombre allait tirer ses bases. Et sur ces fondations très « mode », Pratt et Ongaro allaient greffer une autre mythologie: celle de la bande dessinée classique américaine. Et dans l'Ombre, les clins d'œil et points de repère sont légions... Batman d'abord de Bob Kane ; l'Ombre en a le genre de tenue, l'identité secrète (L'Ombre est en réalité un prof d'université nommé Peter Crane), le repaire hyper-sophistiqué, et on notera que dans le premier épisode son compagnon Wu porte le « loup » noir de Robin. Ceci, bien sûr, s'explique par le succès phénoménal qu'a rencontré Batman en Italie, dans les années 1960... Autres clins-d'œil aux bédéphiles: Wu, le « faire-valoir » de notre héros est un prince chinois, comme Lothar le géant noir de « Mandrake » était un indigène... Lorna la panthère noire est une sœur jumelle de la « Fang » de « Raoul et Gaston »... Et surtout, l'Ombre par son pseudonyme même et un peu par sa tenue fait plus qu'évoquer la légendaire « Ombre qui marche », alias le Fantôme du Bengale (la panthère remplaçant le loup)... Par ces références immédiatement identifiables, Pratt situe ses personnages, et de fait, peut immédiatement entrer en action sans ressentir le besoin de décrire leurs origines, leur vie « sociale », ou même leurs rapports entre eux. Quand l'Ombre entre en scène, le lecteur est en terrain de connaissance: il traîne derrière lui trente années de mythologie héroïque. La personnalité de ses héros semble d'ailleurs peu intéresser Pratt dans l'Ombra. Contrairement à « Corto Maltese » où chaque personnage a une vie propre, un passé, où les rap- ports humains priment l'action pure, tout dans 1'« Ombre » n'est que mouvement, brutalité et rapidité. Le dialogue de l'Ombre est d'ailleurs purement au service de l'action (dans le sens qu'il la fait avancer), alors que dans « Corto » tout n'est que contemplation, ironie et romantisme. Ce qui différencie également l'Ombre des autres récits de Pratt, est le manque quasi total d'humour et de recul. Nous vivons là une aventure au premier degré avec un « bon » (on est bien obligé de l'admettre comme tel, bien qu'ignorant ses motifs ou ses buts), un « méchant » qu'il faut vaincre (( méchant » très relatif d'ailleurs comparé à quelques-uns de ses confrères, puisque le « Général » comme 1'« Amiral » se contentent de voler, et ne tuent qu'en dernière extrémité). « De-la-B.D.-comme-on-n'en-fait - plus », semble être le meilleur qualificatif qui se puisse attribuer à cette « Ombre » attachante en diable... Et puis, outre le cinéma, la B.D. classique, on y retrouve une troisième et non moindre mythologie, puisqu'il s'agit de la mythologie « prattienne ». Et là aussi, se retrouvent bien des traits caractéristiques annonçant Corto Maltese... Le général et l'amiral, « vilains » sans visage préfigurent le mythique « Moine » de la « Ballade de la mer salée » ; Klinger, le brave professeur un peu dérangé a de faux airs du prof' Steiner, l'inséparable compagnon de Corto ; Alice, l'espionne aux faux airs candides se retrouvera sous de différents visages dans toute l'œuvre d'Hugo Pratt ; et même s'il n'est pas aussi fouillé, l'Ombre a la tranquillité, l'assurance de Corto, et un peu de sa fragilité (physique dans ce cas: l'Ombre n'a rien d'un Monsieur Muscle à la Superman !). […] Philippe Setbon, éditeur et traducteur, Février 1980

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Mai 1980
Statut histoire One shot (Intégrale) 1 tome paru

Couverture de la série L'Ombre (Les Jouets du Général) © Casterman 1980
Les notes
Note: 2.25/5
(2.25/5 pour 4 avis)
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05/08/2004 | ArzaK
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