La Passe-visage

À New York dans un futur proche, un implant cérébral permet de changer d'apparence de façon instantanée. Ces humains augmentés, surnommés "Passe-visages", louent leurs services pour soulager la solitude de leurs clients.
Auteurs israeliens Les petits éditeurs indépendants
Rose Cladwell a un rêve : elle veut devenir actrice et suit des cours de comédie. Mais en attendant de pouvoir vivre de ce métier, elle travaille comme « passe-visage ». Vous avez besoin de revoir un proche qui a coupé les ponts ? Vous voulez cacher votre divorce aux yeux de votre famille ? Quietu a la solution ! Téléchargez l’appli, et Rose accourra aussitôt en prenant l’apparence de l’être manquant… Mais pour la jeune femme, il y a un revers. Non seulement ce job ne suffit pas à boucler ses fins de mois, mais elle a dû se faire poser un implant cérébral lui permettant de modifier son visage au gré de ses missions. A force d’endosser des identités différentes, ne risque-t-elle pas d’oublier la sienne ?
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Date de parution | 16 Avril 2025 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis


Après quatre biographies consacrées à des célébrités (Rod Serling, Bela Lugosi, The Velvet Underground et Gary Gigax, le créateur de Donjons & Dragons), Koren Shadmi nous revient avec un ouvrage beaucoup plus personnel, davantage dans la lignée du « Voyageur », son œuvre phare parue en 2017 chez Ici Même et rééditée cette année chez Marabulles. Si « Le Voyageur » faisait figure de récit intemporel, ne serait-ce que par son personnage immortel que l’on voyait traverser toutes les époques, « La Passe visage » se situe clairement dans le registre SF. L’action se déroule à New York, dans un futur relativement proche, à la fois inquiétant et familier, puisqu’il est question de ces applis de smartphones qui, telles des baguettes magiques hi-tech, permettent à leur détenteur d’avoir tout ce qu’ils veulent, à tout moment et dans un délai très court (colissimo presto). Un futur où tous les moindres obstacles à nos désirs doivent être annihilés, à tout prix. Qu'on se le dise, la vie ne sera plus une quête, puisque nos machines si compatissantes l'accompliront à notre place. Uber-Seigneur, délivre-nous de nos maux, amen. En parallèle, c’est le thème de l’identité qui est abordé ici. Pour concevoir son scénario, Koren Shadmi, s’est inspiré, comme il le dit en postface, d’un étrange phénomène au Japon : « des sociétés louant de « faux » membres de leur famille à des clients esseulés, ou pour servir de remplaçants lors d’interaction sociale ». « La Passe visage » n’est donc pas totalement de la science-fiction, et c’est peut-être bien ça le plus terrifiant. L’auteur, très choqué en apprenant que de telles sociétés pouvaient exister, a donc cherché à nous faire partager ses états d’âme avec ce récit. Shadmi aurait pu se contenter d’une intrigue simple. Son personnage principal, Rose Cladwell, actrice en devenir, aurait pu se grimer pour interpréter au mieux les personnes qu’elle était censée remplacer. Mais en lui donnant la possibilité de changer d’aspect grâce à son implant cérébral, il ne fait que renforcer l’effroi du lecteur, d’autant plus quand l’implant se dérègle et que son visage, de manière très furtive, se déforme façon Francis Bacon. Ne se contentant pas d’abandonner son identité moyennant finances, elle-même est confrontée à quelques galères : d’abord ce boulot qui, même s’il lui sert d’ersatz à ses rêves d’actrice, ne lui permet même pas de boucler ses fins de mois difficiles, et ensuite les tensions résultant d’un divorce fait dans la douleur. Une situation qui suscitera chez elle des interrogations sur sa propre identité et la conduira doucement vers la folie. Partant d’un pitch original, Koren Shadmi a élaboré un scénario intrigant où ces questionnements philosophiques donnent le vertige. Mais s’il est original, ce scénario est complexe aussi, dans la mesure où l’on voit Rose vivre mille et une vies en se mettant dans la peau de plusieurs personnages, tandis que sa propre vie n’a pas l’air si simple. L’auteur du « Voyageur » s’en sort plutôt bien, mais il faudra parfois faire preuve d’une certaine concentration pour « identifier » tous les protagonistes. De plus, on pourra regretter l’absence d’un noyau véritablement magnétique dans ce récit qui reste un brin éparpillé. Les bonnes idées sont là, mais on aurait peut-être pu vibrer davantage si Shadmi avait opté pour un vrai thriller SF. Quant à sa ligne claire, elle demeure toujours efficace et sa froide sobriété contribue à produire une atmosphère irréelle et un peu anxiogène, dans un futur pas franchement enviable mais dont nous semblons nous rapprocher inéluctablement. Comme le dessin, la mise en page reste simple mais confère à l’histoire une bonne lisibilité. « La Passe visage », s’il n’atteint pas le niveau du « Voyageur », reste une lecture plaisante. Koren Shadmi prouve ici qu’il n’est jamais aussi bon que quand il produit une œuvre personnelle, qu’il sait être créatif quant il est question de nous faire partager ses vues sur le monde actuel et nous alerter sur ses dérives.
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