Meurtre télécommandé (Murder by Remote Control)

Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)

Une enquête policière dans une Amérique où un surréalisme inquiétant envahit un réalisme clinquant, où le cauchemar menace un si "grand" rêve.


1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Auteurs néérlandais [USA] - Nord Est

Maine, années 1980. Une galerie de personnages hauts en couleur habite autour d’une baie calme et préservée. M. Jones, magnat du pétrole qui projette d’y implanter une raffinerie, est assassiné par un avion télécommandé lors d’une partie de pêche. Qui a tué Jones ? M. Kane, le paysan du cru qui voit les nouveaux arrivants d’un mauvais œil ? Valérie, l’ancienne fille de joie reconvertie dans le jardinage, mais également un peu sorcière ? Joe McLoon, le desperado retranché, entouré de motos, d’armes et de maîtresses ? Ou encore Steve Goodrich, l’acteur hollywoodien à la retraite pour qui le monde est un plateau de tournage ? Les suspects ne manquent pas et chacun a son mobile. Soumis au regard scrutateur et aux pouvoirs psychiques de l’inspecteur Jim Brady, chacun à son tour va révéler les secrets de son inconscient, permettant au lecteur d’assembler les différents morceaux de l’intrigue. Fruit d’une collaboration entre Paul Kirchner et l’auteur de polars néerlandais Janwillem Van de Wetering, Meurtre télécommandé est d'abord publié aux Pays-Bas en 1984, puis aux États-Unis en 1986. Il reste à ce jour le seul récit long du créateur du bus et de Dope Rider. Le scénario, écrit sur mesure, dissèque l’âme américaine et met au jour ses tiraillements et ses contradictions. Il permet aussi à Paul Kirchner de donner corps aux visions de Jim Brady via des séquences hallucinatoires déclinées dans de spectaculaires splash pages. Elles nimbent l’enquête d’une atmosphère mystérieuse qui n’est pas sans évoquer la série télévisée Twin Peaks, sortie quelques années plus tard. Dans une postface écrite spécialement pour cette édition, Paul Kirchner retrace la genèse de l'album et dresse un portrait à la fois touchant et fascinant de son collaborateur et ami Janwillem van de Wetering.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 04 Novembre 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Meurtre télécommandé © Tanibis 2022
Les notes
Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)
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22/11/2022 | Blue boy
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Par Ju
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Eh bien pour le coup, j’ai adoré ! J’avais vu la bd en librairie et elle m’intriguait, mais sans plus. C’est finalement l’avis de Blue Boy qui m’a encouragé à passer le pas. Et je n’ai pas été déçu. « Meurtre Télécommandé » nous plonge dans une atmosphère particulière. Le cadre est tout ce qu’il y a de plus classique, une enquête sur un meurtre, plusieurs suspects, et un enquêteur solitaire qui doit composer avec la méfiance de la police locale, police locale rustre, incompétente, etc. Mais on s’arrête là pour le classicisme. Déjà, mais ça on le comprend au premier regard sur la couverture, il y a (un peu) de fantastique. J’avoue que je m’attendais à ce qu’il y en ait plus, mais c’est finalement bien dosé et pas trop prégnant. Le fantastique est bien amené et contribue surtout à une certains ambiance décalée de cette bd, qui est un peu dans son propre monde, et pas mal loufoque, mais du bon côté. Ce côté perché et loufoque est contrebalancé par un dessin hyper classique et des personnages qui ont des airs hyper sérieux et austères. Le décalage entre le récit et le sérieux des personnages marche très bien. Et l’enquête en elle-même n’est pas non plus déplaisante. En fait, elle sert seulement pour l’auteur à développer l’histoire de chacun des suspects et à leur inventer un trait de caractère et une histoire toutes plus absurdes les unes que les autres. L’enquêteur rend visite à chacun des suspects, ceux-ci sont développés et on passe au suivant, ça fait presque comme des mini histoires. Et mine de rien, même si c’est cent fois revu, j’aime bien le fond de l’histoire qui met en évidence plusieurs enjeux autour de l’occupation des espaces naturels, de la colonisation par les bourgeois de lieux naturels autrefois abandonnés, etc. Bref, j’aime bien le cadre et, surtout, la narration. Je me suis beaucoup amusé à la lecture, et j’ai beaucoup aimé. Le dessin, comme je l’ai dit, est sur une ligne très classique, ce qui apporte un contraste assez sympa avec l’histoire qui, sous des dehors classiques, est perchée. J’ai beaucoup aimé ce dessin que je trouve très beau. C’est classique mais admirablement réalisé. Les personnages sont beaux, ont les traits du visage fins et précis. Les décors sont eux aussi ultra réalistes. Le noir et blanc est également agréable à l’œil et se prête bien à cette bd. Je recommande en tout cas la lecture de cette bd qui m’a beaucoup plu.

12/06/2023 (modifier)
Par Cleck
Note: 3/5
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Voilà une BD bien surprenante ! Déjantée pour sûr, policière évidemment, référencée naturellement, mais nullement fantastique contrairement à ce que pouvait laisser penser la couverture. Non, cette couverture est plutôt une invitation à s'ouvrir à un style graphique certes figé mais ô combien débridé ! La contre-culture est omniprésente visuellement et très attachante. Alors on regrette que tout cela soit au service d'une intrigue policière si légère et menée avec une si nonchalante ironie. Peut-être était-il possible avec ces ingrédients-ci d'atteindre le chef-d’œuvre, à l'image de la merveilleuse La Grande Arnaque.

06/03/2023 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
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Une fois encore, ce sont les Éditions Tanibis qui nous permettent de découvrir l’œuvre de cet auteur américain atypique qu’est Paul Kirchner. Publié pour la première fois aux Pays-Bas en 1984, puis aux États-Unis en 1986, « Meurtre télécommandé » est présenté dans une version noir et blanc. Plus connu pour ses strips de « The Bus » publiés dans la revue américaine « Heavy Metal » ou ses histoires courtes mettant en scène son héros fétiche, « Dope Rider », Kirchner n’est pas ce qu’on peut appeler un auteur de bande dessinée prolifique, sa principale activité étant centrée sur l’illustration. Mais s’il devait être associé à un genre, cela aurait plus à voir avec la mouvance alternative U.S. née à la fin des années 70, mais dans un registre lorgnant vers le surréalisme, à l’instar d’un Charles Burns ou d’un Daniel Clowes. La couverture de « Meurtre télécommandé » résume parfaitement la teneur de cet album, qui montre un flic, borsalino vissé sur la tête et revolver à la main, doté d’un intrigant troisième œil sur le front. Car si l'ouvrage a toutes les apparences d’un polar classique dans sa forme, la narration va dévier vers une sorte d’univers parallèle. Le pitch semble avoir été vu mille fois à travers la littérature ou le cinéma : suite à la mort suspecte d’un richissime industriel dans une province où il ne se passe jamais rien habituellement, un inspecteur envoyé par la police d’État va débarquer tel un chien dans un jeu de quilles, mal accueilli par le shérif local et ses collaborateurs. Mais le cliché va s’arrêter là, car très vite le récit va évoluer vers le bizarre, ce qui déconcertera sans doute les amateurs d’enquêtes rationnelles. Quoiqu’on en pense, l’objet intrigue au plus haut point et on sent que l’on a affaire ici à une œuvre tout à fait unique, même s’il est difficile de savoir par quel bout on doit l’appréhender. Une chose est sûre, l’album vaut davantage pour son dessin et l’imagerie fantasmagorique qu’il développe à partir d’un texte paradoxalement plutôt ordinaire. L’inspecteur va donc mener son enquête auprès des principaux suspects, tous voisins de Jones, aucun n’étant vraiment enclins à regretter sa disparition. Des personnages généralement haut en couleurs : un vieil homme un peu ermite vivant dans la ferme de ses ancêtres, sans doute le plus équilibré de tous ; une jeune femme cultivant amoureusement ses plantes aux vertus magiques dans le jardin de sa grande demeure victorienne ; un genre de tête brûlée vissé en permanence sur sa moto tricyle depuis un grave accident qui l’a laissé handicapé, toujours escorté de deux créatures de rêve ; et enfin un sosie mythomane de Clark Gable dénommé Steve Goodrich qui coule une retraite paisible en compagnie de son majordome dans sa luxueuse villa. Quant à l’inspecteur, il apparaît davantage comme un observateur à la fois détaché et mécanique, peu impliqué dans la résolution du crime, pris dans une sorte d’errance onirique stimulée par son don de double vision que permet son fameux troisième œil. Ses visions délirantes jaillissent à la figure du lecteur en état d’hypnose, fourmillant de mille détails à la symbolique surréaliste matinée de bouddhisme ésotérique, de références chamaniques et de pop-culture, où les contradictions de l’Amérique et ses cauchemars se donnent en spectacle. D’une grande élégance, son trait très réaliste, en apparente contradiction avec le propos, est pourtant totalement assumé par son auteur qui dit lui-même : « J’ai toujours eu l’intention de dessiner les visions avec le même réalisme que tout le reste. Pour moi, traiter l’irréel de façon réelle est l’essence du surréalisme. » La postface signée par Paul Kirchner lui-même apportera des éléments éclairants pour ceux qui désirent mieux appréhender l’ouvrage. Ce dernier y parle notamment de sa rencontre et de son amitié avec le co-auteur Janwillem van de Wetering, une personnalité hors-normes, peut-être une sorte de condensé des personnages de l’histoire, versé dans la philosophie zen et capable de suspendre dans son salon « une grande maquette en bois de ptérodactyle ». « Meurtre télécommandé », qui n’a pas été conçu d’un simple claquement de doigt, a nécessité une gestation de plusieurs années. Né de la rencontre de deux hommes, « que les lois de l’univers (…) ont poussé l’un vers l’autre », selon les propres termes de van de Wetering, ce que l’on pourrait qualifier de rêve artistico-éditorial puissant secrété par le subconscient de Paul Kirchner méritera assurément plusieurs lectures, afin d’en capter au mieux toute la richesse intrinsèque.

22/11/2022 (modifier)