Celeste

Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)

La vie de Celest(ine) Albret la gouvernante de Marcel Proust, célèbre écrivain mondain et éternellement malade du début du XXème siècle.


1914 - 1918 : La Première Guerre Mondiale Biographies La BD au féminin Paris

Le premier tome met en scène deux "antiquaires" qui viennent voir le vieux couple des serviteurs de Marcel Proust, bien après la mort de l'écrivain, et espèrent venir décrocher la perle rare qui fera leur fortune. Mais Celeste trouve le prétexte de cette visite pour se replonger dans ses souvenirs de jeune fille peu entreprenante qui, poussée par son mari, est présentée à Marcel qui l'engage sur le champ...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 15 Juin 2022
Statut histoire Série terminée 2 tomes parus

Couverture de la série Celeste © Soleil 2022
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)
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21/08/2022 | Canarde
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Par Canarde
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Juste un petit rappel : la seconde partie est parue (j'entends beaucoup sur France-Culture : "a" paru qui est sensé exprimer l'exceptionnalité de la chose, mais m'agace considérablement, vu que l'exception se répète à chaque heure de la programmation) et continue dans la même veine, je n'ai pas grand chose à ajouter sur mon premier avis qui étais déjà très long. Lorsqu'on aime un album, c'est souvent parce qu'il se relie à notre histoire par un biais ou un autre. Et souvent par plusieurs. C'est donc délicat de parler du livre sans parler de soi ... Et risquer d'être ennuyeux. Pour ceux qui ne sauraient pas qui est Celeste Albaret, c'était la gouvernante d'un écrivain dandy et exceptionnel : Marcel Proust. Il est resté au lit une bonne partie de sa courte vie et y a écrit une série psychologique et sociale sur le "monde" parisien du début du XXème siècle : La recherche du temps perdu. Il y décrit les salons parisiens, avec leurs hiérarchies de valeurs qui évoluent au fil du temps et des évolutions géopolitiques (première guerre mondiale notamment) au fil des mariages, des réussites et des échecs de chaque personnage. Son tableau navigue entre le portrait intérieur depuis l'enfance, en passant par l'adolescence du héros, jusqu'à la moquerie, pince sans rire, devant le ridicule passager des conventions sociales. On ne sait jamais vraiment s'il raconte sa vie ou s'il la réinvente complètement. Certains trouvent ce monde bien éloigné du nôtre mais en fait il y décrit aussi ce que chacun peut expérimenter en arrivant dans un groupe social donné, ses difficultés à y trouver sa place, à former un couple, à expérimenter des élans affectifs, qui s'avèrent aussi intenses que fluctuants et douloureux, il y explore les stratégies des personnages pour avancer dans la vie et vieillir, en se fatiguant, en s'accomplissant, en se compromettant, en se réinventant, en restant égal à soi-même. Bref toute une palette d'outils pour affronter la vie qui m'ont été fort utiles et m'ont accompagnés à chaque moment délicat. J'ai donc lu "La recherche du temps perdu", d'abord sur l'invitation de ma mère qui en faisait grand cas et m'avait offert le premier tome illustré dans une collection grand format de Gallimard, puis les tomes suivant au long de mes études. Puis "le temps retrouvé", dernier tome, au moment où moi-même je revenais dans un monde que j'avais quitté (comme le narrateur Marcel du roman) en tant que professeure là où j'avais été étudiante (alors que Marcel revenait comme écrivain, là où il n'avait été qu'un jeune homme prometteur parmi d'autres). Bref si vous avez aimé "La recherche", vous serez forcément curieux d'approcher la gouvernante de Marcel, qui apparait tout au long du roman à épisodes, et vous ne serez pas déçu. Chloé Cruchaudet m'avait impressionnée dans Mauvais genre, et c'est par cet avis que j'ai sauté le pas, et commencé ma collaboration à BDthèque, c'est dire si le deuxième fil est solide. Sa délicatesse dans le dessin comme dans le propos, l'étonnement frais qu'elle réussit toujours à créer devant chaque nouvelle situation, continue la précision psychologique de Proust mais avec un rythme beaucoup plus fluide et léger. Là où Marcel ne sait pas lâcher le fil de sa pensée, et rajoute sans cesse de nouvelles propositions qui précisent le propos jusqu'à nous perdre (quelle était la proposition principale, et y en avait-il une, d'ailleurs ?) Chloé Cruchaudet avance par petits faits quotidiens et inattendus à la fois, qui font percevoir le snobisme inventif de son maître, sans s'attacher à sa pensée. Céleste est une fille simple et ouverte à toute les excentricités de Marcel. Elle ne le juge jamais, et sa fantaisie est si divertissante pour elle , et si loin de la bonhomie simple de son mari, qu'on sent qu'elle penche vers un amour platonique que Marcel n'a pas envie de prendre en considération. Chaque case est une tache de lavis, dans des couleurs peu réalistes, (violet, rose, turquoise...) où le fil conducteur est le visage lunaire de Céleste, jeune dans ses souvenirs ou vieille devant les antiquaires qui viennent lui tirer les vers du nez... L’ambiguïté abordée dans Mauvais genre est sans doute continuée dans cette dévotion de Céleste pour un homme si "féminin" : fin de constitution, frileux et fragile, soucieux de propreté, de la finesse des tissus de ses mouchoirs... Et Celeste elle-même, qui ne sait pas faire la cuisine, n'aime pas particulièrement les toilettes, mais fait preuve de sens pratique pour ajouter les paperoles de Marcel à son manuscrit : ce sont deux prototypes humains, qui ne rentrent pas vraiment dans les cases prévues. Bref si vous n'avez pas lu "La recherche", c'est peut-être la bonne porte pour y entrer... et en tout cas c'est un bon moment de lecture, drôle et frais.

21/08/2022 (MAJ le 07/01/2024) (modifier)