Ici même

Note: 3.7/5
(3.7/5 pour 20 avis)

La vie de monsieur Même.


Absurde Les années (A SUIVRE) Noir et blanc Tardi

Monsieur Même est un bien étrange personnage, il règne, tel un monarque déchu sur une terre dont il ne possède plus que les murs. Pour emmerder le plus possibles les habitants de ce royaume indépendant du « pays clos », ceux qui ont, selon lui, volé la terre de ses ancêtres, il est devenu le portier de toutes les grilles et passages et fait monnayer leur ouverture. Une fois son éreintant boulot achevé, il reste seul dans sa petite maison, posée sur l’arrête d’un mur, et parle à sa mère défunte, au téléphone (ne me demandez pas comment !) Il ne rêve que d’une chose, que le procès qu’il intente depuis des années contre ses « congénères » passe enfin en justice et qu’il récupère les terres et l’honneur bafoué de ses ancêtres. La vie de monsieur Même aurait pu continuer longtemps à être monotone s’il n’avait pas rencontré Julie, une jeune femme vulgaire et sans manière, qui fût la compagne d’un ministre qui adorait la regarder pisser (ne me demandez pas pourquoi !). Cette fable surréaliste et fantaisiste illumina par son ton nouveau les premiers numéros de la célèbre revue (A suivre). Scénarisé par Jean-claude Forest, le créateur de Barbarella, et dessiné par Jacques Tardi, cet album, véritable roman graphique de plus de 160 planches est considérée par beaucoup comme la pièce maîtresse de l'oeuvre respective de ces deux auteurs.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Octobre 1979
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Ici même © Casterman 1979
Les notes
Note: 3.7/5
(3.7/5 pour 20 avis)
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07/10/2002 | ArzaK
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L'avatar du posteur bamiléké

"Ici même" est une oeuvre vraiment singulière. Je la lis comme un récit du désespoir profond devant l'absurdité et le cynisme du monde. Forest nous propose un récit complexe où se mêle philosophie, poésie et pamphlet politique. C'est beaucoup, même si c'est fait avec dextérité. Dans un contexte de BD le texte est parfois très lourd et il faut du temps pour en saisir tout ou partie du message. Cela provoque un décalage entre le rythme de la narration et le rythme de l'image forcément plus rapide. C'est aussi le récit d'une époque qui voit un monde élever des murs et se cloisonner dans la peur. J'ai pu y lire cette désillusion face à un pouvoir politique prêt à tout pour conserver son pouvoir et notamment créer des conflits pour manipuler sa population. Le graphisme de Tardi s'accommode à merveille à l'esprit du récit. Son ambiance bourgeoise, froide et perverse dans un monde bipolaire en N&B donne le frisson. Julie est le seul personnage qui apporte un peu d'humanité dans ce théâtre de marionnettes. Les cadrages sont rapprochés comme si l'horizon lointain se trouvait bouché ou inaccessible. J'ai trouvé cette lecture difficile et pas toujours à mon goût mais j'admire l'audace créatrice des auteurs sur une oeuvre qui mérite une lecture approfondie.

07/03/2023 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Que voilà une histoire originale ! Originale et fraiche, tout en restant à la fois simple et alambiquée. En tout cas, c’est une histoire dans laquelle je suis entré très facilement, pour ne plus la quitter jusqu’à son terme. Avec pas mal d’absurde, de poésie, de folie douce, Forest déroule l’histoire douce-amère d’Arthur Même, qui règne sur ses murs en vivant de rêves de revanche (son procès constamment remis au lendemain contre les occupants des propriétés qui le martyrisent en lui demandant sans cesse d’ouvrir les grilles est comique), et qui n’ose pas vivre pleinement l’amour lorsqu’il s’offre à lui – il est vrai sous les traits d’une jeune femme assez spéciale ! La partie « politique », menée en parallèle, est elle aussi ubuesque, avec force discours et gesticulations ridicules, rodomontades inutiles, le tout se finissant là aussi aux dépens de Même. Le côté quelque peu désuet du récit, parfois, doit aussi beaucoup au dessin de Tardi, tout à fait adapté à cette histoire finalement très noire, qui passe à la moulinette le carriérisme et les prétentions politiques, mais aussi et surtout qui nous dresse le portrait d’un inadapté, sur qui la réalité n’a pas de prise. Et, au milieu de tout ça, des poussées de surréalisme, des dialogues longs, longs, mais qui n’ennuient jamais, qui envoûtent… Un album hautement recommandable !

04/04/2017 (modifier)
L'avatar du posteur Agecanonix

Généralement, je ne suis pas fan des romans graphiques parce que souvent, c'est trop long, c'est lourd, ça s'égare dans des digressions inutiles, ou alors ça part dans tous les sens... Mais avec "Ici Même", c'est un peu l'exception qui confirme la règle ; quand on commence à pousser la porte du domaine de Mornemont en Pays Clos, je crois qu'on peut difficilement s'arrêter, on pénètre dans un monde vraiment étrange, et quand j'ai découvert ce récit dans le premier numéro de A Suivre en 1978, j'étais tellement intrigué que j'ai voulu à chaque fois savoir ce qui allait arriver à ce pauvre Arthur Même, personnage pathétique à la petite vie triste et étriquée. Pourtant, il y avait tout ce que je décris au début de cette rubrique : le récit était non seulement trop long, un peu lourd par endroits, avec des situations surréalistes, mais en plus, c'était bavard...bref, rien pour m'attirer. Le surréalisme, certains habitués ici savent peut-être que je n'aime guère ça, parce que ça ne veut rien dire, et que certains auteurs utilisent cet instrument souvent parce que ça fait bien et que ça défie le bon sens ; mais quand il est bien utilisé, le résultat peut être bon, c'est le cas ici. Et puis, je ne sais pas, il y eut comme un déclic, peut-être aussi le fait que j'ai vécu la naissance de A Suivre, ce nouveau mensuel prometteur, très décalé des autres journaux BD, qui avec cette première grande série, frappait fort d'emblée avec un récit surprenant. Il est difficile en effet de résumer cette histoire tant elle est délirante et surréaliste, pleine de poésie, aux situations saugrenues et à l'humour décalé. Née de la rencontre de 2 géants de la BD, c'est une oeuvre dessinée peu commune de 163 planches où les idées oniriques de Forest s'accordent bien au dessin souple en superbe noir et blanc de Tardi. Une oeuvre totalement atypique et inclassable, qui a marqué les esprits à juste titre, où seul compte le vrai plaisir de l'imaginaire. Même si c'est peu facile d'accès, c'est un récit à lire au moins une fois dans toute vie de bédéphile.

16/12/2013 (modifier)
Par jul
Note: 5/5 Coups de coeur expiré

Cette bd j'ai mis longtemps à la lire. Des années ! Tellement célébrée partout comme un chef d'œuvre que cela ne me disait rien du tout. Et puis un jour je me suis mis à la lire et là le choc ! Un chef d'œuvre. J'ai été transporté par cette poésie douce-amère, cet univers poétique et plutôt triste où le pauvre héros vit dans une maison minuscule (un placard) construite sur un mur labyrinthique autour d'une propriété qu'il prétend posséder (ou qui lui revient de droit, je ne sais plus). Il ne peut descendre car il y a les chiens en bas. Il reluque la fille des voisins le soir après avoir mangé sa boite de conserve et téléphoné à sa mère (qui est morte). C'est triiiiiste ... Les dessins sont magnifiques (superbe noir et blanc). L'intrigue n'est jamais ennuyeuse. Ce monde surréaliste est un enchantement. LE roman graphique culte (avec Silence).

13/02/2013 (modifier)

Ainsi naquit « à suivre »… (re)Lire aujourd’hui cet album me place dans un doute certain, trouverait-on aujourd’hui un éditeur lançant un magazine BD avec ce duo d’auteur produisant un tel sujet ? De fait, le propos même de déshumanisation contenu dans l’album en devient aujourd’hui d’autant plus puissant en replaçant cet album à la fin des années 70. Dénoncer la manipulation de masse pour l’inscription dans un prêt à penser machiavélique au service des élites au détriment des masses se laissant faire avec aveuglement peut paraître galvaudé, suranné, tout ce que vous voudrez. Mais proposez un projet aussi fou à un quelconque éditeur aujourd’hui et voyons s’il en ressortira autant d’audace que le merveilleux « A suivre » a su nous proposer. Passé ce jeu de miroir involontaire de la part des auteurs, cet album nous propose un pavé d’un autre temps totalement surréaliste. Pas au sens courant artistique, il y a un côté provocateur scénaristique dadaïste associé à une qualité narrative bien réaliste, qui au final aurait tendance à rapprocher du symbolisme. Quoi qu’il en soit, la poésie se dégageant de cet album nous emporte pour notre plus grand bonheur, l’on se prend à admirer la mise au point de complot d’état, de guetter le résultat d’un procès ubuesque, d’essayer tant bien que mal d’ordonner notre univers totalement chaotique que forme notre terrain de jeu pour trouver quelques repères. L’intrigue nous entraîne dans une poursuite renouvelée vers l’inconnu toujours lisible, toujours prenante, toujours pertinente. Le dessin magnifie cette chute perpétuelle dans un inconfort de la ligne particulièrement brillant et adapté à Tardi. Noirs et blancs se mêlent pour un clair obscur soutenant le propos et amplifiant l’effet d’absurde. L’architecture de ce pays clos devient si présente au lecteur qu’il ne convient plus de remettre en cause le postulat qu’un habitant possède les murs et actionne des péages pour laisser les gens sortir de chez eux ! Quant aux bureaux décisionnels parisiens : qu’en dire si ce n’est Tardi… La fin brutale, dure, violente même vient perturber ce joli petit équilibre que le lecteur s’était bâti. Le confort de l’absurde trouvé au cours du récit se désagrège de façon abrupte dans une chute insoutenable de déshumanisation. Certes le lecteur peut être choqué et malmené mais ajoute cette touche finale de dureté sous-jacente à tout l’album. D’aucuns la trouvent inadaptée, pour ma part je dirai que c’est elle qui fait du récit un magistral album et non une succession de tableaux surréalistes finalement sans autre but que le divertissement. Alors ne manquez pas cet album. Je crains qu’il ne soit pas hélas à la portée de tous, non par un propos élitiste mais plutôt par des barrières à l’entrée fortes (noir et blanc apparemment peu léché, longueur, difficulté de trouver un fil…). Mais cela vaut le coup et doit être dans toute bibliothèque de bonne qualité.

20/11/2012 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
L'avatar du posteur gruizzli

Excellent opus que celui-ci ! Tardi me réconcilie avec son trait et son style ! Le dessin est toujours égal à lui-même et Tardi maîtrise toujours aussi bien le noir et le blanc. L'absurde qui se dégage de l'ensemble est franchement excellent, on nage dans un délire complet mais tellement cohérent qu'il nous semble possible. Les caricatures s’enchaînent, dans les personnages, les situations ... J'ai personnellement un faible pour l'écrivain qui relate les péripéties sans cesse en embellissant la réalité au maximum. Comme dans tout les Tardi (enfin, je crois) le texte prend une place particulièrement grande, parfois un peu trop (avec force de parenthèse) qui ralentit la lecture. De plus je note que parfois le texte est un peu superflu, des phrases moins longues auraient été bienvenues. Mais ne crachons pas dans la soupe, l'ensemble est d'une remarquable qualité. La fin est par contre très brutale, alors qu'avant le développement avait pris un rythme assez bon, voila que les auteurs concluent le tout en une page assez rapide, sans tout expliquer, ce qui est assez curieux. Une excellente BD absurde au final, qui me réconcilie avec Tardi même si je ne suis toujours pas un fan de ses "gueules". 4/5 !

10/11/2012 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 3/5
L'avatar du posteur Blue Boy

L’histoire est aussi originale qu’absurde, bien servie par le trait talentueux de Tardi. Mais Forest, le scénariste, le précise : il ne faut pas chercher un sens politique à cette fable inquiétante, qui se veut avant tout un voyage dans l’imaginaire où toutes les extravagances, même les plus malsaines, sont permises… Oui car ce dernier se méfie des interprétations au profit d’une idéologie quelconque… Qu’on se le dise ! Malgré cela, on pourra sans trop prendre de risques, y voir un constat désabusé sur le pouvoir mais aussi une ode à la liberté, un appel à faire tomber tous les murs, quels qu’ils soient… En ce qui me concerne, j’avais été vraiment scotché lors de ma première lecture. En effet, s’il est difficile de deviner où les auteurs veulent nous emmener, on reste intrigué par une histoire qui ne cesse de monter en puissance au fil des pages. Je fus moins enthousiaste les fois suivantes pour plusieurs raisons… Bien sûr, il n’y avait plus d’effet de surprise… Et l’ouvrage recèle une grande poésie mais tend parfois à se disperser dans des méandres quelque peu fastidieux… Ne serait-ce qu’à travers les dialogues où ces parenthèses placées à tout bout de champ sont assez agaçantes, plombent la lecture et n’apportent selon moi pas grand chose à l’histoire…Parce que comme souvent chez Tardi, le texte tient une place importante voire excessive, mais si l’on veut être indulgent, on pourra dire que c’est un parti pris… Dommage que ce cher Jacques semble avoir du mal à admettre qu’on lit ses BD davantage pour ses dessins (et l’intrigue qui les accompagne) que pour ses textes… est-ce là un excès de modestie ou une frustration liée au fait de n’avoir pas été (aussi) romancier ? Cela ne remet pas en cause les qualités indéniables d’ « Ici Même », heureusement…

29/10/2010 (modifier)
Par cac
Note: 2/5
L'avatar du posteur cac

Autant dire qu'Ici Même est la bande dessinée absurde par excellence. Un homme spolié de sa propriété ne règne plus que sur les murs et les portails de ses terres qu'il ouvre à la demande des différents habitants. Il ne pose jamais le pied sur le sol, se fait ravitailler par bateau et vit dans une petite cahute plantée sur un de « ses » murs. Même si je trouve le concept de base intéressant, je n'ai pas vraiment accroché sur l'ensemble du récit : trop long, trop de parlote, un délire assez pénible finalement. Ajoutons à cela que je n'aime pas vraiment le dessin en fait et ça me rappelle trop une période typé années folles. De plus on est habitué à voir le dessin de Tardi sur des récits de la grande guerre, on voit un poilu dans chaque personnage ; et par ailleurs je n'aime pas le dessin qu'il fait des femmes. En conclusion j'en attendais beaucoup et bof en fin de compte.

31/08/2010 (modifier)
Par Erik
Note: 2/5
L'avatar du posteur Erik

Cette bd fait l'éloge de l'absurdité comme un art et visiblement cela passe. Des longs monologues philosophiques à n'en plus finir... Du pseudo-intellectualisme chic bravant la pensée unique. Il y a certainement matière à interpréter tout ceci comme une vaste parabole contre le pouvoir ou l'individualisme des gens poussés à outrance dans le droit à la propriété. Mais désolé, c'est pas mon truc. Ou plutôt le fait d'utiliser un type chapeau melon qui téléphone à sa mère morte depuis belle lurette avec un téléphone au fil coupé etc... :S Ce style peut convenir... ou pas ce qui est mon cas. Encore une fois, il y a de la matière intéressante et j'adhère à toutes ces dénonciations du pouvoir et de la justice. Cependant, le kitch des situations ne m'a guère paru convaincant. Au final, une lecture quand même pénible.

17/08/2007 (MAJ le 07/02/2009) (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Une oeuvre de Tardi dénonçant la déshumanisation de la société, si j'ai bien compris. Et c'est bien là le problème : je ne suis pas sûr d'avoir compris quoi que ce soit à cette parabole philosophique pour intellectuel intellectualisant. Surfait.

20/01/2009 (modifier)