Les Crocodiles

Note: 3/5
(3/5 pour 7 avis)

Thomas Mathieu illustre des témoignages de femmes liés aux problématiques comme le harcèlement de rue, le machisme et le sexisme ordinaire. Dans ses planches, les décors et les personnages féminins sont traités en noir et blanc de manière réaliste tandis que les hommes sont représentés sous la forme de crocodiles verts. Le lecteur ou la lectrice est invité à épouser le point de vue de la femme qui témoigne et à questionner le comportement des crocodiles particulièrement quand ils endossent le rôle stéréotypé de dragueurs/ prédateurs/dominants.


Documentaires Féminisme Harcèlement de rue La BD au féminin Témoignages

Thomas Mathieu illustre des témoignages de femmes liés aux problématiques comme le harcèlement de rue, le machisme et le sexisme ordinaire. Dans ses planches, les décors et les personnages féminins sont traités en noir et blanc de manière réaliste tandis que les hommes sont représentés sous la forme de crocodiles verts. Le lecteur ou la lectrice est invité à épouser le point de vue de la femme qui témoigne et à questionner le comportement des crocodiles particulièrement quand ils endossent le rôle stéréotypé de dragueurs/ prédateurs/dominants.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 31 Octobre 2014
Statut histoire Histoires courtes 2 tomes parus

Couverture de la série Les Crocodiles © Le Lombard/Casterman 2014
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 7 avis)
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04/11/2014 | Mac Arthur
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Par gruizzli
Note: 3/5
L'avatar du posteur gruizzli

Je n'ai pas trop envie de parler de cet album qui peut faire vite polémique, même si je salue la démarche de l'auteur (notamment la représentation des hommes en crocodile), et que je suis certain que c'est un album qui aura beaucoup à apporter à tout le monde à sa lecture. Ne serait-ce que pour prendre conscience de l'importance du sujet, et jusqu'à quel point cela peut aller loin. Dans bien des cas qui ne sont pas juste des cas de harcèlement de rue. Après, je ne note pas non plus très large car je ne suis pas convaincu par tout ce que nous dit l'auteur notamment en postface, mais c'est un avis qui mérite d'être argumenté et pas forcément très courant. Je comprends bien ce que veut montrer l'auteur, et c'est justement bien pour prendre conscience de ce qui existe aujourd'hui encore en France. Mais c'est le genre d'album polémique (parfois pour des mauvaises raisons) qui soulève encore de vives critiques. Là, c'est un peu à chacun de faire son avis. Personnellement, je trouve que l'album mérite bien une lecture (servi d'ailleurs par un dessin bien efficace quoique simpliste), et qu'il a de quoi faire réfléchir à tout le monde. Mais au-delà, je ne le relirais pas un grand nombre de fois, je ne le prête pas beaucoup non plus (et je reconnais que c'est pas facile de prêter ce genre d'album), mais je ne suis pas mécontent de l'avoir acheté. Ne serait-ce que pour pouvoir en montrer deux trois extraits à certains que je connais et qui parlent régulièrement de féminisme. Bref, un album difficile à noter et difficile à conseiller ou déconseiller. C'est en tout cas quelque chose que je recommande à la lecture, au moins pour se faire un avis, et peut-être aussi pour apprendre un peu plus sur ce qu'il peut arriver dans une France qui a bien trop de crocodiles. Par ailleurs, je recommande la lecture des pages de conseils à la fin, qui est assez éclairante sur la démarche voulue par l'auteur.

19/10/2017 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Même si je trouvais l'ambition de cet album louable, je craignais d'en être vite lassé et d'être agacé de voir une suite de témoignages identiques avec une vision manichéenne où les hommes sont tous des salauds. D'autant que le dessin était très moyen. C'est ce que j'ai ressenti durant les premières pages. J'avais la nette impression de n'y voir que des comportements révoltants de racailles de banlieue à l'éducation défaillante et considérant les femmes comme des chiennes ou des putes. Des connards tous désignés donc, rien de nouveau sous le soleil... Sauf qu'ensuite, j'ai vu que parmi les harceleurs, les saynètes mettaient aussi en scène de gros lourds style commerciaux vaniteux et autres dragueurs de boite. Puis aussi de petits vieux un peu pervers... Puis de simples petits amis des filles... Et encore d'autres... Et parfois mêmes des femmes elles-mêmes... Bref, les harceleurs pouvaient être n'importe qui. Et je me suis mis alors à passer en revue mon propre comportement avec les femmes et avec mon épouse pour vérifier si moi-même je ne me comportais pas mal sans m'en rendre compte. Passé la vision révoltante de témoignages dont on se dit que c'est intolérable et que ça ne devrait pas avoir lieu, cette bande dessinée ouvre à la réflexion et à la discussion. La vision élargie de ces différents types de harcèlement permet de ne pas se cantonner à un seul genre de sale type dont on pourrait se dire "ouais, c'est un connard, on le savait déjà, ça ne m'étonne pas de lui" et de refermer l'album en se disant qu'on n'a rien appris. Bonne initiative donc que cet album (qui à l'origine était une publication sur le site Tumbler) qui ne se contente pas de dénoncer mais aussi permet de réfléchir et même proposer quelques débuts de solution.

10/03/2017 (modifier)
L'avatar du posteur Le Grand A

« Meh » Comme ce n’est pas une bédé de divertissement mais un truc censé interpeller et éveiller les consciences, l’objectif est selon moi raté puisque pour le bonhomme en faveur de l’égalité des sexes, le gars dans l’air du temps, le type normal quoi, ce fût plus énervant qu’autre chose étant donné le nombre de situations caricaturales où l’individu doté de chromosomes XY est décrit comme un prédateur sexuel en acte ou en puissance (même les enfants sont dessinés en croco). Quant au mâle alpha misogyne, si tant est qu’il lise cette bédé, je ne pense pas vu le discours caricatural, que ça vision change après lecture. Entre parenthèse, si l’auteur se sent obligé de justifier son propos dans un préambule, c’est bien qu’il doit y avoir un petit souci et que finalement il ne maîtrise pas son sujet. Explications qui ne m’ont pas convaincu ceci-dit. Une bédé inutile qui crée plus de problèmes qu’elle n’en résout. Sinon le dessin est agréable et facilite une lecture rapide.

02/02/2017 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 3/5
L'avatar du posteur Blue Boy

Que les choses soient bien claires. L’initiative, je la soutiens à 200 %. Cela dit, mon avis sur cette BD ne portera pas seulement sur le fond, mais également sur les qualités graphiques de l’ouvrage. Après tout, nous sommes sur un site dédié à la bande dessinée. Je ne vais pas m’étendre sur le dessin, très sommaire, qui sert pourtant bien le propos en se mettant en retrait par son aspect simpliste. De même pour l’absence de cases et de mise en page qui ne nuit aucunement à la fluidité de la lecture. Par moment, c’est même assez moche, et ça ressemble à ce qui se fait pour les ouvrages scolaires. D’ailleurs ça fonctionne plutôt bien dans la mesure où cette publication se veut justement pédagogique. La bonne idée, c’est d’avoir représenté la gente masculine par des crocodiles verts, qu’on ait affaire à des « harceleurs » ou pas, laissant aux femmes leur apparence humaine. Et c’est peut-être bien ce détail qui avait déclenché quelques polémiques à la sortie de l’album, notamment à Toulouse chez certains élus locaux qui en toute mauvaise foi arguaient de la vulgarité de certains dialogues. Comme l’explique en annexe Lauren Plume, auteur du blog lesquestionscomposent.fr, « ce qui est important dans le projet Crocodiles, c’est qu’il relaye le point de vue des femmes. Si les femmes étaient aussi caricaturées dans le projet, le choix de l’auteur aurait été celui d’un point de vue neutre. Or, personne n’est neutre (…) » Dans le cas présent, il était nécessaire de modifier radicalement la perspective, dans la mesure où la culture s’adresse avant tout aux hommes, « le personnage principal d’une histoire [étant] généralement masculin. » Autre point positif, l’auteur évite la victimisation des femmes (parfois certaines se font même complices objectives des harceleurs), en livrant quelques conseils très utiles à celles et ceux qui, victimes ou témoins, souhaitent lutter contre ce qu’il faut bien appeler des incivilités, dont le caractère sexiste ne grandit jamais leurs auteurs. Thomas Mathieu montre que si les réactions sont bien souvent agressives lorsqu’une femme harcelée se dérobe aux propositions de ces « mâles dominateurs », ces derniers peuvent être facilement combattus par des règles simples détaillées dans l’ouvrage…. « Rappelons-nous qu’un simple élastique suffit pour fermer les crocs d’un crocodile - il n’est pas fort partout, et nous pouvons profiter de ses points faibles ». Et pour les harceleurs qui n’auraient pas compris – car je doute qu’ils se donnent la peine de lire « Les Crocodiles », ils devraient tenir compte de cette formule des plus pertinentes afin d’instiller un peu de nuance dans leurs esprits frustres : « la drague est une main tendue, le harcèlement est une main qui s’abat ». Car tout comme les hommes, les femmes aiment être séduites. Et assaillir n’est pas séduire. La drague, c’est quelque chose qui se fait à deux, comme le dit Erik dans son avis (et bien vu ta conclusion, l’ami !) Une bédé qui mériterait d’être diffusée largement dans les collèges et lycées. A bon entendeur !

06/08/2015 (modifier)
L'avatar du posteur Agecanonix

J'ai aperçu ce livre en bibli et je me suis souvenu d'une conversation intéressante avec Mac Arthur en forum, lorsqu'il avait posté cet album. Cette démonstration sur le harcèlement de rue et le comportement sexiste des hommes est édifiante et très dure à encaisser lorsqu'on est un individu normal qui respecte les femmes. On peut croire que c'est grossi, exagéré et cru délibérément pour accentuer le propos et faire prendre conscience au lecteur que ce problème de société est grave à notre époque, et qu'on ne devrait jamais voir ça, ce genre de comportement étant honteux et inacceptable. Mais hélas, pas tant que ça, c'est à peine exagéré, voire pas du tout, le message est clair car c'est une triste réalité, je le constate dans la rue, lorsqu'on vit dans une grande ville, c'est inévitable. Attention cependant ! attention à ne pas amalgamer et à ne pas généraliser car tous les hommes ne sont pas ainsi, ces portraits de prédateurs sexuels ne concernent qu'une catégorie bien précise d'hommes, je dirais même de garçons parfois jeunes qui se croient tenus de faire les malins pour épater leurs potes. Et d'ailleurs l'auteur indique 2 ou 3 fois discrètement l'origine culturelle de cette catégorie d'individus, on les connait, on sait qu'ils ne respectent rien, et personnellement tous ceux que j'ai vus étaient dans cette tranche d'âge et appartenaient à des communautés étrangères. Ces gens-là ont un vrai problème d'éducation, je le constate aussi pour d'autres faits autres que sexistes, tous les jours dans mon propre quartier . Moi aussi, je pourrais comme l'ami Mac Arthur, raconter des tas d'anecdotes vécues, comme cette fois où j'ai cassé la gueule à 2 merdeux qui emmerdaient un de mes potes peu gâté par la nature (on était en 1986 ou 87) qui sortait avec une très jolie fille, alors que nous étions dans une file d'attente au MacDo... mais tout ceci serait trop long et n'apporterait rien de plus.. De toute façon, des abrutis et des malades du cul, il y en aura toujours, et quoi que l'on fasse, j'ai peu d'espoir que ça cesse. Mais d'un autre côté, si l'on ne fait rien, c'est pas une solution non plus, aussi ce genre de Bd peut servir à tirer une sonnette d'alarme et à faire réfléchir, on devrait l'imposer dans les établissements scolaires, et même dès les classes élémentaires... Et encore, cet album ne traite que du harcèlement de rue ; celui de bureau ou d'entreprise est presque aussi révoltant, et là encore j'en ai des anecdotes, j'ai été témoin de plein de trucs pas reluisants qui donnent évidemment une image très négative de l'homme, mais encore une fois de certains hommes, pas éduqués on est bien d'accord.. Certains de ces mini récits sont plus faibles que d'autres, et leur portée ne m'est pas familière, mais l'ensemble est très instructif et révélateur d'un comportement répugnant, indigne de l'être humain dit civilisé, de même que le dessin est simpliste et enfantin, mais comme le dit Mac Arthur, il suffit amplement pour illustrer ce sujet brûlant.

01/08/2015 (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
L'avatar du posteur Erik

C'est une bd documentaire que je voulais réellement lire depuis sa sortie. Le projet crocodile est une compilation d'histoires de harcèlement et de sexisme ordinaire mises en bande dessinée par un homme Thomas Matthieu. Ce faisant, je pense que cet auteur n'a jamais aussi bien défendu la femme ou du moins la dénonciation d'un véritable phénomène de société. C'est clair que cela ne plaît pas aux hommes d'être tous représentés sans exception en crocodile. Il s'agissait avant tout de faire prévaloir le point de vue des femmes. Donner la parole aux femmes n'est pas une chose qui arrive aussi souvent. Si on réfléchit bien, on se rend compte que le plus souvent dans les oeuvres littéraires ou cinématographiques, on s'identifie à un personnage masculin. Idem pour les jeux vidéos où la princesse Zelda n'est qu'un faire-valoir pour mieux s'identifier à Link, son sauveur. Bref, c'est comme si toute la culture s'adressait aux hommes. Peu de garçons ont l'occasion de s'identifier à des personnes féminins. Heureusement qu'il y a Lara Croft ! J'ai beaucoup aimé cette oeuvre avec ces histoires qui donnent froid dans le dos. J'avoue avoir également éprouvé de la peur dans les transports en commun quand un malotrus commence à faire son intéressant vis à vis d'une belle femme. Nous vivons dans une société de machos où les publicités montrent de belles filles affriolantes s'offrant très facilement, où les films poussent également à l'infidélité (voir les images dans le métro). Bientôt, le sifflement dans la rue sera une infraction grave vous envoyant directement en prison. Personnellement, je ne drague pas au risque de me faire accuser de harcèlement. La drague, c'est quelque chose qui se fait à deux. Au Pakistan, il est par exemple interdit de draguer et même par téléphone. C'est sans doute la société qui se dessine devant nous. Trêve de plaisanterie, chaque jour une femme est au prise avec le harcèlement de rue. Ces histoires sont malheureusement horriblement banales mais traduisent un véritable malaise dans la société. Il faut savoir que cette bd a fait l'objet d'une censure par la mairie de Toulouse en raison de son immoralité et de son sexisme. Oui, il y a encore beaucoup de travail à réaliser dans notre société pour en finir avec cette ignominie. On ne regardera plus les crocodiles de la même façon et on ne portera plus du Lacoste !

01/05/2015 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

La lecture de cet album m’a choqué. Et c’est heureux, car c’est bien là un de ses objectifs : faire prendre conscience aux gens de l’ampleur du phénomène. De quel phénomène parle-t-on ? Du harcèlement au quotidien dont sont victimes les femmes. Un phénomène (ou est-ce la prise de conscience dudit phénomène) qui semble s’accentuer depuis quelques années. L’auteur a eu envie de réaliser cet album après avoir visionné le reportage accablant de Sofie Peeters, « Femme de la rue » un film choc que j’ai vu également et qui, je pense, devrait être vu par tous. L’intention est louable, le livre est nécessaire (et j’invite vraiment tout le monde à le lire) mais certains partis-pris m’ont dérangé. Le premier parti-pris est celui de représenter les hommes, tous les hommes, sous les traits de crocodiles. L’auteur se justifie en disant qu’il prend le point de vue féminin et que, pour une femme, tous les hommes sont des prédateurs sexuels en puissance. Je peux comprendre mais en procédant de la sorte, l’auteur se protège également. Le reportage de Sofie Peeters montrait que ces comportements étaient hélas souvent l’apanage de certaines cultures, la conséquence de certains modes éducatifs et la confrontation de deux visions des rapports homme-femme. Elle s’est fait traiter de raciste pour avoir osé montrer cette évidence (un raccourci qui m'énerve tant elle démontre par l'image et appuie par ses propos que le problème est avant tout culturel et éducatif et non lié à une race ou une couleur de peau). Ici, les allusions aux origines culturelles des agresseurs sont rares et leur identification est impossible puisque tous abordent les mêmes traits. C’est, je trouve, un peu facile et, d’une certaine manière, irrespectueux vis-à-vis des hommes et du mode d’éducation occidental et laïc. Ensuite, cet album se centre uniquement sur les cas où la femme est la victime et l’homme le coupable. Jamais d’homme agressé, donc, ce que je trouve déjà réducteur. Mais aussi, il cherche à ôter à la femme tout sentiment de culpabilité de quelque manière que ce soit (par son comportement ou sa tenue, l’auteur insiste sur le fait qu’une femme a le droit de s’habiller ou de se comporter comme elle le désire). A nouveau, l’intention est louable et il serait vraiment stupide d’accabler une personne alors qu’elle vient d’être victime de harcèlement. Ceci dit, ma propre expérience m’incite à nuancer ce type de manichéisme (**voir en fin d’avis pour mes propres expériences en la matière, car ce type de livre-témoignage donne envie de partager à son tour). Enfin, tous les types de harcèlement sont présentés comme identiques. Et, à nouveau, je pense qu’il n’est pas juste de considérer le malade mental (l’exhibitionniste qui se masturbe dans la rue) et le macho primaire (qui va caresser le cul d’une inconnue parce qu’il estime en avoir le droit) comme deux cas identiques. Il y a des cas où la castration chimique est la seule solution, et d’autres où le problème vient avant tout de l’éducation reçue. A nouveau, cet amalgame me dérange quelque peu. Ceci dit, les histoires racontées ici (témoignages sincères d’anonymes) sont édifiantes et doivent donner à réfléchir. Il y a dans nos rues de vrais connards qui doivent être baffés plus souvent qu’à leur tour. Et enchainer ces scènes dresse un portrait peu glorieux de notre société et des hommes (ou du moins de son évolution (de sa dévolution ?)). En fin d’album, des conseils sont donnés, tant pour la victime que pour les témoins ou même les coupables. Ces informations sont utiles et nécessaires, à nouveau. Mais, à nouveau, l’auteur ne cherche pas à remonter à l’origine du mal. Permettre aux femmes de se défendre, c’est très bien. Eduquer les gens (tous sexes confondus) pour que ce type de comportement disparaisse, c’est mieux ! Et pas utopique !! Ce livre est donc à mes yeux une très bonne base de travail. Il choque, pousse à réfléchir et donne envie de partager ses expériences et son point de vue. Je pense cependant qu’il n’est qu’une porte d’entrée, une manière d’introduire un débat car, à force de ne se positionner que d’un côté et de simplifier les choses (les hommes, tous des porcs !), son intention et son intérêt risquent de ne pas être saisis de tous les lecteurs. Le dessin est maladroit et approximatif mais, face à l'importance du sujet, je m'en fous royalement puisqu'il est suffisant pour illustrer le propos. ** Mes propres expériences en la matière : Pourquoi parler de soi alors que l’on donne son avis sur un livre ? Tout simplement parce que nos propres expériences influencent notre manière de penser. Et face à ce sujet, la perception du lecteur dépendra beaucoup de son vécu. Un homme et une femme ne liront pas « Les Crocodiles » de la même manière… mais deux hommes auront eux aussi deux lectures différentes. C’est la raison pour laquelle il me semble logique de partager certaines expériences avec vous pour que vous puissiez peut-être mieux comprendre mon sentiment à cette lecture. - A l’âge de 14 ans, j’ai été « victime » d’un détraqué sexuel. L’histoire n’a rien d’original ni même de dramatique, rassurez-vous. Durant des vacances à la mer, et alors que je m’étais isolé pour lire un bouquin, un gusse est venu s’installer en face de moi. Je l’ai ignoré mais il cherchait clairement à attirer mon attention. Et quand j’ai relevé les yeux, j’ai pu constater qu’il se masturbait toutes voiles dehors. Je me suis levé, l’ai regardé en prenant le plus possible l’air du type qui pense : « Mon pauvre vieux, qu’est-ce que tu es minable avec ta molle limace… » et je suis parti. Fin de l’histoire. Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que, depuis lors, j’ai la conviction que personne n’est à l’abri de ce type de harcèlement (œuvre d’un malade mental et non d’un quidam dans la rue), que l’on soit une frêle jeune fille ou un grand dadais baraqué. Il me semble donc important de distinguer les deux cas. - J’ai, durant toutes mes études primaires et secondaires, dû longer un internat pour jeunes filles. Et, à plus d’une reprise, je me suis fait interpeller par un troupeau de jeunes filles au comportement ressenti par moi comme agressif (je ne compte pas les « Hé, grand con, tu t’appelles comment, t’as pas une clope, mais arrêtes-toi… Fous le camp, t’es trop moche… »). J’ai, depuis lors, la conviction que ce qui rend les gens arrogants, agressifs n’est pas tant une question de sexe mais bien un sentiment de toute puissance. Une meute de femmes face à un homme seul se comportera souvent de manière aussi stupide et irrespectueuse qu’un homme face à une femme isolée. Restent les problèmes liés à l’éducation et à la perception que l'on a de l’égalité homme-femme dans notre société. Mais c’est un autre débat. - Durant mes études supérieures, j’ai été témoin d’une tentative d’enlèvement. Un étudiant arrogant et friqué (le genre qui pense avoir tous les droits, pur belge et catho pour éviter tout amalgame, des cons il y en a partout) avait essayé de forcer une des filles de notre groupe, qu’il connaissait, à grimper dans sa voiture. Nous avons bloqué son véhicule illico, arraché la fille de ses bras et l’avons raccompagnée jusqu’à notre internat. Une heure après, le type se présente à l’internat pour « parler » à la fille en question. Je fais partie du comité d’accueil et il me semble totalement exclu qu’ils se rencontrent. Finalement, la fille descend et le gars s’excuse. Nous lui demandons fermement de dégager… mais (et je n’en reviens toujours pas à l’heure actuelle) la fille décide de l’accompagner. Nous essayons de l’en dissuader mais rien n’y fera. Depuis lors, je ne crois pas en l’innocence absolue des victimes. Je ne dis pas que c’est toujours le cas ou même la majorité des cas, peut-être est-ce même une exception, mais être témoin de ce type de comportement donne à réfléchir. Avons-nous bien fait d’intervenir ? La fille ne provoquait-elle pas volontairement le garçon ? Dans un cas de figure identique, est-ce que je réagirais à nouveau en cherchant à les séparer ? Honnêtement, je n’en sais rien… Le jour où le « Non » d’une femme signifiera vraiment non, les hommes auront bien plus de facilité à les comprendre… Ces trois anecdotes n’ont bien sûr pas leur place dans cet album. Ce n’est pas son propos. Mais elles influencent ma manière de percevoir l’album, en nuancent certaines positions et permettront peut-être d’englober la réflexion dans un contexte plus global. C’est le grand intérêt de ce livre : permettre d’aborder un débat d’idée. Mais sa stigmatisation peut être dangereuse. Je conseillerais cependant et chaudement cette lecture dans un cadre scolaire. Partager ses expériences, réfléchir à la société de demain, aux rapports homme-femme, ces sujets essentiels à mes yeux peuvent s’aborder grâce à ce livre. Et c’est son grand mérite. Un coup de cœur, donc mais il faut prendre ce livre pour ce qu'il est, avec ses limites... et chercher à voir plus loin.

04/11/2014 (modifier)