Les interviews éditeurs / Interview de Patrick Abry - Xiaopan

S'exprimant au nom de Xiaopan, Patrick Abry, directeur de la maison d'édition.

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Patrick Abry (Xiaopan) Pourriez-vous vous présenter en tant que personnes qui formez la maison d'édition Xiaopan ? Qu'est-ce qui vous a amené à éditer des bandes dessinées chinoises en France ?
A l'origine (et jusqu'en 2005), je suis un ingénieur et cadre dirigeant dans l'industrie. Mais je suis également un passionné de BD (et collectionneur) depuis plus de 35 ans. C'est depuis 99, suite à de nombreux voyages en Chine, que j'ai rencontré des passionnés de BD en Chine, et que nous avons décidé de monter des opérations dans ce domaine, sur l'axe France - Chine.

Pourquoi ce nom, Xiao Pan ?
C'est tout simplement le nom que m'ont donné les chinois (lorsque l'on travaille durablement avec eux, ils baptisent les occidentaux, car nos noms sont imprononçables pour eux).

Comment se présente l'univers Chinois de la BD ? Depuis quand existe-t-il véritablement ? Est-il comparable en essor à celui de ses voisins coréens et japonais ?
Aujourd'hui rien à voir avec les marchés coréens ou japonais. Si dans les années 70, la BD était le principal média de propagande du régime et de propagation de la culture, aujourd'hui ce n'est même pas un genre en soi, encore moins un art. Et la BD, dans son style actuel (avec des bulles), n'existe que depuis 1993 (auparavant, il s'agissait quasi exclusivement de dessins pleine page avec des textes à côté).

Accéder à la fiche de Diu Diu (Nie Jun) A observer les auteurs des BDs publiées par Xiaopan, on remarque avec surprise que les styles graphiques sont très diversifiés en Chine : certaines BDs sont d'influence manga, mais d'autres sont clairement d'influence comics ou franco-belge, voire en images numériques. Comment expliquer une telle diversité quand on voit par exemple les styles relativement uniformes des voisins coréens ?
Il n'y a pas de marché structuré, donc pas de cadre ou de genres spécifiques. Les influences sont multiples et les artistes essayent de proposer leurs propres styles, rarement avec succès sur le marché chinois. Il ne faut pas oublier qu'une grande partie de nos titres sont des inédits en Chine.

Vous rendez-vous souvent en Chine ? Est-ce que vous allez au contact direct avec les auteurs ou passez-vous essentiellement par leurs maisons d'éditions ? Vous est-il arrivé de prospecter véritablement un auteur neuf chinois non encore ou très peu publié en Chine ?
Je m'efforce de dégager du temps pour y aller plusieurs fois par an, et rencontrer tous les auteurs qui travaillent avec nous. Les contrats avec des maisons d'éditions sont minoritaires par rapport aux contrats directs avec les auteurs ou les studios. Il ne faut pas oublier qu'il y a moins de 600 éditeurs en Chine (pour plus de 9000 en France), tous nationalisés, la plupart peu motivés. Les auteurs le savent bien et cherchent des partenaires plus dynamiques. Nous regardons tout ce qui se publie là-bas (heureusement, il y en a beaucoup moins qu'en France...).

Accéder à la fiche de Butterfly in the air (Pocket Chocolate) Comment faites-vous pour choisir les BDs que vous allez publier en France ? Qui prend la décision ? Choisissez-vous une BD sur des critères particuliers : succès commercial ou critique en Chine, graphismes réussis, scénarios intéressants, oeuvres artistiquement remarquables ?
Nous avons en Chine une structure partenaire avec 2 chinois (dont une parlant anglais) et ils nous font passer tous les projets qui leur arrivent. Nous réunissons régulièrement notre comité éditorial (formé de plusieurs des associés de Xiao pan) pour valider les choix. Nos critères sont les mêmes que ceux utilisés par les autres éditeurs en général, mais nous accordons une attention particulière au style des artistes (le scénario étant malheureusement le point faible de cette BD chinoise).

L'auteur Pocket Chocolate a l'air de tenir une place à part dans la production chinoise. Pouvez-vous nous en parler ? Y aura-t-il d'autres traductions des oeuvres de cet auteur ?
Il est effectivement populaire, en particulier grâce à sa belle adaptation graphique du best seller (roman et série TV) Butterfly in the air. Il s'est orienté aujourd'hui vers une série moins aboutie graphiquement, une série humoristique pour les ados.

Beaucoup parmi les habitués de BDthèque apprécient particulièrement le graphisme très original de Nie Jun (My street, Diu Diu). Cet auteur a-t-il produit d'autres oeuvres ? Seront-elles éditées prochainement chez Xiaopan ?
A part My street (tome 3 à paraître fin aout 2007), et Diu Diu, il a produit un petit conte en noir et blanc (voir la fin du tome 2 de My street) qui sera peut-être publié par un autre éditeur que nous (nous avons du faire des choix).

Accéder à la fiche de La Belle du temple hanté (Nie Chongrui) Mêmes questions concernant Nie Chongrui dont les oeuvres sont de toute beauté : Cet auteur a-t-il produit d'autres oeuvres ? Seront-elles éditées prochainement chez Xiaopan ?
C'est un auteur qui a beaucoup produit, dans plusieurs domaines, à l'époque de l'essort du lian huanhua (Note de BDT : nom donné aux bandes dessinées traditionnelles en Chine populaire). En revanche, ses seules oeuvres de BD sont publiées seulement chez Xiao pan, car il aime bien les contes traditionnels un peu érotiques (et la censure chinoise est pour le moment intraitable sur le sujet). Il prépare un nouveau conte en noir et blanc, dans la lignée de La Belle du temple hanté. Mais nous avons aussi des projets en gestation en partenariat avec des scénaristes européens.

Votre catalogue a l'air très diversifié. Quels domaines n'avez-vous pas encore explorés ? Allez-vous le faire ?
Nous avons laissé de côté pour le moment la jeunesse et l'humour. Il y a des projets en préparation pour 2008.

Parmi vos actuelles publications, certaines BDs ont-elles davantage marché que d'autres ? Quelles sont les success story de Xiaopan en France à l'heure actuelle ?
La meilleure vente reste "Remember", suivie de près par les autres albums de Benjamin et de Butterfly. Pour les noir et blanc, c'est Nie Jun qui se vend le mieux, mais globalement, dans un marché saturé, nous avons du mal à trouver notre place et à pousser les mangas d'une part et les albums franco belges d'autre part. La BD chinoise n'a pas encore une place à part dans les linéaires. Et nous espérons que d'autres éditeurs viendront publier d'autres artistes chinois afin de la faire voir mieux du public.

Patrick, merci.



A voir :
Le site officiel "Xiaopan"
Les séries "Xiaopan" postées sur BDTheque
Interview réalisée le 13/06/2007, par Ro.