Les Oies cendrées

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Quand l'amour avec un grand A vient frapper à la porte alors qu'on n'attend plus rien de la vie...


Gays et lesbiennes Les coups de coeur des internautes Pays scandinaves Troisième âge

Depuis qu'il vit seul dans sa propriété suédoise, Arthur attend la mort en peignant le lac qu'il voit à travers la fenêtre de son atelier. Quand Gabriel, de 20 ans son cadet, vient camper pour la nuit sur son terrain, il s'efforce d'éconduire ce galeriste parisien qui insiste pour exposer son travail. Une fascination indomptable pousse pourtant Arthur à faire une place de plus en plus grande à cet épicurien qui réveille en lui des désirs retenus. Au point de s'abandonner à lui dans son atelier. Pendant quelques semaines, Arthur vit avec Gabriel un amour charnel, une seconde jeunesse. Mais à la veille de l’inévitable départ de son amant, il se retrouve confronté au dilemme de sa vie : refermer la parenthèse ou l’ouvrir pour de bon. Un récit tendre, optimiste et drôle sur les désirs inassouvis, raconté par deux jeunes auteurs lauréats du prix Raymond Leblanc 2022, présidé par Arthur de Pins.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 07 Mai 2025
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Oies cendrées © Futuropolis 2025
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)
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12/08/2025 | Blue boy
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Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
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Mon plus gros coup de cœur de l'année ! Ce que l’on peut lire à propos des oies cendrées sur Wikipédia suffirait presque à définir le pitch de cet ouvrage. La fiche décrit cet oiseau comme une espèce monogame, vivant en couple pour toute la vie, avant de préciser qu’« en cas de disparition d’un des deux conjoints, le survivant peut s’infliger un célibat prolongé avant de reformer un couple, voire un veuvage définitif ». Et ces oies, qui ont inspiré le titre de l’album, elles sont le sujet principal des peintures d’Arthur, un vieux monsieur qui, depuis la mort de son épouse, vit reclus au bord d’un lac suédois en laissant libre cours à ses rêves de peintre amateur. Celui-ci prend conscience que le décès de sa chère et tendre a sanctionné abruptement une étape de sa vie, celle où l’on bascule dans une mélancolie doucereuse en attendant la fin, et que, sans aucun doute, sa vie est désormais derrière lui. Dit comme ça, cela n’est pas très engageant, et pourtant… ce récit va se muer contre toute attente en comédie truculente, avec le parfait dosage de gravité et d’émotion évitant tout pathos. Parce qu’au tout début, on observe ce vieil homme à la mine flétrie vaquer à ses occupations dans son chalet, des rituels du quotidien que l’on sent réglés comme une horloge franc-comtoise. Après une nuit que l’on suppose sans sommeil, on le voit faire sa toilette, se raser, préparer son café, le boire, sans tartines, laver son bol, laver la soucoupe, les poser sur l’égouttoir. Puis d’un pas tranquille, Arthur traverse le jardin en direction de son atelier, son antre à lui, où s’entassent ses peintures et son matériel. On le regarde ouvrir les volets, allumer sa radio, déposer de la gouache sur sa palette, puis, enfin, reprendre religieusement sa toile abandonnée la veille, face au lac, une toile représentant une oie cendrée en train de prendre son envol… jusqu’à ce que…déboulant dans son champ de vision, un nageur vienne troubler la quiétude des lieux par son crawl énergique, provoquant l’envol d’une nuée d’oiseaux… Ce nageur, c’est Gabriel. Avec son look de grand ourson un peu bedonnant, il sort de l’eau et s’essuie devant les fenêtres d’Arthur, littéralement. Et avec ça, dans le plus simple appareil. Submergé par le trouble, Arthur en aurait presque renversé son chevalet. A ce stade, impossible d’en dire trop pour ne pas divulgâcher, mais alors qu’on pouvait s’attendre à une narration un peu monotone, c’est tout l’inverse qui se produit avec l’arrivée de Gabriel, qui n'est pas là par hasard puisqu'il veut absolument exposer les œuvres de l'artiste dans sa galerie parisienne. Le récit va donc bifurquer vers le registre « romcom », où le burlesque se télescope avec le désir et la tendresse, mais aussi une certaine gravité pour le moins poignante. Au-delà du genre, c’est la question de la vieillesse qui est abordée, ainsi que la notion de désir. Quand on arrive à un certain âge, est-ce la solitude qui nous choisit ou nous qui la choisissons ? Même si, forcément, la libido est moins forte à 70 ans qu’à 20, devons-nous pour autant la laisser disparaître ? N’est-ce pas une façon de céder aux injonctions de la société et de ses codes, qui souvent réussit à nous convaincre que l’on n’a plus rien à donner en attendant le cimetière ? De même, quand vient l’heure des bilans, sommes-nous toujours certains d’avoir fait les bons choix et de ne pas nous être reniés, juste par peur du « bannissement » ? Tout cela est traité intelligemment, sans longs discours, mais surtout de façon jubilatoire. Mais ce qui fait tout le sel du récit, c’est le personnage du galeriste Gabriel, gay totalement assumé, qui apparaît dans la vie d’Arthur tel un chien dans un jeu de quilles trop bien rangé. Oui, Gabriel est un chien fou et « sauvage » (grrroooaarrrr !!!). A mille lieues des clichés, notre sympathique « bear » est un bon vivant, un brin porté sur la picole, un peu « bourrin » mais sensible aussi (l’un n’empêche pas l’autre !), se moquant éperdument du qu’en-dira-t-on. Et cela au grand dam d’Arthur, ce veuf en voie de mortification, de vingt ans son aîné et pas du tout à l’aise avec ça… Le contraste donne lieu à quelques scènes tout simplement irrésistibles, notamment la scène du repas chez les voisins… Le trait d’Alice VDM, jeune autrice à l’origine d’un album publié chez Sarbacane (une reconnaissance en soi), est simple, aéré et stylé, et s’accorde bien au contexte du récit. Par de petits détails de cadrage, une posture, une légère variation du trait dans les expressions, on peut deviner les états d’âme des personnages. Les paysages autour du lac sont très plaisants, et VDM nous fait parfaitement sentir la beauté et la sérénité qui s’en dégage. Avec cet album, Cyril Legrais nous invite à envisager la vieillesse avec des yeux neufs, à rebours des habituels discours condescendants, et il le fait avec brio. Les personnages sont extrêmement attachants, en particulier Gabriel évidemment, mais on peut éprouver une grande empathie pour Arthur qui grâce à ce dernier, va vivre ici un véritable conte de fées. Pour l’auteur de ces lignes, « Les Oies cendrées » sont un énorme coup de cœur. Cette BD « feel good » parvient à transcender la mélancolie des vieux jours en quelque chose d’extrêmement lumineux, sans mièvrerie aucune, et ce n’est pas rien. Pour cela, les auteurs méritent notre reconnaissance éternelle.

12/08/2025 (modifier)