Destroyer - Combat à la loyale
Lorsque Keene Marlow, alias le Destroyer, apprend que sa prochaine attaque cardiaque lui sera fatale et qu'elle ne saurait tarder, il réagit comme n'importe quel homme : il décide de régler ses affaires en suspens.
Marvel
Mais en tant que super-héros, chaque situation qu'il doit affronter génère un stress qui le rapproche de la tombe…
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Date de parution | 03 Juillet 2013 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Plus le temps de finasser - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les cinq épisodes de la minisérie, initialement parus en 2009, écrits par Robert Kirkman, dessinés et encrés par Cory Walker, et mis en couleurs par Val Staples. Le poing de Destroyer vient de traverser le crâne d'un des mercenaires de l'organisation Horde. Destroyer ressort son poing maculé de sang et de matière cervicale du cadavre, et se retourne vers les cinq autres agresseurs, dont deux lui tirent dessus, et deux achèvent de monter la bombe sur le toit de l'immeuble. Il s'élance vers les deux tireurs, sentant à peine la piqûre des balles et fracasse la mâchoire du plus proche avec la crosse du fusil qu'il tenait dans la main gauche. Puis il décoche un violent coup de pied dans la tête du second, le fracassant. Il perfore ensuite la cage thoracique d'un troisième avec la crosse du fusil qu'il tient toujours dans la main. Les deux derniers réévaluent leur chance de survivre et commencent à paniquer. L'un balance la bombe par-dessus le rebord du toit terrasse, puis les deux lèvent les mains en l'air pour se rendre. Destroyer n'hésite pas une seule seconde : il se précipite sur eux et les trois basculent dans le vide à la suite de la bombe. L'explosion se produit, sans grand risque car tout le quartier a été évacué. L'hélicoptère de l'armée finit par arriver dans l'avenue où s'est produite l'explosion : Keene Marlow nu est assis sur le toit d'une voiture, dans la grisaille du nuage de poussière. le soldat encore agrippé au filin demande à Destroyer s'il va bien. Il répond grincheux que oui, qu'il faut l'emmener dans un supermarché, puis chez lui parce qu'il a un rendez-vous important à honorer. Keene Marlow finit par rentrer dans son pavillon de banlieue où la fête d'anniversaire de sa petite fille Haley a déjà commencé dans le jardin. Le sourire aux lèvres, il salue sa fille Felecia, puis son mari Darius Mitchell. Ils le remercient de les avoir laissé utiliser son pavillon pour organiser la fête d'anniversaire. À l'intérieur, dans la cuisine, son épouse Harriet Marlow est interrogée par un jeune garçon invité qui lui demande si sa prothèse de bras droit peut tirer des rayons laser, tirer des missiles, s'il dispose d'une vision calorifique ou d'un effet choc pour estourbir les gens. Toutes les réponses étant négatives, il finit par sortir de la cuisine en courant. Harriet s'enquiert de savoir comment s'est passée la mission de son mari, s'il a sauvé des gens, s'il a éprouvé une douleur cardiaque. Les réponses l'ayant satisfaite, elle vérifie qu'il a toujours son rendez-vous chez le médecin le lendemain. Après les examens, le médecin lui annonce qu'il se meurt, qu'il lui reste entre un mois et un jour à vivre. Il lui suggère vivement d'arrêter ses activités de superhéros, d'autant plus qu'il déjà souffert de deux crises cardiaques. Il lui demande s'il a besoin d'une minute pour digérer ce qu'il vient de lui annoncer. Keene répond qu'il a besoin de beaucoup plus de temps. Le soir dans la chambre à coucher, il ne parvient pas à répéter le diagnostic du médecin à sa femme. Il lui redit son amour pour elle toujours aussi vivace, et son regret de ne pas avoir été assez rapide pour éviter qu'elle ne perde son bras. En 2001, l'éditeur Marvel initie sa branche MAX, pour publier des histoires destinées à un lectorat plus adulte, souvent des versions retravaillées de certains de ses personnages, avec le succès éclatant de la version du Punisher par Garth Ennis. Cette histoire est parue avec le logo MAX, et propose une version plus brutale d'un personnage méconnu, une des premières créations de Stan Lee, avec Jack Binder, datant de 1941. Destroyer avait bénéficié d'une remise à jour en 1977, réalisée par Roy Thomas et Frank Robbins. Ici le scénariste revient à la version initiale, Keene Marlow approchant les 100 ans. Il s'agit d'un récit complet en cinq épisodes ce qui oblige Kirkman à utiliser des raccourcis : aucun rappel de la carrière de Destroyer, aucune explication sur la source de ses pouvoirs. À un moment, Turret, son ancien assistant adolescent, fait une apparition : aucune mention de leurs aventures passées, aucune explication sur le fait qu'il ait des pouvoirs similaires à Destroyer, ni de ce qu'il a fait pendant toutes ces décennies. Le récit est focalisé sur le temps présent : Keene Marlow sait que son temps est compté en jour au pire, en semaine au mieux. Il a décidé de faire le ménage, en neutralisant ses ennemis récurrents de manière définitive, en les tuant. Il bénéficie de l'assistance logistique de l'agence gouvernementale pour laquelle il travaille. Il lui reste juste à localiser lesdits ennemis. À la date de parution de cette histoire, cela fait déjà sept ans que les auteurs travaillent ensemble, ayant en particulier créé une extraordinaire série de superhéros : Invincible en 2002. La première page établit clairement le registre graphique et l'état d'esprit du personnage principal. Cory Walker réalise des dessins descriptifs, avec un bon degré de simplification, et souvent une discrète touche d'exagération qui apporte une forme de recul, entre saveur humoristique, et second degré. La première case occupe les deux tiers de la page, et le lecteur voit un globe oculaire voler vers lui, ainsi que des petits bouts de cervelle couverts de sang. le dessin est gore, avec une simplification des formes qui relèvent de la farce macabre. Destroyer massacre froidement ses ennemis, à grands coups de poing, expression ultime d'un superhéros tout en force, dépourvu de toute finesse, avec une seule stratégie qui est de foncer dans le tas. Le lecteur aura donc droit à d'autres séquences tout aussi gore avec de la bidoche éventrée : coup de poing perforant un corps, nuque brisée à deux mains, arrachage de tête à deux mains, bras arraché puis enfoncé dans la gorge d'un ennemi cannibale pour lui faire manger, tranchage d'un avant-bras avec une serpe, crâne fracassé à coups de poing répétés. Il est visible que Cory Walker s'amuse bien à représenter cette violence hors de contrôle, pour un défouloir cathartique. Durant chaque scène, le lecteur peut apprécier le doigté avec lequel Val Staples habille les surfaces simples détourées par l'encrage de l'artiste, leur apportant une texture, les faisant ressortir les unes par aux autres, renforçant l'effet de profondeur, se montrant parfois facétieux, comme l'effet de chair sur la silhouette de Techtronica, soulignant sa nudité partielle. Il est visible qu'il prend un grand plaisir à apporter des reflets sur le sang qui coule à flot, en ajoutant un peu de brillance, sculptant la surface avec un jeu de nuances, pour bien montrer la viscosité du liquide et la manière dont il recouvre Destroyer, l'habillant presque d'une gangue. Il est également visible que Corey Walker s'amuse bien pendant les séquences de combats physiques, et les scènes de danger (la pauvre Felecia attachée, les poignets entaillés). Il dose avec intelligence le degré de détails de ce qu'il représente case par case, allant d'un bon niveau d'informations visuelles (par exemple la salle d'examen du docteur), à des décors schématiques ou des cases sans arrière-plan pour accélérer la vitesse de lecture. La narration visuelle est donc entièrement en phase avec la nature du récit. Robert Kirkman propose donc une version différente d'un personnage à l'importance très relative dans l'univers partagé Marvel, dont la plupart des lecteurs n'a même pas idée de l'existence. Envisager les vieux jours d'un superhéros fait tout de suite penser au Dark Knight Returns de Frank Miller, mais pas de ça ici. le scénariste propose de quelque chose différent. Avec l'âge, Keene Marlow s'est radicalisé dans ses méthodes. Assurer la sécurité des civils et de sa famille est une priorité et il n'a que faire du respect des procédures, ou des coups de semonce. Ce comportement est en cohérence avec la nature de ses capacités : foncer dans le tas, encaisser, frapper. Sachant qu'il lui reste littéralement peu de jours à vivre, il décide de mettre fin de manière définitive à des menaces clairement identifiées. Il commence par son propre frère ce qui permet au lecteur de comprendre qu'il n'y aura pas d'exception. Puis, il s'attaque au suivant sur sa liste, peu soucieux des dommages collatéraux qu'il peut occasionner parmi les autres supercriminels de moindre envergure. L'organisation gouvernementale pour laquelle il travaille le laisse faire, à la fois parce qu'ils n'ont pas forcément les moyens de l'arrêter, à la fois parce qu'il fait du nettoyage par le vide. Le risque d'une troisième crise cardiaque est bien présent, et le scénariste n'en abuse pas, la brièveté du récit faisant qu'il reste plausible. Bien sûr, cette croisade devient personnelle quand un supercriminel s'en prend à un membre de sa famille. Alors qu'il continue à bien s'amuser lui aussi (un combat sur le plan astral contre la mort), Kirkman sait donner de la consistance à son personnage principal : des regrets sur quelques-unes de ses décisions, une inquiétude pour l'état dans lequel il laissera le monde, une inquiétude pour ce qui se passera après sa mort. Le scénariste parvient à dresser le portrait d'un individu inflexible, focalisé sur les buts qu'il souhaite atteindre, conscient de sa mortalité, mais refusant de lâcher prise, figé dans un unique mode comportemental, mais encore accessible aux émotions. Il est visible que les deux créateurs s'offrent une récréation avec ce récit gore, brutal et sans excuse. Le plaisir qu'ils y prennent est évident à la lecture et amène un sourire au lecteur. Dans le même temps, ce n'est pas juste une pochade vite lue vite oubliée. En fait, le personnage de Keene Marlow présente une grande cohérence, et plus d'épaisseur qu'une simple excuse pour se vautrer dans la violence cathartique. Il a pris de l'âge, il doit accepter de voir ses facultés décliner, même si elles restent immenses, et que quoi il ait accompli, le monde sera toujours en danger après son passage.
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