Des maux à dire

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Angoulême 2024 - Prix du public L’histoire incroyable d’une fille qui va « exorciser » sa mère confrontée à l’emprise du patriarcat et au démon de la maltraitance.


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L’enfance est le règne de l’imagination… Mais pas toujours un conte de fées. Pour Vera, malgré les monstres et les sorcières sortis tout droit de la tête de sa mère, atteinte de démona, le happy end tarde à venir. Elle se souvient… Les visites chez la chaman, pour l’exorciser d’un mystérieux mal qui aurait pris possession d’elle ; sa mère clouée au lit plusieurs jours d’affilée, prétendant qu’un démon la harcèle en tambourinant sur ses nerfs ; le silence imposé à la maison, les jours suivants, pour ne pas réveiller le monstre ; les rendez-vous chez le psychiatre, au cours desquels le diagnostic se dessine, année après année… Et puis, face à cette mère abusive, suspicieuse et paranoïaque, traumatisée par son propre père et qui a perdu foi en les hommes, un mari dépassé qui s’efface du foyer à mesure que la maladie mentale de sa femme s’installe.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 23 Août 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Des maux à dire © Sarbacane 2023
Les notes
Note: 4/5
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03/04/2024 | Blue boy
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Par Blue boy
Note: 4/5
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"Des maux à dire", c’est une histoire, pourrait-on dire, cousue de fil noir, une histoire sombre à l’issue imprévisible. Quant au « fil » en lui-même, il ferait référence au passe-temps préféré d’Adela, la couture et la broderie, la seule activité qui pouvait la tranquilliser et alléger les affres d’un mal étrange, un désordre mental mettant en péril l’équilibre familial. Les superstitions et la bigoterie de cette dernière n’arrangeront évidemment rien à l’affaire, et les séances de psychiatrie semblent peu concluantes... De façon très originale, Bea Lema utilisera cette thématique pour élaborer un axe graphique fort, la broderie revêtant ici des significations très diverses, avec toute une symbolique autour du fil… L’autrice va compléter ce parti pris visuel avec des dessins volontairement enfantins, souvent très colorés, pour renforcer l’empathie du lecteur avec la narratrice, Vera, fille d’Adela, et peut-être aussi pour alléger la noirceur du récit. Au fil des pages, l’enfant va grandir pour arriver jusqu’à l’âge adulte, entourant sa mère de toute son affection pour tenter de juguler ses crises récurrentes. Les rôles vont alors s’inverser, et peu à peu, Vera va dérouler le « fil » des névroses d’Adela, comme une sorte d’exorcisme où la parole enfin libérée de la mère, traduite dans une longue séquence par des dessins « brodés » parlant d’eux-mêmes, où les fils noirs enserrent implacablement les personnages, servira de révélateur de l’horrible vérité… C’est pour ainsi dire seule que Vera mènera ce combat sans répit pour libérer sa mère de cette folie qui l’aspirait inéluctablement vers les abysses. Le père, lui, avait abdiqué et le frère, refroidi par des relations très conflictuelles durant son adolescence, ne croyait pas à la possibilité d’une guérison. Si ce roman graphique « coup de poing » (la broderie c’est pas ce qu’on croit !) a toutes les caractéristiques d’une autobiographie, difficile d’en avoir la confirmation, l’éditeur ne précisant rien à ce sujet. Quoiqu’il en soit, Bea Lema nous livre ici une œuvre unique en son genre, abordant un thème on ne peut plus actuel, celui de la maltraitance envers les enfants (et accessoirement l’inceste et la violence conjugale), révélant une fois de plus à quel point le paternalisme séculaire, encore bien présent dans nos sociétés modernes, peut être source de traumatismes et de névroses, dans un cycle infernal impactant les générations suivantes. Heureusement, le récit se conclut sur une note touchante, laissant filtrer un espoir bienvenu. L’autrice nous transmet ici un message on ne peut plus simple : l’amour, conjugué à la parole et l’empathie, peut être la solution à tous les maux, quand prières et médicaments s’avèrent impuissants…

03/04/2024 (modifier)