Des maux à dire

Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)

Angoulême 2024 - Prix du public L’histoire incroyable d’une fille qui va « exorciser » sa mère confrontée à l’emprise du patriarcat et au démon de la maltraitance.


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L’enfance est le règne de l’imagination… Mais pas toujours un conte de fées. Pour Vera, malgré les monstres et les sorcières sortis tout droit de la tête de sa mère, atteinte de démona, le happy end tarde à venir. Elle se souvient… Les visites chez la chaman, pour l’exorciser d’un mystérieux mal qui aurait pris possession d’elle ; sa mère clouée au lit plusieurs jours d’affilée, prétendant qu’un démon la harcèle en tambourinant sur ses nerfs ; le silence imposé à la maison, les jours suivants, pour ne pas réveiller le monstre ; les rendez-vous chez le psychiatre, au cours desquels le diagnostic se dessine, année après année… Et puis, face à cette mère abusive, suspicieuse et paranoïaque, traumatisée par son propre père et qui a perdu foi en les hommes, un mari dépassé qui s’efface du foyer à mesure que la maladie mentale de sa femme s’installe.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 23 Août 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Des maux à dire © Sarbacane 2023
Les notes
Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)
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03/04/2024 | Blue boy
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Par Gaston
Note: 4/5
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3.5 Un très bon one-shot qui parle de troubles mentaux. Je ne sais pas du tout si le récit est entièrement fictif ou si l'autrice s'est basé sur sa vie. Je ne connais pas du tout la biographie de cette dernière, mais tout ce que je peux dire c'est que le tout semble très réaliste. L'héroïne a une mère qui souffre d'un problème mental et qui ne sera diagnostic pendant des années. Du coup pendant des années elle va se comporter de façon bizarre et sa famille ne sait pas trop quoi faire. L'autrice brasse plusieurs thèmes et n'a pas peur de parler de sujets graves, notamment dans les scènes montrant l'enfance peu reluisante que la mère de l'héroïne a eu et qui explique en partie son comportement une fois devenue adulte. J'ai bien aimé le dessin qui est particulier, mais va très bien pour illustrer ce genre d'histoire.

24/07/2024 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
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L'histoire d'une mère souffrant de troubles psychiques (plus précisément des troubles délirants provoquant des idées obsessionnelles et des hallucinations cenesthésiques) et de l'impact de cette maladie sur sa famille. Concrètement, la mère de Véra, catholique pratiquante, est persuadée qu'un démon la hante et la surveille en permanence chez elle, l'étouffant même la nuit durant son sommeil. Elle impose donc le silence et une paranoia constante à sa famille, doublée d'une jalousie maladive envers son mari et même de l'autopersuasion que son fils se drogue et rate sa vie alors qu'il n'en est rien. Le problème, c'est que sa famille a beau se rendre compte du comportement délirant de la mère, elle ne sait pas au départ comment le gérer, surtout la Véra encore enfant qui n'a pour sa mère qu'amour et la croit confusément. L'autrice raconte cela comme une tragédie familiale, un traumatisme de la jeune Véra qu'elle va combattre et finalement apprendre à maîtriser avec l'âge et l'aide des médecins. Elle le fait avec un graphisme naïf et coloré qui s'accompagne de nombreux passages carrément cousus ou brodés. La mère de Véra, malgré sa folie, est en effet une très bonne couturière et a transmis ça à sa fille qui réussit l'exploit de "dessiner" à la couture des planches entières de BD, parfois en couleurs parfois en noir et blanc. Ce n'est pas forcément formidable, quoique les planches colorées soient jolies, mais l'effort est jouable et le résultat clairement original. L'histoire est bien racontée, avec simplicité et un sentiment de fatalité qui ne sombre jamais dans le pathos. L'autrice aborde le sujet de la maladie mais aussi celle des relations familiales, de la mauvaise communication entre les époux, des relations différentes entre enfants et parents, et de la charge mentale de ceux qui doivent s'occuper de personnes malades. Le tout est fait sur un ton qui sait rester suffisamment léger pour ne pas plomber et mettre en avant davantage les aspects intéressants et touchants que le malheur ou la tristesse. Et puis il y a une vraie conclusion positive et optimiste puisque la médecine a réussi à trouver le traitement adéquat sans que les médications antipsychotiques n'assomment la mère comme c'est souvent le cas dans le traitement des troubles psychiques. Ce fut donc une lecture instructive, relativement touchante et graphiquement originale.

23/06/2024 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
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"Des maux à dire", c’est une histoire, pourrait-on dire, cousue de fil noir, une histoire sombre à l’issue imprévisible. Quant au « fil » en lui-même, il ferait référence au passe-temps préféré d’Adela, la couture et la broderie, la seule activité qui pouvait la tranquilliser et alléger les affres d’un mal étrange, un désordre mental mettant en péril l’équilibre familial. Les superstitions et la bigoterie de cette dernière n’arrangeront évidemment rien à l’affaire, et les séances de psychiatrie semblent peu concluantes... De façon très originale, Bea Lema utilisera cette thématique pour élaborer un axe graphique fort, la broderie revêtant ici des significations très diverses, avec toute une symbolique autour du fil… L’autrice va compléter ce parti pris visuel avec des dessins volontairement enfantins, souvent très colorés, pour renforcer l’empathie du lecteur avec la narratrice, Vera, fille d’Adela, et peut-être aussi pour alléger la noirceur du récit. Au fil des pages, l’enfant va grandir pour arriver jusqu’à l’âge adulte, entourant sa mère de toute son affection pour tenter de juguler ses crises récurrentes. Les rôles vont alors s’inverser, et peu à peu, Vera va dérouler le « fil » des névroses d’Adela, comme une sorte d’exorcisme où la parole enfin libérée de la mère, traduite dans une longue séquence par des dessins « brodés » parlant d’eux-mêmes, où les fils noirs enserrent implacablement les personnages, servira de révélateur de l’horrible vérité… C’est pour ainsi dire seule que Vera mènera ce combat sans répit pour libérer sa mère de cette folie qui l’aspirait inéluctablement vers les abysses. Le père, lui, avait abdiqué et le frère, refroidi par des relations très conflictuelles durant son adolescence, ne croyait pas à la possibilité d’une guérison. Si ce roman graphique « coup de poing » (la broderie c’est pas ce qu’on croit !) a toutes les caractéristiques d’une autobiographie, difficile d’en avoir la confirmation, l’éditeur ne précisant rien à ce sujet. Quoiqu’il en soit, Bea Lema nous livre ici une œuvre unique en son genre, abordant un thème on ne peut plus actuel, celui de la maltraitance envers les enfants (et accessoirement l’inceste et la violence conjugale), révélant une fois de plus à quel point le paternalisme séculaire, encore bien présent dans nos sociétés modernes, peut être source de traumatismes et de névroses, dans un cycle infernal impactant les générations suivantes. Heureusement, le récit se conclut sur une note touchante, laissant filtrer un espoir bienvenu. L’autrice nous transmet ici un message on ne peut plus simple : l’amour, conjugué à la parole et l’empathie, peut être la solution à tous les maux, quand prières et médicaments s’avèrent impuissants…

03/04/2024 (modifier)