Deviens quelqu'un !

Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)

Bienvenue dans le monde sanglant et impitoyable des auteurs de BD !


Blutch École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg Gobelins, l'École de l'Image La BD au féminin Profession : bédéiste Séries avec un unique avis

Depuis qu’il a fini ses études deux décennies plus tôt, Daniel, auteur de BD, a peu de livres publiés à son actif – et ce n’est pas son nouveau projet d’écriture sur « l’instauration des règles de la lutte gréco-romaine au 19e siècle » qui risque de lui ouvrir les portes du succès. Difficile de ne pas se comparer à ses ex-camarades de promo dont la carrière a explosé et qui ne se privent pas de s’en vanter sur les réseaux sociaux. C’est en traînant sur Facebook, justement – au lieu de travailler –, qu’il apprend que son école d’art organise une soirée pour présenter les travaux des anciens élèves avant qu’ils ne deviennent célèbres… Tout le monde y sera, sauf lui qu’on a « oublié » d’inviter. C’est vrai que la bande dessinée qu’il avait présentée à son diplôme, une enquête rocambolesque sur la disparition d’une jeune primatologue menée par un détective privé complètement nul, n’avait à l’époque pas vraiment convaincu ses professeurs… Quoi qu’il en soit, quand son éditeur, qui perdait foi en lui, appelle Daniel pour le féliciter de cette soirée qui sera, à coup sûr, le tremplin tant attendu pour sa carrière, l’auteur est trop lâche pour lui avouer la vérité. Et un mensonge en entraînant un autre, le voilà embarqué dans une course contre la montre pour se faire inviter à l’exposition. Tous les moyens sont bons pour y parvenir : harceler ses anciens collègues, supplier, menacer, s’humilier… Gare au boulet… et au malaise !

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 03 Mai 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Deviens quelqu'un ! © Sarbacane 2023
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)
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07/06/2023 | Blue boy
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Par Blue boy
Note: 3/5
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Daniel Blancou est un auteur extrêmement attachant par son sens très poussé de l’autodérision, on le sait depuis Un auteur de BD en trop. Le fait d’avoir opté de nouveau pour l'autofiction lui permet d’explorer librement ses côtés obscurs, ceux dont on aime généralement guère se vanter... « Daniel Blanquette », son double et personnage central du récit, va être mis à rude épreuve, en proie à son démon intérieur qui n’aura de cesse de le parasiter dans son désir de succès en tant que bédéaste et le poussera à commettre des actes peu glorieux qui l’enfonceront chaque fois un peu plus. Symbolisé comme dans Tintin par une tête de diable à queue fourchue, parfois contredit par l’ange, le binôme bienveillant et réconfortant, on le verra virevolter presque constamment au fil des pages autour de Blanquette, le harcelant sans pitié, telle la mouche du coche, de ses moqueries destinées à lui faire perdre toute confiance en lui. On peut dire que c’est souvent drôle, encore faut-il être réceptif à ce type d’humour à la fois cérébral et plutôt subtil (on sourit plus qu’on ne rit), que ne facilitera peut-être pas la forme narrative un rien foutraque, intégrant nombre de récits dans le récit. Outre ses anciennes planches, dont un polar foireux, des illustrations de documentaires ou des strips, on y trouve les dessins d’une dizaine de confrères qui ont participé au projet, rebaptisés pour l’occasion par des « pseudos d’acteurs ». Ainsi, Mathieu Sapin devient « Mathieu Malin », Lisa Mandel est « Lisa Modèle » ou encore Blutch qui ici se fait appeler « Crush ». Blancou a conservé le graphisme assez stylé qu’on avait apprécié dans Un auteur de BD en trop, un trait humoristique minimaliste assorti à une colorisation vintage tramée. Très souvent, il se contente de ne dessiner qu’un seul œil à ses personnages, en particulier en ce qui concerne son personnage central, « Blanquette », ce qui contribue à singulariser sa marque de fabrique. Sans avoir l’air d’y toucher, l’auteur de « BD rigolotes », écartelé entre son envie d’être reconnu et sa (fausse ?) modestie, parle aussi de l’égo propre au milieu de la bande dessinée, inhérent à tout domaine artistique, des petites jalousies et autres hypocrisies, ou encore de l’échec qui fera de vous un loser patenté. Le monde est une jungle, et le 9e art n’y échappe pas, même s’il n’atteint pas le sommet souvent boursouflé des mondanités cannoises et autres. On peut supposer que « Deviens quelqu’un ! » aura permis – et c’est tant mieux - à « Daniel Blanquette » de laisser définitivement derrière lui son démon dans l’incendie final ô combien symbolique même si la conclusion en demi-teinte nous laisse avec ce constat tragique du pauvre gorille livré à lui-même parce que trop faible pour vivre avec le clan. Cet ouvrage à l’humour doux-amer constitue une lecture plaisante, même si par son côté disparate on peut la considérer un poil en dessous d « Un auteur de BD en trop », dont le scénario semblait mieux maîtrisé.

07/06/2023 (modifier)