Slava

Note: 4.14/5
(4.14/5 pour 14 avis)

Les années 1990, l'URSS a cessé de vivre. Son utopie appartient au passé, tout juste bonne à figurer dans les livres d'histoire. Maintenant, la loi du marché va pouvoir faire son oeuvre !


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Dans un décor qui fait la part belle à l'immensité des espaces russes autant qu'aux vestiges de l'architecture soviétique, deux maraudeurs se livrent à une activité pour le moins douteuse : mettre la main sur toutes sortes de babioles susceptibles d'intéresser de riches investisseurs. L'un, Dimitri Lavrine, est un trafiquant sans scrupules. Selon lui, tout s'achète et tout se vend. L'autre, Slava Segalov, est un artiste qui a renoncé à ses rêves de gloire et tente de se faire une place dans ce monde nouveau qui s'ouvre à eux. Il suit Dimitri à contrecoeur, déchiré entre son éthique et la dette qu'il a contractée envers ce dernier. Au moment où commence cette histoire, ils sont occupés à récupérer, dans un bâtiment à l'abandon, tout ce qui peut se monnayer. Mais rien ne va se passer comme prévu... À travers la destinée tragi-comique de deux pieds nickelés emportés dans la tourmente de l'Histoire, Slava est une saga en trois tomes qui brosse le portrait d'un pays déboussolé, qui amorce une transition incertaine, et annonciateur de la Russie d'aujourd'hui.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 26 Août 2022
Statut histoire Série terminée 3 tomes parus

Couverture de la série Slava © Dargaud 2022
Les notes
Note: 4.14/5
(4.14/5 pour 14 avis)
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05/09/2022 | Mac Arthur
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Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
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Je vais faire court, difficile de passer après le superbe avis de Josq. Pierre-Henry Gomont nous propose une histoire au background diablement intéressant, à savoir la période qui a immédiatement suivi l’effondrement du bloc soviétique. Intéressant car extrêmement instructif et plus pertinent que jamais aujourd’hui, pour quiconque essaye de comprendre un peu l’ogre Russe. Intéressant pour moi plus personnellement aussi : étant franco-bulgare, j’ai passé pas mal de temps derrière le rideau de fer, puis vu (et partiellement compris) la transition vers le capitalisme de mes propres yeux. Il greffe sur ce background une histoire enjouée, des personnages hauts en couleurs, et un humour vraiment efficace (j’adore ces phylactères qui contiennent une unique image). J’ai en tout cas passé un excellent moment de lecture. Le rythme est maintenu sur les 3 tomes, et la fin est parfaite, et très émouvante. Un excellent triptyque, que je recommande chaudement.

09/01/2023 (MAJ le 14/09/2025) (modifier)
Par Josq
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
L'avatar du posteur Josq

J’ai encore des larmes dans les yeux quand je commence à rédiger cet avis. Je viens juste de refermer le troisième tome… Enfin, c’était peut-être il y a dix minutes, voire plus. Le temps qu’il m’a fallu pour encaisser ça. Mon épouse me regarde, l’air étonné, un peu amusé, ou peut-être aussi gâteux. Sans doute un peu de tout ça. Je suis dévasté. Littéralement dévasté. J'ai l'impression que je viens de perdre un ami proche, je sens que le monde s'écroule autour de moi, et pourtant, tout est là, debout, immobile. Je ne comprends pas ce regard qui ne comprend pas ma douleur. Pourtant, il faut bien que la vie reprenne... Si je commence mon avis par cette courte introspection, ce n’est pas pour raconter ma vie. Mais cette scène un peu cocasse, ce mari qui n’arrive plus à retenir ses larmes devant une bande dessinée, sous le regard gentiment décontenancé de son épouse qui ne parvient pas à comprendre, c’est une scène de Pierre-Henry Gomont. Elle s’insère logiquement dans la suite du récit, elle a été créée par lui de toute pièce. On dit que le silence après Mozart est encore du Mozart, et les larmes après du Gomont sont encore du Gomont. Que dire de plus, après cela ? Tant de choses et si peu. On a l’impression que plus on va ajouter des mots, moins ils seront efficaces. Et pourtant, il faut en parler ! Il faut parler de ce fabuleux dessin de Pierre-Henry Gomont, aux couleurs si maîtrisées. La première fois que j'ai ouvert cette bande dessinée, j'ai craint d'être rebuté par ce dessin que je croyais brouillon, mais j'ai été séduit par ces couleurs délicates. Et j'ai découvert peu à peu, avec un émerveillement grandissant, la magie de ce trait d'un Sempé des temps nouveaux. Peu de dessinateurs savent exprimer avec autant de justesse que Gomont cette complexité des sentiments au travers de leur dessin. Chez lui, il y a une tonalité humoristique évidente qui n'entrave jamais la noirceur du récit. Ce qu'il a à nous dire est sombre, très sombre, mais il le dit avec la naïveté rêveuse d'un enfant. Slava est une œuvre majeure. Pas seulement une bande dessinée majeure, non. Elle est une œuvre d'art majeure. Elle transcende les formats pour nous offrir quelque chose qui ressemblerait à une forme d'art total. Visuel, évidemment, tant la splendeur et la justesse du dessin de Gomont transparaît à chaque page. Narratif, comment le nier ? Cette montée en puissance dans le tome 3 est une pure merveille d'orfèvrerie narrative. Et cette écriture... Les textes de Slava sont dignes du meilleur des romans. La puissance d'un Dumas et d'un Céline étrangement réunis dans une sorte d'épopée à la Audiard. Car bien sûr, cette alliance entre l'art narratif et l'art visuel ne peut qu'évoquer le cinéma. Quand on sort de là, on a l'impression d'avoir vu un immense film. Comment nos réalisateurs peuvent-il passer à côté de Slava ? (Non, en vrai, ça vaut mieux, peut-être que Dupontel réussirait à en faire quelque chose, mais c'est sûrement le seul !) Slava est tout aussi bruyant. Même si ses onomatopées sont en russe, elles claquent à nos oreilles autant que des répliques parfaitement écrites. On entend tout. Et comment ne pas être saisi aux tripes par cette symphonie du chaos que Gomont orchestre si bien ? Tout comme ces personnages de théâtre, qui relèvent aussi bien de la pantomime et de la commedia dell'arte que du plus puissant drame shakespearien ? Là est tout le génie de Gomont : dans le refus du choix. La pantomime survient en plein cœur de la tragédie (ou inversement), et pourtant, le tout est d'une homogénéité exemplaire ! Bref, je crois que je pourrais continuer longtemps, mais il ne faut pas. J'ai vécu une épopée en compagnie de Slava, Nina, Lavrine et Volodia. Je me suis hissé au sommet et suis tombé dans les mêmes gouffres qu'eux, en même temps qu'eux. Personne ne peut imaginer la grandeur de cette épopée qu'ils m'ont fait vivre. Même s'il y a quelques moments où le soufflé retombe un peu dans le 2e tome. Même si la vulgarité prend parfois le pas, ou que l'équilibre du récit est menacé par cette dépiction de toutes les bassesses humaines. Même si, à certains moments, on aimerait que le scénario avance (un peu) plus vite. Cette épopée que j'ai vécue, donc, personne ne peut l'imaginer mais tout le monde peut la vivre. Vivre, revivre cette tragédie de la Russie d'Eltsine. Voir, revoir la noblesse de l'âme russe, capable de surmonter toutes les tragédies. Regarder, admirer le spectacle de quelques îlots d'humanité incapables de sombrer dans les flammes d'une infernale décadence où le diable du capitalisme veut l'entraîner. Et pleurer. Pleurer les morts qu'un récit trop réel nous inflige. Pleurer la grandeur passée d'une nation qui vendit son âme à des ogres cupides et désincarnés. Pleurer la force de ces hommes et de ces femmes qui réussirent à vivre au milieu des tempêtes. Pleurer l'héroïsme de ceux qui surent faire preuve de courage et d'abnégation contre les lâches et les puissants. Pleurer face à la beauté d'un spectacle qui résonnera encore bien longtemps dans nos cœurs. Pleurer, car quand on ne sait plus quoi dire, il nous reste toujours les larmes pour l'exprimer. Pleurer. Se taire. Et contempler.

26/12/2022 (MAJ le 04/09/2025) (modifier)
L'avatar du posteur carottebio

Et je rejoins tous les camarades qui m'ont précédé. En effet, superbement dessiné. On reste dans le style des précédents albums. C'est vif, coloré, beau. Les personnages sont à peine crédibles, juste assez pour nous maintenir dans le rythme de l'histoire. Cette mise en image du far "est" de la Russie des années 1990 est juste une dinguerie à découvrir.

09/02/2025 (modifier)

Rarement, peut être jamais auparavant, une bande dessinée ne m'avait à ce point happé et donné autant d'émotions. Une bonne dose d'humour, une ingéniosité géniale dans le scénar, des dessins précis et qui restent cohérents dans les albums, des personnages complexes et tous dignes d'intérêt (et plus ou moins sympathiques), un vrai propos et point de vue... L'envie de rencontrer les russes (du moins ceux qui travaillent vraiment). Bref un pur régal ! PS: merci à Erwan de la librairie Georges qui me l'a conseillée.

30/12/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Je me joins aux concerts de louange. Gomont est un grand, il peut bien être un gros prétencelard, il en a franchement et largement les moyens. Perso, je n'ai pas trop de problème avec ça (dans un autre genre, j'aimais beaucoup John McEnroe et son caractère de m....). Une nouvelle fois, force est de le constater : Slava n'a que des qualités. - Des personnages forts, complets, entiers, animés par de vraies intentions et dont les nuances ne sont pas toutes offertes au lecteur, même si elles sont belles et bien là. - Un dessin vif et alerte - Un scénario élaboré au scalpel. - Un contexte historique qui réhausse encore l'intérêt de cette histoire. - Ce petit truc en plus qui fait que... Bref ! Inutile de répéter tout ce qui a déjà été dit, mais le tome 2 me manque déjà. I can hardly wait ! Et du coup, un peu suite à la discussion sur le forum, je complète mon avis après lecture des tomes 2 et 3 : C'est la meilleure série de Gomont à ce jour. Il se focalise sur une période finalement assez trouble et peu connue de la Russie qui explique bien des choses sur l'état du pays actuellement (au même titre que le récent Limonov de Serebrenikov). En outre, il tient ses personnages jusqu'au bout, esquive bien des clichés et propose une fin inattendue pour chacun d'entre eux, sans pour autant y mettre un point final (le lecteur reste libre de poursuivre dans sa tête leur parcours respectif). Je n'ai qu'une seule micro-réserve : l'épilogue n'était peut-être pas nécessaire, mais bon, ça se discute. Tout cela fait que je relève ma note (de 4 à 5) et lui colle un coup de cœur en prime.

30/12/2022 (MAJ le 24/12/2024) (modifier)
Par Blue boy
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Blue boy

Après être arrivé à la conclusion de ce triptyque, me voilà donc obligé de pousser ma note au maximum, totalement convaincu que « Slava » marquera définitivement le neuvième art d’une pierre blanche. Non mais quel talent, ce Gomont ! Si « Après la chute » (le tome 1) m’avait laissé indécis, tout en en reconnaissant les qualités, je dois avouer que « Les Nouveaux Russes », second volet de cette trilogie, m’a définitivement rassuré. Une seconde lecture du premier tome a même été salutaire (eh oui, il arrive que parfois on ne soit pas dans le bon « mood »), du fait sans doute que j’étais déjà plus familiarisé avec le récit et les personnages. Quant au dernier tome, « Un enfer pour un autre », il constitue l’apogée de « Slava ». Alors que toute échappatoire à la tragédie annoncée semble de plus en plus compromise, la narration va prendre une coloration de plus en plus sombre, avec pour acmé une déflagration spectaculaire, au propre comme au figuré, qui laissera peu de monde indemne. Mais comme Gomont n’a pas pour seul but de faire pleurer dans les datchas, il va conclure son histoire en nous emmenant vers des terres plus apaisées, plus lumineuses, plus poignantes aussi. Nous laissant dans un silence ému au sortir de cette lecture. Alors que l’écroulement de l’ancien monde soviétique n’en finit pas d’entraîner la mort et la désolation, c’est captivé que l’on suit le destin de ces deux hommes, Slava et Lavrine, un destin en forme de montagnes russes, expression facile mais tellement appropriée…Il faut dire que Pierre-Henry Gomont, en plus d’être un dessinateur hors pair, sait concevoir un scénario (très peu d’auteurs ont ce double talent, il faut bien le dire) avec en prime des textes et des dialogues ciselés. La narration possède un souffle indéniable, assorti à une touche de burlesque incarné par le personnage de Volodia, l’attachant géant géniteur de la belle Nina, qui n’hésite pas à disperser façon puzzle (la diplomatie c’est pas son fort), tout particulièrement avec les vautours et les aigrefins, qu’un don particulier lui permet de repérer à dix mille lieues à la ronde. Concernant la partie graphique, je dirais que « Slava » ne saurait être dissocié du dessin. Celui-ci apporte une vibration unique, une énergie totalement en phase avec la narration. Et puis, il y a ce sens du détail pertinent pour imprimer une ambiance, allié à un minimalisme astucieux quand il s’agit de souligner les états d’âme des personnages ou un comique de situation, avec toujours ce trait agile et élégant… Chaque coup de pinceau est une gourmandise oculaire, une sensation que personnellement je n’ai pas eu si souvent l’occasion d’éprouver. A ce titre, Gomont nous livre peut-être une partie de son secret par le biais de Tatiana, personnage secondaire mais ô combien important, conseillère artistique passagère de Slava Segarov qui ne fut pas étrangère à son revirement vers l’art. Ce qui laisserait penser que ce dernier est finalement un peu le double de Pierre-Henry… Dans « Slava », il y a un vrai souffle, de tout ce qui peut composer une aventure, avec aussi une pincée de conscience sociale à travers l’histoire de cette mine que les ouvriers veulent maintenir en vie, à l’abri des rapaces sans foi ni loi. Car le récit parle aussi de cela, de cette avidité reptilienne caractéristique de l’être humain, poussée aujourd’hui à son paroxysme avec le capitalisme financier et qui ne cesse de conduire l’humanité vers le précipice depuis qu’elle existe. Et puis il y a tout de même, telle une jolie fleur née sur le fumier, cette magnifique histoire d’amour entre Slava et Nina, parce que oui, bien sûr, que serait ce monde de brutes sans amour… L’autre grande originalité de ce récit, qui le distingue encore davantage, si besoin était, est d’avoir pris le contrepied des productions mainstream en situant l’action dans cette Russie postsoviétique au lieu des sempiternelles références étatsuniennes. Un peu à la manière de Serge Lehman, qui « milite » à travers son œuvre pour la réintégration de notre bonne vieille Europe dans la pop-culture. C’est peu dire que le dernier opus conclut en beauté la saga, figurant désormais au panthéon des œuvres majeures du neuvième art. Et si on considère que PHG s’est un peu projeté dans le personnage de Slava, on ose espérer qu’il conservera comme lui une éthique plus proche des artistes galériens (mais avec le confort pécuniaire) que galeristes (ceux qui ont lu le dernier tome comprendront), afin qu’il puisse encore nous émouvoir et nous surprendre à l’avenir.

21/09/2022 (MAJ le 25/10/2024) (modifier)
L'avatar du posteur Tomdelapampa

Je me range complètement aux louanges des précédents aviseurs. P-H Gomont est devenu en l’espace de quelques albums un auteur à suivre quasi les yeux fermés, la promesse systématique d’un excellent moment, il m’a toujours surpris positivement de par sa réalisation et les sujets choisis. Slava ne déroge pas à la règle, une lecture de haute volée. J’ai hâte de connaître la suite de cette trilogie. Graphiquement, c’est de mieux en mieux, l’auteur améliore encore son style, coloré et fluide. Un dessin vivant, j’aime le rendu de ses mises en page avec l’absence de trait noir autour de ses cases. L’histoire n’est pas en reste, on explore les années post chute mur de Berlin. On va découvrir une Russie confrontée à l’ultra libéralisme du jour au lendemain, via le parcours de quelques personnages hauts en couleur, parmi tant d’autres j’ai particulièrement savouré celui de Dimitri Lavrine. J’ai été complètement emporté d’entrée de jeu, j’ai adoré la construction de l’album et la voix off de Slava. Un album au Top !! MàJ tome 2 : 2 albums au Top !! J’ajoute un coup de cœur à cette série. J’admire la qualité d’écriture de l’auteur ainsi que sa patte graphique, il y a tout ce que j’aime dedans, flamboyance, dépaysement, densité, noirceur et légèreté … un plaisir de retrouver ces personnages russes. MàJ tome 3 : Ça y est Slava c’est fini. Je dois avouer que le début de la série m’a plus parlé avec ce petit côté Kusturica. La fin sera bien moins insouciante que les débuts et surprendra sans doute un peu moins. Une trilogie bien menée qui met vraiment l’âme russe à l’honneur. Hâte de découvrir le prochain projet de l’auteur.

17/10/2022 (MAJ le 19/09/2024) (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

A l’heure actuelle, j’en suis arrivé à ne plus réfléchir lorsqu’une œuvre signée Pierre-Henri Gomont est annoncée. J’achète, on verra ensuite de quoi ça cause. Et une fois de plus, je sors enchanté de ma lecture. Le sujet est très intéressant et nous sort des sentiers battus. Il est historiquement pertinent et développé avec humour et sérieux. Humour car les personnages sont souvent hauts en couleurs et les qualités de conteur de Pierre-Henri Gomont assurent des dialogues drôles et vivants (ahh, cet art de recourir à un petit dessin pour développer une idée). Sérieux car ce qui nous est conté est dramatique par plus d’un aspect et nous force à réfléchir aux raisons qui poussent aujourd’hui beaucoup de Russes à regretter l’époque de la grande URSS. La mise en page, le style graphique et le style narratif sont dans la ligne directe de ceux employés sur « La Fuite du cerveau » mais sans élément absurde et fantastique ici : tout cela reste très réaliste même si raconté avec beaucoup de gouaille. J’attends la suite avec grande impatience.

05/09/2022 (modifier)