Padovaland

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)

Dans ce récit parfois presque clinique, nous suivons la vie d’un groupe de jeunes de vingt ans anesthésiés par l’ennui et l’alcool Spritz, les réseaux sociaux et les relations amoureuses désastreuses.


Auteurs italiens Italie

Avec ses faux airs de parc d’attractions, Padovaland emmène le lecteur dans la province et les banlieues du nord-est de l’Italie, où le bien ne se distingue plus du mal, le coupable de la victime, où chaque relation, chaque geste, chaque personne se retrouve à agir dans une zone grise morale dénuée de sens. C’est le portrait froid d’une génération sans but qui nous fait réfléchir sur la désolation des relations humaines à l’ère du numérique. Une histoire chorale habilement orchestrée, qui fait référence au travail de Daniel Clowes, Nick Drnaso ou Paolo Bacilieri, tous grands conteurs de la décadence morale de l’homme contemporain.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 25 Mars 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Padovaland © Presque lune 2022
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

31/03/2022 | grogro
Modifier


L'avatar du posteur Noirdésir

Étrange album, qu’il ne faut pas lire pour se remonter le moral. En effet, Miguel Vila nous dresse ici le portrait très triste et quasi désespérant d’une jeunesse italienne (l’intrigue se situe en Vénétie). Les relations entre les différents protagonistes sont froides, pleines de non-dits et de rancœur. La plupart des personnages trainent un mal être qui s’exprime difficilement (parfois l’un d’entre eux pète les plombs, comme cette caissière qui gueule au micro du supermarché des horreurs sur ses collègues !). Les rumeurs, les réseaux sociaux forment un lien des plus fragiles et surtout des plus artificiels et vains. même l'amour - surtout l'amour! - ne parvient pas à prendre racine dans le marais d'ennui et de frustrations dans lequel Vila laissent se débattre ses personnages. Et le dessin, lui aussi très froid, renforce cette impression de malaise, ressenti à plusieurs reprises en suivant les personnages, qui tentent de surnager dans un océan de médiocrité et de solitude (la colorisation, assez terne, joue elle aussi dans le même registre). La mise en pages est par contre plus originale et dynamique, cassant les codes habituels.

18/03/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
L'avatar du posteur grogro

Acquise sur la foi du synopsis, ainsi que sur mon appétence pour la BD indépendante italienne, Padovaland m'a procuré un réel plaisir de lecture. D'abord un mot du contexte géographique : l'Est de l'Italie, dans la région de Padoue, présentée ici comme une espèce de vaste zone grise de rurbanité, No Man's Land informe où la terre est assujettie par les quartiers résidentiels modernes et sans vie, les vastes hangars dédiés aux marchandises ou bien ce fameux parc d'attraction que l'on ne verra d'ailleurs jamais, mais qui est pourtant la première chose sur laquelle on tombe en faisant une recherche Gogole. Le décor est planté, et on assite aux ravages infligés par l'empire de l'hyper vitesse sur l'humanité, en l'occurrence une bande de jeunes padouans tous liés d'une façon ou d'une autre. Graphiquement, c'est très expressif. Les personnages sont tous des citoyens lambdas, "anesthésiés par l’ennui et l’alcool Spritz, les réseaux sociaux et les relations amoureuses désastreuses" ainsi que le présente effectivement l'éditeur. Mais loin d'être un "portrait froid" (ainsi que le présente AUSSI l'éditeur), il s'agit bien d'avantage d'un portrait lucide et attachant, sans concession à une quelconque esthétique, qu'elle soit physique ou morale, parce que les protagonistes de cette histoire chorale sont touchants jusque dans leurs bassesses. Aucun d'entre eux n'a véritablement le profil d'un jeune premier, pas plus qu'un physique avantageux. En outre, on est loin des clichés sur les italiens si l'on veut bien faire exception du langage manuel fleuri de l'un des personnages. Miguel Vila, dont il s'agit ici de la première BD publiée, les croque dans des situations souvent délicates, honteuses et peu flatteuses. Les gestes sont d'autant mieux saisis que la mise en case même renforce cette vive impression de mouvement. En effet, le découpage est très dynamique, s'attardant sur des détails tels qu'une chute de vélo ou un baiser, décomposés soudain en une dizaine de cases, rondes ou bien carrées, et de formats variés. Quant à l'histoire, disons plutôt aux histoires, il ne faut pas attendre un scénario linéaire, une fin conclusive ou bien encore un épilogue moraliste. Rien de tout cela, mais plutôt des bouts d'existences écorchées, des boues de vie. Des portraits en somme que la société et le contexte géographique morne se chargent bien d'encadrer et Vila d'encaser. Ca m'a beaucoup plu, que ce soient les procédés narratifs ou bien le dessin. Padovaland a su m'offrir un moment de lecture vivant, mené à un rythme alerte qui pourra évoquer, pour cellezéceux qui l'ont vu, le splendide film de Sean Baker The Florida Project.

31/03/2022 (modifier)