Res Publica

Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)

L'élection d'Emmanuel Macron lance un assaut néolibéral comme notre pays n'en a jamais connu. Cinq années de guerre sociale racontée par deux citoyens témoins de leur temps.


David Chauvel Documentaires Luttes des classes & conflits sociaux Politique

« Qui a du fer a du pain. » écrivait Blanqui en 1851. Presque deux siècles plus tard, les Français ont dû avoir recours à l'un pour conserver l'autre. Dernier pays occidental à ne pas avoir plié sous le joug néolibéral, la France a dû livrer une bataille parfois sanglante pour ne pas se laisser laminer par le fameux projet d'Emmanuel Macron. Ce livre raconte ces cinq années de résistance.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 09 Février 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Res Publica © Delcourt 2022
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)
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03/03/2022 | PAco
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Par gruizzli
Note: 4/5
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J'ai une question : avez-vous déjà eu envie de tuer quelqu'un ? Non ? Alors ne lisez pas cette BD, ce serait dommage de vous donner des envies de meurtres. Bon, commençons directement par le problème, le gros, l'énorme : c'est lourd à lire ! Lourd comme pas permis, parce que la BD utilise très peu le médium BD. En terme de documentaire, c'est des pavés de textes accolés à des images illustratives. Quelques passages permettent de rajouter une couche d'explication ou un léger décalage avec ce qui est dit, dans un effet de renfort ou d’atténuation du propos. Mais c'est franchement très mince, et à peu de choses près la BD aurait pu sortir en pavé de texte, pas grand chose n'aurait été perdu. Ajoutons que la présentation en pavé massif étale la lecture dans le temps, ce qui n'est pas forcément un problème au vu de la quantité d'informations à ingurgiter, mais prévoyez deux semaines de lecture intensive. Maintenant que ce gros écueil est passé, disons que la BD est le genre qui nous laisse avec un gout d'amertume dans la bouche. Une amertume envers un système, une idéologie et un homme qui l'incarne : Emmanuel Macron. Je pensais pas que quelqu'un détrônerait Sarkozy dans la première place du podium des gens que je déteste, mais Macron l'a réussi. Et cette BD a confirmée cette position avec force ! Il y aurait beaucoup trop à dire, la BD regorge d'informations en tout sens, autant sur le personnage que sur le mandat. Et l'accumulation est une catastrophe ! Le saccage de la France et des acquis sociaux, la pauvreté revenue en force, le mépris, la violence, les luttes. On se rappelle les Gilets Jaunes, mais tant d'autres choses se sont passées depuis que c'est en presque un modèle. On dirait le règne de Louis XIV, avec une jacquerie tout les ans ! Et en même temps, quel commentaire implacable de toute l'horreur de la Macronie. Il y aurait trop à en dire pour un simple avis, mais je suis assez sidéré que tout ça se déroule aujourd'hui, et qu'un gouvernement continue de croire en ses propres mensonges. L'image finale est parlante, l'épouvantail Macron gardant un champ de pièces qui sera moissonné par des gens qui n'en ont certainement plus besoin. C'est fou, c'est ubuesque et c'est glaçant. Parce que ce que je retiens de tout ça, c'est les morts, les blessés, les condamnés, tout ceux qu'on a laissé mourir dans la cinquième puissance mondiale parce qu'il ne faut surtout pas partager le pognon. Quelle cruauté de leur part, quel manque d'humanité. Comme je le disais au début, a la lecture (qui m'a énervée comme jamais) on a des envies de meurtres et des claques qui se perde. Alors à tout ceux qui auraient de telles envies après lecture de cette BD, rappelez-vous les paroles de McCirculaire : "Il y a des envies de meurtres et des claques qui se perdent, Mais je sais que ça éclabousse quand tu frappes dans la merde."

22/02/2024 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
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Scénariste prolifique plus habitué aux séries populaires au long cours, dont la dernière en date est l’époustouflant Les 5 Terres, David Chauvel tente une incursion dans la BD documentaire, et le moins que l’on puisse dire, c’est que « Res Publica » constitue une vraie réussite. Le seul précédent en la matière de la part de cet auteur remonte à 2007, où il avait participé au recueil choral Paroles sans papiers. Pour ce faire, Chauvel, s’est appuyé sur une documentation très fouillée, toutes les sources étant mentionnées sur cinq pages en fin d’ouvrage ! Un véritable travail journalistique pour tenter de comprendre comment le mouvement des Gilets jaunes est apparu et pourquoi il a débouché sur les confrontations parfois très violentes que l’on sait. Si la taille de l’objet et sa densité peut effrayer au premier abord, le talent du scénariste qu’est David Chauvel rend la lecture parfaitement lisible. La bonne idée est d’avoir découpé le livre en 13 actes, clin d’œil judicieux au mouvement qui nommait ainsi les dates de manifestations, chaque introduction faisant apparaître moult citations d’Emmanuel Macron, parfois édifiantes et non dénuées de contradictions. La ligne claire réaliste et sobre de Kerfriden, qui s’appuie sur des photos ou des vidéos d’actualité, fait le reste, totalement adapté au propos. Bénéficiant d’une mise en page assez variée, ce docu-BD, en noir et blanc… et jaune (logique, non ?), nous fait revivre les événements de façon très détaillée. Tout y est, absolument tout, et l’on revoit parfois avec effroi ces images d’une violence terrible — car si la violence était le fait d’une petite partie des Gilets jaunes, celle des forces de police se déchaînait bien souvent contre des manifestants pacifistes qui ne faisaient qu’exprimer leur désir d’une vie meilleure et leur opposition au projet néolibéral et antisocial de Macron —, des images désormais rentrées dans l’inconscient collectif français à force de passer en boucle sur les chaînes TV ou les réseaux sociaux. La seule chose qui change est la perspective, très différente de celle adoptée à l’époque par les grands médias, surtout nationaux, qui ont la plupart du temps manqué d’objectivité, aveuglés par un déni stupéfiant. Et c’est bien là que réside la réussite de l’ouvrage. Car en ayant opté pour la restitution factuelle des événements, David Chauvel s’efforce de livrer une analyse objective et chiffrée derrière des images qui parlent pour elles-mêmes, distillant tout au plus une légère ironie dans ses commentaires plutôt que de se livrer à une diatribe violente contre le pouvoir, ce qui à l’évidence aurait rebuté une partie des lecteurs et risquait de décrédibiliser son travail. En guise d’hommage aux Gilets jaunes, assimilés par le discours médiatique dominant à une meute enragée et stupide, les auteurs leur donnent un visage en glissant dans la narration deux portraits d’anonymes : Alain et Vanessa, qui racontent leur parcours et comment ils ont été gravement blessés ou mutilés alors qu’ils ne constituaient aucune menace. Difficile de ne pas ressentir de l’empathie pour cet homme et cette femme, bien loin des clichés que le déni médiatique tentait alors de faire pénétrer dans les esprits. En effet, on a pu mesurer la panique qui s’est emparé des milieux de pouvoir face à ce mouvement de révolte spontané et insaisissable, souvent décrédibilisé par une assimilation outrancière à l’extrême-droite. On était presque interloqué par sa réaction violente, qu’il s’agisse des tirs de LBD et lacrymogènes ou du mépris des éditocrates politico-médiatiques. Par exemple, Luc Ferry, qui réclamait une intervention de l’armée, BHL, plus à l’aise pour défendre la veuve et l’orphelin sous les feux de la rampe, de préférence à l’international, Cohn-Bendit ou Romain Goupil, pourtant issus du mouvement de mai 68. L’ordre bourgeois, qu’il soit néo ou antique, semblait trembler de tous ses membres. De façon pertinente, David Chauvel rappelle ce qu’est la démocratie, explique la différence entre démocratie directe, revendiquée par les Gilets jaunes par le biais du fameux RIC, et démocratie représentative, celle que l’on connaît et qui verrouille toute prise de décision citoyenne. Ainsi, le livre cite les propos du philosophe Jacques Rancière qui affirme que « ce qu’on appelle crise de la démocratie a très peu à voir avec la démocratie, c’est vraiment une crise du système représentatif, en tant que tel, et qui atteste, d’une certaine manière, qu’il y a très peu de démocratie dans ce système. » Respectueux de la chronologie des événements, ce documentaire très complet évoque évidemment l’irruption début 2020 de la crise sanitaire liée au Covid-19, peu de temps après le mouvement syndical de décembre contre le projet de loi sur la réforme des retraites. Le mouvement des Gilets jaunes semblait alors déjà à bout de souffle, et le virus, allié involontaire du gouvernement Macron, aura définitivement mis un coup d’arrêt à cette révolte citoyenne, renvoyée à son statut d’invisibilité. Chauvel en profite pour traiter pêle-mêle de l’emprise financière sur la gestion des affaires politiques (via notamment le fameux gestionnaire d’actifs Blackrock), la collusion des grands labos pharmaceutiques avec certains ministres (n’est-ce pas, Madame Buzin ?) dont beaucoup se sont considérablement enrichis dans le privé avant d’être recrutés par Macron. De même, l’auteur revient sur la casse des services publics, et plus particulièrement la crise des hôpitaux, laquelle n’aura fait que ressortir avec plus d’âpreté lors de l’apparition du virus. L’image marquante de l’album est incontestablement celle, fort bien trouvée, de Macron, grimé en épouvantail alors qu’il était comédien amateur (vidéo disponible sur youtube), une image qui résume à elle seule le personnage et utilisée par Kerfriden comme un gimmick qu’il décline avec jubilation en représentant le président les bras en croix, veillant sur un immense champ de pièces de monnaie en guise de conclusion… Certes, le livre est dense et exigeant, mais la bande dessinée, ce n'est pas que des petits mickeys, c’est du sérieux aussi ! Ce mode d’expression possède cette fonction pédagogique d’insuffler un aspect ludique dans les sujets les plus rébarbatifs, n’empêchant en rien la réflexion, tant s’en faut, pouvant même apporter à un propos austère de la nuance voire de l’émotion ou de l’humour par le biais du dessin. En conclusion, « Res Publica » s’avère un documentaire urgent et salutaire en cette période pré-électorale, et même lorsque les jeux seront faits, ce livre demeurera assurément comme une œuvre historique de haute volée, témoignage passionnant de notre époque trouble.

26/03/2022 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
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En ces temps troublés mais surtout normalement dévolus à une certaine campagne électorale, cet ouvrage apparait comme LE coup d'oeil dans le rétro nécessaire pour embrasser toute l'ampleur du "projet" de Macron appliqué depuis bientôt cinq ans (néologisme néolibéral pour main mise sur l'argent public au profit du privé et la casse sociale qui va avec). Ce pavé de plus de 320 pages (qu'il serait dommage d'utilisé en manif) vous donnera pourtant envie d'empaler ce triste sire qui, derrière ses beaux discours et sa tête de gendre idéal, applique une politique néolibérale redoutable qui détricote le service public français au nom de la rentabilité en faisant payer l'addition aux plus démunis d'entre nous. Vous me direz que tout cela est bien partial, certes. Mais cet album s'il dénonce cet état de fait s'appuie sur des chiffres, des citations des intéressés eux même, des articles, des interviews et autres rapports d'organismes nationaux ou internationaux. David Chauvel nous livre ici le résultat d'un travail de recherche titanesque mais sans appel. Après un rappel de ce qu'est le néolibéralisme et son histoire, il nous retrace l’ascension et l'ambition de notre président actuel, la mise en place de sa politique et son bilan. C'est plutôt édifiant quand on met effectivement bout à bout tout ces événements qui auront plongé la France dans un mouvement de contestation sociale tel qu'elle n'en avait pas connu depuis 1968 et qui aura été réprimé par une violence policière sans précédent. Oups, non, "les violences policières" n'existent pas... (L'ignorance c'est la force, la guerre c'est la paix, blablabla...). Que ce soit la crise des gilets jaunes, celle du covid, tout est passé au crible et couché de façon quasi chirurgicale par le trait réaliste et froid de Malo Kerfriden. Son coup de crayon quasi photographique tout en noir et blanc, juste rehaussé de jaune pour bien mettre en valeur certains contrastes ou "détails" fait mouche et joue pleinement son rôle. Voilà un album qui demande de l'attention et que vous ne risquez pas d'avaler en dix minutes (il m'aura fallu quelques jours pour en venir à bout) mais qui en ces temps où notre très cher Macron se présente en "sauveur" se révèle indispensable pour ne pas oublier SON "projet" pour la France (ou plutôt pour les premiers de cordée) et les risques encourus s'il enchaîne un deuxième quinquennat.

03/03/2022 (modifier)