L'Âge d'eau

Nous sommes en France, l'eau est montée et il n'y aura pas de décrue. Face à ce nouveau phénomène, beaucoup de populations sont déplacées et survivent comme elles peuvent sur les terres émergées ou apprennent « à flotter ». Les grandes villes, comme les grands pôles industriels, sont, quant à eux, systématiquement entourés de digues et soumis à des normes sanitaires. Face à l'insalubrité potentielle de ces modes de vie « hors des digues » et au danger qu'ils représentent, les autorités invitent ces populations à venir rejoindre au plus vite les centres d'hébergement d'urgence construits à la chaîne, sous peine de perdre certains de leurs droits citoyens.
Crues et inondations Les Meilleurs Diptyques Les prix lecteurs BDTheque 2022 Nouveau Futuropolis
Une famille, qui a vu son habitat noyé par la montée des eaux, refuse d'obéir à l'injonction gouvernementale. Ils vivent sur une maison flottante. Jeanne, la mère, préfère cette liberté. Jeanne a deux fils, Hans et Groza, et un chien médium. Groza, un ancien CRS, traumatisé par son passé, ne parle plus que par onomatopées et a développé l'étrange manie de vouloir régler tous les problèmes. Hans vit une séparation douloureuse avec la mère de sa fille Vinee. Ils cherchent un lieu émergé où ils pourront vivre en paix, et sont prêts à lutter contre la nature déchaînée mais aussi contre les hommes, capables des pires bassesses pour survivre à ce monde en mutation. Un récit d'anticipation aux préoccupations très actuelles et personnelles, dont les deux tomes nous mènent dans des Pays de la Loire noyés par la montée des eaux.
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Date de parution | 12 Janvier 2022 |
Statut histoire | Série terminée 2 tomes parus |
Les avis

Je viens de relire le premier tome de L'âge d'eau. On est enveloppé par l'humanité qui se dégage de ce récit, on sent aussi l'inquiétude de son auteur, préoccupé par l'état du monde actuel et celui à venir, mais le poète continue de nous émerveiller avec ces planches superbes, cette façon tendre et chaleureuse de croquer ses personnages au détour de quelques mots ou de brefs regards échangés. L'histoire se situe dans les Pays de la Loire, les terres sont en grande partie submergées, mais ici ou là, quelques individus s'obstinent à vivre au fil de l'eau et tentent d'échapper aux fonctionnaires zélés du gouvernement qui voit d'un mauvais œil ces brebis égarées. Au chaos du monde et à une sécurité relative (face à la montée des eaux, la plupart préfèrent se regrouper derrière des digues de plus en plus hautes et suivre sans broncher les directives d'un gouvernement de plus en plus autoritaire), Flao oppose l'espoir, la volonté farouche de liberté de ses personnages et la poésie. De l'aveu même de son auteur, l'écriture du tome 2 ne fut pas facile, Flao a cherché longtemps le bon angle avant de poursuivre son histoire, mais j'ai hâte de retrouver Hans, l'intrépide activiste, son frère, Gorza, un gentil géant taiseux et leur compagnon, un intrigant chien bleu, semblant venir de temps immémoriaux, magnétique narrateur de ce récit qui observe avec sagacité et magnanimité les personnages qu'il est amené à croiser et qui nous donne à voir la beauté vibrante du monde. Et ça tombe bien, le tome 2 sort bientôt ! Edit tome 2 : Cet album va probablement diviser, mais j'ai trouvé cette conclusion réussie. Au début, j'ai eu peur que Flao se perde et nous perde avec lui, mais à l'arrivée, les nuages se sont dissipés (à l'image des horizons éclatants de la dernière partie) et j'ai été pris une fois de plus par ce voyage au fil de l'eau. Il y a des cases somptueuses, de véritables peintures, des situations cocasses (deux ou trois scènes franchement drôles ), un parti pris politique qui pourra agacer ou interpeller, c'est selon, on sent que l'auteur s'intéresse aux diverses formes de résistance, de contestation qui ont commencé à émerger ici ou là. J'ai aimé la vision crédible qu'il donne de ce monde non pas post-apocalyptique, mais simplement de notre monde tel qu'il pourrait l'être bientôt, j'ai aimé comment il a visiblement nourri son œuvre de ce qu'il a déjà observé au cours de ses multiples voyages à travers le monde et ce n'est pas la moindre des qualités de L'âge d'eau que de réinventer le carnet de voyage à travers ce récit d'anticipation. Son expérience de voyageur irrigue L'âge d'eau. La vision de ce que nous deviendrons bientôt peut-être se mêle à ce qu'il a déjà observé ailleurs et ces moments, ces lieux qui s'entremêlent collent parfaitement à son récit qui souligne les liens quasi sacrés entre toutes les manifestations du vivant depuis les origines de notre monde. Flao nous livre donc un témoignage sensible. Voyageur toujours sur le départ, assoiffé de grands espaces, il nous livre sa vision forcément inquiète du monde actuel, mais à l'image de ces cases lumineuses, il semble nous dire que l'espoir est toujours là, que nous pouvons encore changer, selon nos rêves et nos aspirations, notre rapport au monde.


Un titre très poétique (et accrocheur !), et parfaitement raccord avec le contenu. En effet, l’intrigue se développe « au fil de l’eau », dans un univers post-apocalypse, l’eau recouvrant une bonne partie des territoires, qu’il faut en partie évacuer. Au milieu de cette inondation géante, nous suivons deux frères et leur chien (bleu !), ainsi qu’une ado rebelle. Le rythme est très lent, comme le cours d’un fleuve, et il ne faut pas chercher ici d’actions trépidantes. D’autant plus que, de façon récurrente, de pleines pages (souvent superbes !) coupent le récit, pour des digressions poétiques. Un rythme lent, mais aucun ennui ne à l’horizon. Car l’histoire est captivante justement par son côté « planant ». Mais aussi par toutes les réflexions philosophiques, poétiques qui l’irriguent (et le chien n’est pas le dernier dans ce domaine !). Les deux frères sont dépareillés, l’un molosse taciturne et ne s’exprimant que par râles ou borborygme, l’autre dynamique et déterminé. Le monde semble dans un état désespéré, désespérant, mais on se plait à voir des hommes vivre pleinement, sans entrave ni attache. Le dessin de Benjamin Flao est vraiment très bon, et très beau. La plupart des planches ont un rendu assez old school, avec ce dessin et cette colorisation qui font penser à Pratt – avec des personnages moins anguleux. Et d’autres planches qui ont l’aspect de peintures abstraites. Un très beau récit en tout cas.


Après nous avoir subjugués il y a dix ans avec son chef d’œuvre Kililana Song, Benjamin Flao serait-il en train de transformer l’essai ? Témoin talentueux de notre monde en décomposition, Flao signe une histoire alimentée par les grandes peurs du moment, notamment celle de la montée des eaux liée au changement climatique, dont on a pu constater cette année une sorte d’emballement avec des canicules et une sécheresse hors-normes. L’histoire se déploie sur deux axes narratifs parallèles, l’un qui permet de suivre les membres d’une famille qui tente de s’adapter au nouveau contexte climatique, le pays étant submergé par des eaux qui semblent ne pas vouloir retrouver leur niveau d’avant la crue. La seconde ligne narrative, elle, nous dévoile les états d’âme d’un drôle de chien bleu très attaché à ses « maîtres », un chien qui observe à l’aune de ses sensations primales et qui rêve, de sa vie antérieure, en humain peut-être, un chien poète qui vit le temps présent, « acceptant la dissolution du monde », et se souvient, assailli de visions des temps anciens « où tout brillait d’un même éclat, (…) où tout n’était que pure fréquence », bien avant « le grand engourdissement du monde ». Cette structure fonctionne très bien, les deux modes de récit se relayant l’un et l’autre tout au long du livre, apportant une respiration bienvenue. Deux styles en contraste permanent, l’un plus accessible, à la fois réaliste, linéaire et choral, succédant à l’autre, plus onirique et poétique. On suit donc cette famille quelque peu éparpillée, Hans le baroudeur divorcé aux faux airs de Blueberry qui se remet mal d’une peine de cœur, sa mère Jeannes, qui erre de cabane en cabane le long du « fleuve » pour échapper aux hélicoptères du gouvernement, sa fille Vinee, étudiante et punkette en révolte qui rejette le « nouveau » monde qu’on lui propose, et enfin, le grand frère de Hans, Gorza, géant bourrin et simplet mais d’une gentillesse touchante que rien ne semble corrompre, peut-être le personnage le plus attachant du récit. Dans la description de ce monde violent, à peine plus que celui que nous connaissons car il n’en est que le prolongement imaginaire, vient s’ajouter une réflexion politique sur son devenir. Comme le constatent avec dépit Vinee et sa nouvelle amie Safia, la crue n’a rien changé, elle n’a même pas réveillé les esprits… C’est l’inverse qui se produit, et « la peur, c’est toujours elle qui parle en premier… Quand la nature envoie un signal, l’Homme ne comprend jamais le message. » Des propos qui font étrangement écho à ce que nous vivons actuellement… Cela étant, Flao nous offre une note d’espoir en montrant cette communauté — qui rappelle quelque peu les mouvements zadistes voire les Gilets jaunes —, redécouvrant les bienfaits de la solidarité et de l’entraide dans ce contexte « post-apo », où les autorités n’ont pas abandonné leur volonté de contrôle de la population. On adore toujours autant le dessin de Benjamin Flao à l’assurance un brin rageuse, plus âpre dans les scènes d’action, plus débonnaire dans les scènes calmes. Ses personnages, tous très bien campés, possèdent de vraies gueules. Flao les dépeint de façon si réaliste qu’on finit par se persuader qu’ils existent vraiment – ou au mieux, de les avoir croisés quelque part. Dans un style très différent, les passages oniriques dévoilant les pensées du chien bleu sont de toute beauté. Dans des tons souvent bleutés, à la fois sombres et lumineux, les superbes aquarelles nous emportent vers des sphères insoupçonnées et des espaces infinis que chacun, bercé par les mots apaisants de l’animal, pourra interpréter à sa guise. En revanche, tout le monde ne pourra être que d’accord sur le fait que ce voyage intérieur vers un passé immémorial est tout simplement magnifique. Assurément, Benjamin Flao est un auteur que l’état du monde désespère et qui cherche à travers son œuvre une issue de secours. Avec « L’Âge de l’eau », il a fermé les yeux très fort et a pris de le la hauteur, beaucoup de hauteur, pour dompter son désespoir. De ces sommets, il en est revenu avec ce récit d’anticipation quelque peu « westernisant » qui révèle très vite sa richesse intrinsèque. Pouvant paraître anxiogène au premier abord (on pense beaucoup à « La Terre des fils » de Gipi), l’histoire trouve son équilibre grâce à ses visions mordorées qui laissent un arrière-goût de merveilleux. Un arrière-goût de reviens-y aussi, et c’est tant mieux car ce n’est là que la première partie d’un diptyque annoncé.


C'est un vrai plaisir de retrouver Benjamin Flao avec en prime un album qui prend pour cadre ma région dans un futur plus ou moins proche. Sans qu'on en connaisse la réelle raison, l'eau a pris ses aises et envahie une grande partie des territoires, tant dans les villes que dans les campagnes. C'est son heure (L'âge d'eau !) et l'espèce humaine doit s'adapter à sa prédominance. C'est par le prisme du personnage de Hans, fils de la vieille Jeanne, frère de l'étrange Groza et père de la rebelle Vinee, que nous allons découvrir un monde bouleversé en pleine adaptation. Les grandes villes sont protégées par des digues et des mesures sanitaires strictes quand le reste de la population doit apprendre à (sur)vivre en flottant. Mais quand les autorités commencent à imposer à ces populations de venir s'installer dans les centres d'hébergement urbains, les tensions montent face à ce qui est pris comme une nouvelle privation de liberté. Et puis au dessus de tout ça, jouant les narrateurs inattendus, il y le chien bleu de Hans qui apporte une touche mystique et mystérieuse à ce récit inscrit dans une rude réalité future... La force de cette nouvelle série tient de nouveau dans cette capacité qu'a Benjamin Flao à imposer des ambiances et des personnages. La majestueuse couverture de l'album pause déjà les pilotis d'une série où la nature reprend ses droits de façon majestueuse. La bêtise crasse de notre espèce n'est jamais loin non plus, mais heureusement la bonté d'âme et le bon sens n'ont pas dit leur dernier mot. Tout cela prend vie et s'égaye sous le trait nerveux de l'auteur de très belle façon avec ces magnifiques pleines pages très poétiques qui surgissent au fil du récit. Une nouvelle fois Benjamin Flao sait embarquer son lecteur dans un récit sensible qui questionne notre façon de vivre.
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