Les Fleurs rouges (Akai Hana)

Note: 4.5/5
(4.5/5 pour 2 avis)

Recueil de 12 nouvelles graphiques parues entre 1967-1968. Second tome (dans l'ordre chronologique) de l'anthologie consacrée à Yoshiharu Tsuge.


Garo Gekiga Seinen Seirin Kôgeisha

Au début des années 60, Yoshiharu Tsuge commence à collaborer à la mythique revue Garo qui se décrit alors comme un « lieu d'expérimentation de soi ». Il y développe des bandes dessinées d'un genre nouveau où autobiographie et fiction s’entremêlent délicatement pour faire surgir dans le récit une forme d'authenticité inédite. Cette approche avant-gardiste est appelée watakushi manga : « la bande dessinée du moi ». Dans cette manière moderne de construire la narration, la psychologie des personnages est placée au centre du récit et le décor devient un élément narratif à part entière. Le rêve et le voyage, qui conjuguent réalité personnelle et construction imaginaire, deviennent des sources d'inspiration majeures pour Yoshiharu Tsuge, qui s'ouvre de plus en plus aux impulsions de son inconscient, sans jamais abandonner un humour distancé.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 07 Février 2019
Statut histoire Histoires courtes 1 tome paru

Couverture de la série Les Fleurs rouges © Cornélius 2019
Les notes
Note: 4.5/5
(4.5/5 pour 2 avis)
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28/03/2020 | grogro
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Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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La réédition de l'intégralité des œuvres de Tsuge par Cornélius est une bénédiction. De cet auteur obscur, longtemps opposé à toute tentative de traduction des ses œuvres, on connaissait uniquement l'édition de L'homme sans talent parue chez Ego Comme X en 2004. La lecture de ce manga m'avait alors enchanté, moi qui ne suis pas très versé dans la bande dessinée japonaise au sujet de laquelle je suis longtemps resté cantonné dans mes a priori. C'est donc non sans une certaine curiosité que j'ai entamé ce premier tome rassemblant les nouvelles graphiques de Tsuge parue entre 1967 et 1968. Il faut signaler que l'édition de ses œuvres n'est pas appelée à suivre nécessairement un ordre chronologique, mais qu'elle réunit plutôt les nouvelles par "période", chacun des 7 volumes (4 restant à paraitre) prenant le titre d'une nouvelle en particulier, soit parce qu'elle est caractéristique de la dite période (c'est le cas ici), soit parce celle-ci marque un tournant dans l’œuvre de l'auteur (c'est le cas par exemple du volume 2 intitulé La vis). Cela étant dit, il convient de saluer la qualité exceptionnelle de cette édition. Couverture rigide, épaisse, belle jaquette repliée sur elle-même (ce qui renforce l'impression de solidité du papier), présence d'un signet en tissu incorporé au tranchefil, reliure cousue, papier de qualité... L'objet est très beau et agréable à lire. S'ajoute à cela un appareil critique de qualité, de nombreuses traductions émaillant les pages (même les onomatopées sont traduites) ainsi qu'un petit corpus de notes en fin d'ouvrage fournissant d'utiles précisions culturelles ou sociales sur certains aspects évoqués dans le livre. Merci donc à Cornélius pour ce magnifique travail ! Intéressons-nous à l’œuvre en elle-même maintenant. Exception faite de la deuxième nouvelle de ce volume (Plein soleil) qui m'apparait inexplicablement sans grand intérêt tant graphique que narratif, les histoires qu'il contient sont renversantes... Tout d'abord, le dessin de Tsuge, bien que réalisé il y a plus de 50 ans, apparait encore aujourd'hui d'une modernité impressionnante. Le travail sur les ombres est remarquable par sa simplicité, et le soin apporté aux paysages est tout bonnement estomaquant. La narration quant à elle est ici élevée au rang de science tant elle peut compter sur un découpage dynamique. On est très loin du traditionnel gaufrier, encore très en vogue à l'époque. Et puis ce dessin, simplissime, efficace, immédiatement déchiffrable, ne dévoile que le strict nécessaire, abandonnant volontairement le reste à la pudeur de par la grâce de son trait. Tsuge donne au fil des pages une leçon de dessin magistrale. Le dessin est frais, les visages sont très expressifs, et la composition des cases confine à l'art de l'estampe. La force de ces histoires de trois-fois-rien réside dans la puissance de suggestion de l'auteur. Il faut lire la très métaphorique nouvelle éponyme pour s'en convaincre : arrivé à la dernière case, je n'ai pu m'empêcher de lâcher un "wow !" de sidération. Tour à tour poétiques, drôles, voire burlesques, parfois dramatiques, ces nouvelles nous plongent dans un Japon qui, bien qu'encore fortement empreint de tradition, et sur lequel Tsuge jette un regard d'une infinie tendresse, connait alors une vague de libération des mœurs. La nouvelle intitulée Paysage de bord de mer, traitée un peu à la manière de la Nouvelle Vague, est particulièrement significative de cette tendance. Je suis loin d'être un spécialiste du Japon, un pays dont j'ignore à peu près tout, mais je sais que ce manga m'a ému, entre autre raison parce qu'on éprouve cette sensation de basculement d'un monde à l'autre. Je l'ai dit au début, le manga n'est pas mon truc. A part L'Homme sans talent, je n'avais lu que Quartier lointain de Jiro Taniguchi, ou peu s'en faut. Désormais, il serait plus juste d'écrire que le manga N'ETAIT PAS mon truc. Là réside le moindre des mérites des Fleurs rouges, une œuvre monumentale, dense et rêveuse. Aussi, pour cette année vingt vingt déjà bien entamée, je me suis concocté un petit programme de rattrapage comprenant la lecture des œuvres d'Asano, Urasawa, Mizuki ou bien encore Mochizuki. On m'aurait dit ça il y a encore six mois, je vous jure que je m'en serais froissé une côte de rire. Comment c'est déjà le truc qu'on dit avec les avis des imbéciles ?...

28/03/2020 (modifier)