Les Cent Nuits de Héro (The One Hundred Nights of Hero)

Note: 3.88/5
(3.88/5 pour 8 avis)

Isabel Greenberg revisite le conte pour mieux en révéler la puissance. Elle en profite pour battre en brèche les clichés sur le rôle de la femme et les normes sociales, mais n’en oublie pas pour autant l’amour…


Auteurs britanniques Casterman Féminisme Futurs immanquables Gays et lesbiennes La BD au féminin Les meilleurs comics One-shots, le best-of

Sur la Terre des débuts, les humains vivaient heureux, sans contrainte, comme au paradis. Jusqu’au jour où le dieu Homme-Aigle prit le contrôle de ce monde, outré du fait que ses habitants ne vénéraient aucune divinité et semblaient s’ennuyer. Il leur donna la parole et l’écriture, ce qui les fit très vite passer vers une ère de progrès. Pourtant, s’il introduit dans le cœur des humains l’ambition et la haine, le dieu n’avait pas prévu qu’ils connaîtraient également l’Amour, une menace pour le monde qu’il avait organisé à sa manière, mais peut-être aussi l’occasion de raconter de belles histoires… notamment celle de deux jeunes femmes éperdument amoureuses l’une de l’autre, Héro et Cherry. Vous découvrirez la trahison, la loyauté, la folie, de mauvais maris, des amants fidèles et infidèles, de sages veilles biques, des lunes qui descendent du ciel, des instruments de musique au franc-parler, des amis, des frères, des pères, des mères et par-dessus tout, beaucoup, beaucoup de sœurs.

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 22 Février 2017
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Cent Nuits de Héro © Casterman 2017
Les notes
Note: 3.88/5
(3.88/5 pour 8 avis)
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27/05/2017 | Blue Boy
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Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Cacal69

Les Cent Nuits de Héro modernise le conte tout en en gardant l'essence. Un "Mille et une nuits" nouvelle formule. Je découvre Isabel Greenberg et je ne suis pas déçu. Elle a énormément de talent. Cherry est l'épouse de Jérôme mais celui-ci la délaisse et c'est ainsi qu'elle a pu conserver sa virginité. Héro est bien plus que sa servante, elle est son amante, elles s'aiment d'un amour véritable. Suite à un pari, son mari va laisser son épouse en compagnie de Manfred pendant 100 jours et il va tenter de la séduire pour la déflorer, quitte à la prendre de force. C'est là que le talent de conteuse d'Héro intervient. La narration est la qualité première de ce comics, elle est maîtrisée avec une petite touche d'humour et des dialogues savoureux. J'adore tous ces petits astérisques qui interpellent directement le lecteur. L'amour est le thème central du récit, il sera cuisiné à toutes les sauces, de la aigre-douce à la piquante. Un récit qui mettra à mal la religion et son obscurantisme, ainsi que la misogynie des hommes, enfin de certains hommes. Un récit pour ne pas oublier les progrès réalisés pour les droits des femmes et que rien n'est jamais acquis. Toujours à devoir se battre, et c'est bien là le problème. Le dessin dans un style "caricatural" au trait charbonneux me plaît beaucoup. Il ressemble par certains aspects à ceux du moyen âge. La colorisation austère accentue l'atmosphère pesante qui plane le long du récit. Une merveille ! Un gros coup de cœur.

06/07/2022 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Étrange, originale, et en tout cas très agréable à lire. Voilà ce qui me vient à l’esprit pour qualifier cet album. Deux femmes, Cherry et sa servante Héro s’aiment – en des temps où cela est inconcevable – et surtout l’une d’entre elle, Cherry, doit échapper à la cour envahissante, agressive d’un homme, qui cherche à gagner un pari avec son mari (la séduire en moins de cent nuits). Les deux femmes ont alors une idée : Héro va gagner du temps, en racontant à notre homme, envoûté par son talent de conteuse, une série de contes. On le voit, Héro est une Shéhérazade revisitée. Ce qui domine dans l’histoire centrale, mais aussi dans la plupart des contes narrés par Héro, ce sont l’amour (envers et contre tous et tout), mais aussi tout ce qui peut le contrarier, tout ce qui peut empêcher des êtres de se réaliser, d’être libre, certaines formes d’obscurantisme (comme cette histoire où des sœurs sont condamnées à mort simplement parce qu’elles lisent des livres), avec des résonances très actuelles – hélas. Mais ce sont aussi et surtout des personnages féminins qui « mènent la danse », dans les petites ou la grande histoire de cet album. J’ai aussi beaucoup aimé le dessin, et plus généralement le traitement graphique. Le trait est à la fois naïf et fort, accompagné de signes, de formes presque stylisées, qui renforcent le côté sacré, quasi magique de l’ensemble. Il faut dire que l’album débute par un récit des origines, avec une cosmogonie, une mythologie, qui peu à peu laissent place à notre histoire, tout en ne s’en éloignant pas tant que cela. Et le dessin ressemble ainsi beaucoup aux dessins représentants certains mythes amérindiens. En tout cas je le trouve beau et adapté au récit. Bref, on a là quelque chose d’à la fois simple et imposant (il faut y consacrer du temps, l’album ne se lit pas en cinq minutes !). Une chouette lecture.

26/04/2021 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
L'avatar du posteur gruizzli

Je suis un fan inconditionnel des histoires narratives, où toute la force repose sur la narration. Ce genre de BD en est l'exemple parfait, puisqu'elle est, à mon goût, tout l'intérêt d'une narration maitrisée au service de son histoire. J'avais déjà adoré les aventures nordiques de L'Encyclopédie des débuts de la Terre, mais l'auteure à fait fort avec ce nouvel opus. Tout en reprenant les bases de son univers (les dieux, quelques lieux ...) elle développe cette fois-ci une histoire proche de celle de Shéhérazade, mais en traitant de tout autre sujet. A travers les différents contes qui seront racontés, c'est de la place des femmes dans la société, des hommes violents et bêtes, et plus largement de bêtise humaine dont il sera question. Et c'est très bien mené, puisque entre les hommes réellement détestables qui nous sont présentés, quelques autres tempèrent le récit en apportant une touche de justesse et d'humanité bienvenue. Mais surtout, l'accent est mis sur les femmes, dans les récits, avec de nombreux clins d’œil à son précédent ouvrage. Si je n'hésite pas à qualifier la BD de féministe, ce n'est pas tellement ce qui ressort le plus pour moi. Car je retiens avant tout le pouvoir narratif incroyable de ces histoires, de ces récits qui donnent cœur aux idées et changent le monde. J'ai surtout l'impression de lire une BD sur une histoire qui a changée l'ordre du monde, et ça me fait plaisir. C'est le genre de récit où j'ai aimé me laisser guider au son de l'auteure dans ses nombreux récits emboités. Si toutes les histoires n'ont pas le même intérêt, je n'arrive pas pour autant à en considérer comme mauvaises, car chacune apporte son lot de morales, d'idées ou de plaisir. C'est parfois simple, mais jamais simpliste. Et surtout, quel talent dans la narration. C'est bien simple, je suis, devant des histoires de ce genre, comme un enfant écoutant les parents raconter des histoires, avant de s'endormir. Et j'aime réellement cette sensation ! Le dessin est assez semblable à ce que l'auteure avait déjà fait, avec un trait allant à l'essentiel mais qui permet tout de même de faire passer quelque chose. Ce côté presque rupestre parfois donne une coloration antique à un récit résolument moderne, mélangeant les genres pour ressortir tout le sel des histoires. J'ai l'impression de lire des histoires vieilles comme le monde mais racontée par une auteure d'aujourd'hui, avec des dessins d'hier dans un style d'aujourd'hui. Une réelle réussite. Je suis assez enthousiaste, et je passe les quelques défauts que j'ai trouvé (par exemple quelques pointes d'humour parfois forcée dans les astérisques), parce que j'ai réellement apprécié ma lecture. C'est le genre que j'apprécie, et j'aime me replonger dedans de temps en temps, pour retrouver cette petite voix qui me raconte des histoires. On aurait envie d'en avoir encore !

23/06/2020 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
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Inspirée des mille et une nuits, cette série met en scène un monde imaginaire où deux femmes doivent raconter des histoires pour sauver leurs vies. Ces contes ont en majorité pour thème l’oppression de la femme par l'homme dans une société patriarcale, qu'il s'agisse de jeunes femmes sachant lire alors que c'est interdit par la loi des hommes, d'un groupe de conteuses libérant la parole grâce aux récits qu'elles diffusent ou encore de jeunes filles enfermées par leur père et cherchant la liberté en secret par la danse. Et encadrant ces contes, il y a non seulement l'histoire de deux femmes qui s'aiment et doivent se protéger pour vivre leur amour en secret, mais également la mythologie de ce monde créé par une déesse mais où le père de cette dernière a récupéré le pouvoir divin. Bref, beaucoup d'histoires qui se mélangent en une. J'ai aimé la narration claire de ces histoires où les narrateurs s'adressent directement au lecteur. On rentre très vite dans chacun des récits. J'ai un peu moins aimé le graphisme, légèrement naïf, peu détaillé mais surtout encré dans un style un peu brouillon que je n'apprécie pas. Les contes de cet album sont bien mais j'avoue m'être légèrement lassé au fil d'entre eux. Et puis la connerie rétrograde de la majorité des personnages masculins de cette BD est assez agaçante, rendant la grande majorité d'entre eux détestable. J'ai par contre trouvé la fin assez forte avec une jolie touche d'émotion.

27/11/2018 (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
L'avatar du posteur Erik

Je ne mets généralement jamais 4 étoiles à des contes de ce type. Je les trouve généralement trop métaphysique avec des graphismes souvent bizarres. Mais ici, la narration et la mise en scène relève du brio et du talent. Par ailleurs, cet enchaînement de petits contes m'ont réellement séduit. Il y a d'abord ce pays imaginaire qui ressemble à notre monde à une époque passée. Il y a également cette différence de traitement entre les hommes et les femmes. Il y a ensuite la religion qui se mêle au monde parfois pour le pire, rarement pour le meilleur. J'ai bien aimé cette dénonciation à peine voilée de l'obscurantisme. C'est une oeuvre résolument moderne avec un parfum à l'ancienne. Même le dessin m'a plu. Bref, c'est une réussite totale en matière de conte. Le 4 étoile est amplement mérité.

06/04/2018 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Magnifique ! J’ai peur que les mots me manquent pour faire honneur à cet album, surtout après le superbe avis de Blue Boy. La narration alterne entre la trame principale (Héro et Cherry racontant des contes pour gagner du temps) et les contes en question, un peu à la façon des 1001 nuits. Les contes en question sont prenants, poétiques, et tintés d’un féminisme qui ajoute du poids et une certaine originalité au récit. Ici, les deux héroïnes sont lesbiennes, amoureuses, et n’ont pas besoin de prince charmant. Les protagonistes masculins sont pour la plupart possessifs et odieux. Le ton est pourtant très juste, et ne tombe pas dans les clichés féministes. Le dessin typé « nouvelle vague » est superbe, les planches sont belles et la mise en page souvent originale. L’album lui-même est de qualité, grand format, couverture cartonnée… vraiment un bel objet, que j’ai beaucoup de plaisir à revisiter et feuilleter. Un coup de cœur !

19/10/2017 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Gaston

J'avais adoré le premier album d'Isabel Greenberg et j'étais impatient de lire celui-ci. Après lecture, je ne suis pas du tout déçu et cela confirme mon impression qu'elle est une auteure à suivre. On retrouve encore une fois une histoire non seulement remplie de contes, mais qui parle de la transmission de ces histoires ce qui ne peut que me plaire moi qui place la lecture comme passe-temps préféré. L'auteure fait la part belle aux femmes qui ne peuvent lire ou écrire et qui le font en secret. Je trouve tout de même facile de dire que les hommes ne sont dépeints que de manière négative car il y en a tout de même qui ont un rôle positif ou neutre quoique c'est vrai que les machos prennent une grande place. La narration est fluide, les personnages attachants et l'histoire est bien maîtrisée. Si vous avez aimé l'autre album de cette auteure, je ne vois pas comment vous pouvez ne pas aimer celui-ci aussi !

23/07/2017 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue Boy

Avec « Les Cent nuits de Héro », Isabel Greenberg renouvelle de façon originale le conte pour enfants. L’auteure anglaise a conservé les dieux et les châteaux, mais a confiné aux oubliettes les princes charmants… Fini les belles au bois dormant qui se morfondent dans leur baldaquin en serrant amoureusement le pendentif offert par leur tendre époux parti guerroyer… Désormais, les princesses prennent l’initiative en racontant elles-mêmes les histoires, tout en trompant leur mari avec leurs dames de compagnie. Cloîtrées peut-être, mais surtout caustiques, féministes, érudites, et toujours amoureuses, en un mot, modernes. Et comme visiblement Isabel Greenberg raffole du genre, elle a opté pour des contes à tiroirs, faisant ainsi preuve de maîtrise narrative, signe distinctif de tout conteur digne de ce nom. Son trait révèle une certaine gaucherie, qui semble d’ailleurs assumée, laquelle est compensée par une esthétique et des couleurs cohérentes, mais surtout une touche poétique indéniable. Un style qu’on pourrait qualifier de primitivisme moderne, tout en angles, assez austère, accréditant l’idée qu’on n’est pas chez Disney. Définitivement, Greenberg n’a pas destiné ses histoires aux enfants mais plutôt pour un public adulte. On pourrait y voir un pied de nez aux contes traditionnels où le rôle de la femme est réduit à la portion congrue. Tout au long de ces « Cent nuits », le mâle dominant en prend pour son grade et se voit moqué tel un pantin aussi odieux que risible. Certains pourront s’agacer de ce qui peut être vu comme un parti pris éhonté (certes, les hommes y sont rarement dépeints à leur avantage), mais ce serait oublier un peu vite le machisme persistant à l’encontre de la « moitié de l’humanité », ce machisme sédimentaire qui a imprégné depuis si longtemps les esprits et qui souvent est toléré par celles qui en sont les premières victimes, en particulier dans certains pays où un visage féminin non voilé est perçu comme une provocation… Car si heureusement le statut de la femme a évolué depuis plusieurs années en Occident, il a parfois tendance à régresser ailleurs, un constat qui nous rappelle que rien n’est jamais acquis… Peu disposée à accepter cet état de fait, Isabelle Greenberg a choisi de réhabiliter le rôle de la femme. Elle en fait ici des conteuses unies par la même cause : la libération de la parole et la transmission de la mémoire, conditions nécessaires de leur liberté, tout en dénonçant le rôle que l’homme (avec un petit « h ») s’est octroyé abusivement, n’hésitant pas à interdire la lecture aux femmes sous le prétexte fallacieux de la religion. Ainsi, « Les Cent nuits de Héro » allient de belle manière la magie des contes d’antan et le combat féministe.

27/05/2017 (modifier)