Les Mains Invisibles

Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)

L'histoire poignante et dure d'immigrants marocains qui vont tenter leur chance dans une Europe si pleine d'espoir.


Auteurs nordiques Espagne Réfugiés et Immigration clandestine

Rachid quitte sa femme, sa fille et son pays, le Maroc, pour « passer» en Espagne. Dans cette Europe fantasmée, il espère trouver un emploi rémunérateur et offrir une vie meilleure à sa famille. Il n’y trouve pourtant que des salaires de misère, une vie précaire, des travaux de force et une clandestinité qui ressemble à de l’esclavage. De désillusions en trahisons, la quête de ce travailleur acharné et idéaliste l’emmène jusqu’à Barcelone, où elle se conclue. Enfin. Les Mains Invisibles racontent le choc entre rêves de richesse et réalité de l’immigration clandestine, mais aussi l'espoir, la force et les déceptions qui poussent ces hommes à avancer, toujours plus loin. L’auteur aura enquêté plus d’un an, passé plusieurs mois en Espagne et au Maroc et fait des dizaines de rencontres pour amasser la matière de cette fiction ultra-réaliste. Un roman dense et noir en bande dessinée qui dit le vrai de notre temps et dont le lecteur ne sort pas indemne.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 28 Janvier 2015
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Mains Invisibles © Casterman 2015
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

08/04/2015 | bab
Modifier


Par sloane
Note: 4/5
L'avatar du posteur sloane

Une bonne petite claque que cette BD. Petite ou grosse baffe également à toutes celles et ceux qui considèrent encore que l'émigré vient bouffer le pain des Français. Certes il ne s'agit pas ici du même lieu mais combien d'entre nous accepteraient d'être traités comme des esclaves à ramasser des fruits en Espagne. Oui mon propos est sans doute un brin réducteur, quoiqu'il en soit je partage complètement les propos de mon prédécesseur au risque de passer pour un affreux gauchiste ou un vilain altermondialiste. Cette histoire fait à mon sens œuvre plus qu'utile mais, si le thème est dur et les situations dramatiques, cela ne verse jamais dans le pathos de bas étage et à mon sens dans la démagogie. On sent que l'auteur a fait un gros travail de recherche, d'enquête, tant les choses sont précises. Ce n'est pas sur le dessin qu'il faut porter un jugement, il est en tous cas sobre et rudement efficace. Au final une BD à prendre plus comme un constat d'échec des politiques migratoires européennes, un témoignage brut et sans concession que le plus grand nombre devrait lire.

12/08/2015 (MAJ le 12/08/2015) (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
L'avatar du posteur Erik

C’est une bd coup de poing ayant pour thème l’immigration. Ce sujet déchaîne véritablement les passions dans notre pays. Cependant, de la rhétorique xénophobe à la réalité des chiffres : on va être plutôt surpris pour peu que l’on raisonne sereinement. Les chiffres de l'OCDE montrent tout simplement que la France est bonne dernière, et de très loin, dans l'ensemble des pays européens de taille démographique comparable en matière d'entrée d'immigrants. La France stagne, depuis plus dix ans, à quelque 190 000 immigrants qui entrent sur son territoire par an, alors que le Royaume-Uni en accueille plus de 450 000 et que l’Allemagne dépassait, en 2011, les 800 000 immigrants. Même l’Italie et l'Espagne sont beaucoup plus ouvertes que la France. Cela représente en effet chaque année 0,3% de la population française en moyenne, contre 0,6% pour les pays de l’OCDE. C'est également la plus faible proportion d'Europe, rapportée à notre population. Près d’un immigré sur deux est d’origine européenne. L’immigration d’origine européenne est majoritairement portugaise, britannique, espagnole, italienne ou allemande. Ces cinq pays représentent 57 % des entrées d’immigrés nés en Europe. La France n’est pas la première destination des immigrants en Europe mais la cinquième, derrière le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. 63 % des immigrés entrés en France en 2012 sont au moins titulaires d’un diplôme de niveau baccalauréat. 40% des immigrés de plus de 16 ans, non étudiants, entrés en France en 2012, déclaraient avoir un emploi l’année de leur arrivée. La France a enregistré 66 265 demandes d’asile en 2013. C'est près de moitié moins que l’Allemagne (126 995). La France est donc loin de ployer sous le poids des demandes et des réfugiés, comme on l’entend trop souvent. En 2013, 95 196 personnes ont acquis la nationalité française. Par ailleurs, faut-il s'étonner qu'un nombre croissant d'hommes et de femmes aient envie de venir étudier, travailler, investir sur le continent européen ? L'arrivée d'immigrants est un signe évident d'attractivité d'un pays. L'Europe est attractive pour les immigrants, et la France… ne l'est pas. Voilà la triste réalité. Certains spécialistes ont une vision positive de l’immigration. Ils la jugent indispensable, vertueuse pour l’économie et inscrite dans le sens de l’Histoire. Bref, la réalité des chiffres nous permet de relativiser. Au lieu d’aborder les questions fondamentales du partage des richesses et de la réduction des inégalités économiques et sociales, l’extrême droite française - désormais rejointe par la droite - préfère surfer sur la haine de l’étranger. En se basant sur des convictions racistes, elles stigmatisent ainsi une population, nommément celle originaire d’Afrique du nord et d’Afrique subsaharienne, et la rendent - à tort - responsable de tous les ravages engendrés par la doctrine ultralibérale. La bd en question nous montre d’ailleurs de nombreux exemples de cette hostilité vis-à-vis de l’étranger. Ceci dit et il était utile de le dire dans un contexte de haine globale de la population, cette bd se penche sur les conditions effroyables de l’arrivée de ces immigrés en Espagne. Les passeurs n’hésitent pas à les jeter dans la mer. L’actualité récente de ces naufrages en pleine mer nous démontre toute l’horreur de ces situations. Il y a également cette propagande islamiste qui surfe sur cette misère humaine. Le dessin table sur une bichromie plutôt réussie. J'ai bien aimé certains passages aériens pour nous présenter cette région de l'Espagne remplie par les serres agricoles. Par ailleurs, le scénario est plutôt dense. C'est une bd assez longue par moment et qui s'attarde véritablement sur les personnages pour leur donner une certaine épaisseur. Il y a une dimension réaliste que j'ai bien apprécié. La fin de cette bd est désespérante, voire très sombre. On ne peut qu’être touché par tant de désarroi. Cela fixe les choses dans un contexte juste. C’est un récit poignant. A découvrir bien entendu.

29/04/2015 (MAJ le 07/05/2015) (modifier)
Par bab
Note: 4/5
L'avatar du posteur bab

Pour donner mon avis sur cette bd, je vais tacher de séparer le subjectif de l'objectif car on n'est clairement pas dans de la bd qui m'a fait rêver et dont la lecture m'a été facile. On n'est clairement pas dans de la bd que j'aime. Mais... Mais, Ville Tietäväinen nous livre ici une fiction basée sur une réalité dure et sans concession. A la différence d'un Craig Thompson qui, dans Habibi par exemple, met de la lumière dans son dessin, fait avancer son histoire à l'espoir; Tietäväinen s'immerge dans la noirceur sans laisser entrevoir à un seul instant un moment de bonheur pour ses personnages. Tietäväinen, fort de sa documentation et du temps passé au Maroc et en Espagne, arrive à exprimer le désespoir d'une vie qui fait basculer le destin d'un homme. Sa misère, ses motivations basées sur des chimères pour devenir clandestin et sa vie misérable en Europe. Son scénario ne nous épargne rien, et appuie des faits avec une belle (et très dure) justesse. Le rythme est lent mais mène vers l'inéducable avec la force du destin qui pèse sur cet homme. Au dessin, rien n'est fait pour alléger l'histoire. C'est sombre, très sombre jusqu'à la dernière planche tout en lumière. Mais l'esthétisme est là. Le trait, épais, allié à une mise en couleur vraiment soignée et réussie appuie parfaitement le propos. J'ai malgré tout trouvé parfois le cadrage un peu maladroit, manquant de lisibilité et m'obligeant à me demander ce que je regardais. Mais ce ne sont que quelques cases sur un beau roman graphique. Une bd à lire comme un témoignage. Si je n'ai pas aimé, si je n'ai pas été touché par le destin de Rachid, c'est que je crois que l'histoire de ce migrant marocain est tellement dure, qu'il a fallu que je mette rapidement de la distance avec ce livre. Et puis, chantilly sur les fraises, ça m'a définitivement convaincu de ne plus acheter ni fruits ni légumes provenant d'Espagne.

08/04/2015 (modifier)