Amerika

Note: 3/5
(3/5 pour 2 avis)

Une charge violente et sans concession contre l’Amérique par le pape de la BD underground.


Comix

Les Editions Cornélius ont réuni dans cette compilation une quinzaine de sketchs où Robert Crumb a exprimé son dégoût pour les Etats-Unis et son système politico-financier. Publiées sur plus de vingt ans, de 1969 à 1993, l’ouvrage propose un survol varié et pertinent du travail du chef de file des comics alternatifs sur la question. Si l’humour n’est pas absent dans ces saynètes, loin de là, on pourra constater que sa colère ne s'est pas apaisée envers son pays au fil des ans.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 18 Février 2004
Statut histoire Strips - gags 1 tome paru

Couverture de la série Amerika © Cornélius 2004
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 2 avis)
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28/08/2014 | Blue Boy
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L'avatar du posteur Agecanonix

Ce recueil de petits récits du pape de l'underground pourra alternativement faire sourire, choquer, amuser le lecteur ou le laisser pensif. Il n'est pas du même niveau que ceux où Crumb décrit ses problèmes avec les femmes ou celui beaucoup plus introspectif titré Les Aventures de R. Crumb. Mais il contient suffisamment d'éléments qui permettent d'apprécier cet humour si particulier. Il n'y a pratiquement pas de sexe ici, c'est une charge hyper virulente de tous les travers de l'Amérique impérialiste et capitaliste, bref tout ce qui dégoûte l'auteur dans son pays qui selon lui, court à sa perte. Les récits étant étalés sur une période de 25 ans à peu près, il en résulte un côté inégal comme dans d'autres albums de Crumb, et ces histoires étaient parfois écrites alors qu'il était sous l'emprise de certaines substances, mais son dessin garde une solide unité, toujours égal à lui-même. Certaines histoires ont l'allure de pochades sans trop d'intérêt, mais d'autres sont des attaques frontales contre le système, des personnalités ou des idéologies. Crumb s'en prend notamment à la politique de Nixon, aux dérives militaristes de la frange la plus réactionnaire de la population U.S., aux illuminés de sectes comme Charles Manson, au gaspillage et aux déchets crées par chaque Américain, à l'industrie du cinéma qui devient complètement abêtie en nageant dans le dollar (il est clair que Crumb gardait un mauvais souvenir de son contact avec Hollywood après l'adaptation de Fritz the Cat). L'un de mes récits préférés est "Pointons du doigt" qui est un réquisitoire sévère envers Donald Trump, le milliardaire insolent et provocateur des années 80, auquel Crumb n'hésite pas à s'opposer, mais cet exercice est hilarant rétroactivement (voir la planche de galerie). 2 autres récits ont suscité des réactions où Crumb dénonce ce qui arriverait si l'Amérique était dirigée par les Noirs et les Juifs ; là, il se met à dos des militants car ce sont des concentrés de tous les préjugés racistes des Américains. Ces 2 récits pourront déranger par leur côté extrême et subversif, même si Crumb fait preuve d'humour féroce il est vrai. Dans l'ensemble, cet album reste d'un assez bon niveau et fait comprendre pourquoi Crumb a décidé de quitter son pays.

06/02/2015 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 3/5
L'avatar du posteur Blue Boy

De Crumb, je ne connaissais que quelques planches piochées au hasard en librairie ou ailleurs, ainsi que le côté subversif du personnage, extravagant et éternel râleur, et sa passion pour les filles pulpeuses à gros mollets. Décidé à combler ce manque à ma culture générale, j’ai choisi cet album dont le titre résume bien l’état esprit, avec ce K explicite à la place du C du mot « America ». J’ignore si c’était le meilleur choix, mais il est sûr que ce mec a un vrai talent pour aborder la politique et les sujets « sérieux » en utilisant tous les codes ludiques des cartoons américains, en plus trash - dessin caoutchouteux, personnages à gros nez et sens du burlesque – qui viennent ainsi contrebalancer l’aspérité et la véhémence du propos. Du moins pour la première période allant jusqu’au début des années 80, car à la fin de la même décennie, le dessin noir et blanc semble avoir pris imperceptiblement une tournure plus réaliste, plus sombre (avec plus de hachures dans le trait), car en effet, la colère et la désillusion n’’ont pas faibli avec le temps chez ce rebelle pour qui le rêve américain a tourné au cauchemar. Assurément, Robert Crumb est un écorché vif plein de lucidité, et comme souvent chez ce type de personnes, il a un côté attachant. Et forcément, le public français l’adore, comme tous les « ennemis de l’intérieur » contempteurs de l’Amérique capitaliste, et il le lui rend bien puisqu’il a décidé de fuir son pays pour le sud de la France en 1991. Mais cela ne tient pas qu’à cela, car celui qui se présentait, non sans ironie, comme le « dessinateur underground le plus aimé d’Amérique » se met souvent en scène dans ses sketchs, avec des mises en perspective, n’hésitant pas à se « mettre à poil » en s’autodénigrant, lui, le looser, le « vieux réac » ronchon, face aux beaux gosses WASP à la mâchoire carrée et aux dents étincelantes. C’est assez courageux de sa part et le rend extrêmement humain, le père Crumb, à tel point qu’on aurait envie de lui payer un canon si par hasard on venait à le croiser. Pourtant, quelque chose m’a vraiment gêné dans cet exercice de US bashing. Deux histoires en particulier, When the Niggers Take Over America et When the Goddamn Jews Take Over America, pour lesquelles je vous passe la traduction. Crumb joue les oiseaux de mauvais augure, prédisant un avenir terrifiant pour l’Amérique, imaginant une prise de pouvoir des plus barbares par les Noirs, et ne se révèle guère plus amène avec les Juifs, en utilisant les pires clichés rednecks. L’éditeur a beau expliquer en annexe que « Crumb tape là où ça fait mal, et parie sans le dire sur une réaction de rire et de rejet de l’abjection », le fait de savoir qu’un groupuscule néonazi américain l’ait pris pour argent comptant est extrêmement dérangeant. C’est bien ça, le problème avec les écorchés vifs. Pensant qu’ils sont incompris, ils n’hésitent pas à pousser le bouchon très loin, dans une démarche quasi suicidaire. Le « vieux crouton râleur » ne se sent même plus tenu de se justifier, comptant sur l’intelligence de ses lecteurs, délivrant cette chose déplaisante qu’on suppose motivée par une colère froide, comme s’il était aux commandes d’un bombardier atomique. Encore heureux que l’éditeur soit intervenu pour relativiser le propos. Crumb a peut-être juste oublié qu’on pouvait rire de tout, mais pas avec n’importe qui. Je peux lui pardonner cet écart mais cela affaiblit mon appréciation de ce recueil, même si incontestablement, cela a valeur de document.

28/08/2014 (modifier)