Mémoires horrifiques et burlesques d'un tueur

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)

La vie mouvementée de César Borgia, fils du pape Alexandre VI, racontée de manière crue et cynique par son fidèle tueur et homme de main.


1454 - 1643 : Du début de la Renaissance à Louis XIII Les Borgia Rome Vatican

Rome 1493. César Borgia a dix-sept ans et il est le fils du pape Alexandre VI. Son père encourage son ambition sans borne pour accroître son pourvoir. Totalement dénué de scrupules, César érige le meurtre, la trahison et la cruauté en principes politiques. Prêt à éliminer par tous les moyens ceux qui se dressent sur son chemin, il gravit les échelons du pouvoir. Aussi brillant qu'impitoyable, le jeune Borgia devient le modèle du Prince de Nicolas Machiavel, symbole du pouvoir politique efficace et cynique.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 01 Janvier 1990
Statut histoire Série terminée 2 tomes parus

Couverture de la série Mémoires horrifiques et burlesques d'un tueur © Les Humanoïdes Associés 1990
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
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20/02/2014 | Eric2Vzoul
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L'avatar du posteur Noirdésir

Cette période de la Renaissance italienne, et plus particulièrement autour des Borgia, a maintes fois été traitée, de façon plus ou moins réussie. Et je dois dire que Seyer – auteur que je découvre ici – nous livre une version à la fois réaliste et intéressante. Assez originale aussi. Le côté graphique déjà est assez prenant. Le rendu de son trait hyper réaliste est souvent proche de photos retravaillées. Mais c’est vraiment réussi, avec des décors (de face, en contre-plongée) minutieusement détaillés. Le gris plus ou moins dégradé est lui aussi intéressant. Bref, j’ai bien aimé ce dessin. Quant à l’histoire, assez connue dans ses grandes (et moins grandes) lignes, elle est centrée autour de César Borgia, et surtout de son exécuteur des basses œuvres, tueur à fort rendement et à faible philanthropie. Le texte, souvent au style indirect, est assez grandiloquent. Il use d’un vocabulaire et de tournures de phrases anachroniques, très contemporains (il y a un peu de Blondin ou d’Audiard dans certains dialogues ou remarques, l’humour en moins), mais ça passe très bien. Ça fait en tout cas très bien passer le cynisme extrême de ce panier de crabes (Machiavel, que l’on voit intervenir dans le second tome) ne s’y trompe pas, lui qui a érigé le cynisme en qualité nécessaire au gouvernement d’un État. Mention spéciale au patriarche Borgia, Alexandre, pape des plus dépravés et très éloigné du modèle christique. Si ces deux albums ne sont pas forcément simples à rencontrer, leur lecture est agréable, et offre une vision crédible d’une époque violente et créative (Léonard de Vinci traverse le second album). le cynisme politique de cette époque n’est d’ailleurs pas forcément si éloigné que ça de ce que nous pouvons observer de nos jours. Note réelle 3,5/5.

26/05/2023 (modifier)
L'avatar du posteur Eric2Vzoul

Une version originale pour une histoire bien connue. La destinée hors norme des Borgia fascine autant qu'elle dégoûte. Cette famille de débauchés sans scrupule a souvent inspiré les artistes, tant en littérature (Alexandre Dumas en a fait une peinture violente), qu'en bande dessinée (Borgia de Jodorowsky et Manara), ou à l'écran (deux séries contemporaines, Borgia et The Borgias, se font concurrence), et même dans les jeux vidéos (Assassin's Creed II). Elle fournit aussi indirectement des personnages pour des sagas qui ne sont pas directement liées à la période historique de la Renaissance, comme la famille Lannister dans Le trône de fer (A Game of Thrones). Cette version de l'histoire selon Seyer est conforme aux représentations classiques des Borgia. Leur vie représente une face sombre de la Renaissance, époque brillante sur le plan artistique mais terriblement meurtrière pour ceux qui l'ont vécu. La famille dégénérée des Borgia agit de manière impitoyable et cruelle contre tous ceux qui pourraient constituer une menace contre son pouvoir. Le père Rodrigo devient pape sous le nom d'Alexandre VI et utilise ses enfants pour servir ses intérêts et consolider son pouvoir dans une Italie morcelée entre Cités concurrentes, en proie aux révoltes et aux complots, et convoité par la France et l'Espagne, les grandes puissances européennes. César, prince brillant au service de son père, met sa perversité et son goût pour la violence au service des ambitions familiales, tandis que sa sœur Lucrèce se sert sans modération de ses charmes. Ce trio infernal ne recule devant rien et multiplie les exactions. L'auteur fait ici le choix de raconter la vie de César Borgia, de son ascension en 1493 à sa mort en 1507, du point de vue de son homme de main et assassin attitré. Lequel tueur porte un regard sans illusion sur son maître : « Il y avait longtemps que le Borgia, sa sainteté Alexandre VI, le ruminait, son plan de foutre le grappin sur toute l'Italie. En fait, il y pensait depuis qu'on lui avait posé la tiare sur la cabèche, après avoir soudoyé tous les grands curetons du conclave. Il y avait chez Alexandre toute une philosophie de la prise du pouvoir. Cette philosophie, ce brave homme l'a coulée dans le crâne de César son bâtard, et le crâne de César a éclaté. » L'histoire a déjà été maintes fois comptée, mais l'originalité des Mémoires horrifiques et burlesques d'un tueur tient à deux éléments. • D'abord, le dessin de Seyer attire l'attention. Réalisé en tons de gris au lavis, il est hyperréaliste, avec un côté glaçant. Les décors sont dépeints avec une précision photographique, qui rend hommage à l'architecture somptueuse de la Renaissance italienne. Souvent Seyer accentue légèrement les effets de perspective, comme le faisaient parfois les peintres d'alors, pour souligner la beauté des constructions. Les personnages ont des trognes qui évoquent également les tableaux de l'époque. Assurément, l'auteur a passé du temps auprès des maîtres de la Renaissance pour s'en inspirer. D'habitude, je ne suis pas fanatique de ce style de dessin, qui, en figeant les personnages dans des poses ridicules, me fait penser aux romans-photos pour ménagères des années 1970. Mais Seyer s'en tire bien, parce que son sujet se prête à ces arrêts sur images et qu'en variant les cadrages, il évite de geler l'action. Il réalise donc de très belles planches, d'ailleurs plus agréables sur le papier brillant du premier album broché, que dans le second édité dans une version cartonnée plus luxueuse, mais avec un papier mat. • Ensuite, il y a les dialogues qui atteignent par moments des sommets d'humour noir, en reflétant le cynisme des protagonistes. Seyer fait le choix d'un ton très contemporain, utilisant volontiers l'argot qui souligne la trivialité d'individus pour qui le fait d'être assis en haut de la hiérarchie sociale et religieuse n'empêche pas de se comporter comme des pourceaux. Et le résultat est souvent drôle, ainsi Alexandre VI expliquant son idée de vendre des indulgences : « J'ai fait bonir que même les vivants pouvaient acheter leur place au Paradis. Alors là, mon petit vieux, le succès ! Tous ceux qui se reprochaient quelques péchés capitalissimes ont acheté des indulgences à tours de bras, pour être certains de tremper les mouillettes du grand bidule céleste… ». Le rythme du récit est volontairement haché, car les événements émaillant la vie de César Borgia s'étalent sur une longue période et la pratique du biopic impose de nombreuses ellipses. Seyer procède donc en construisant une succession de tableaux, qui sont autant de scénettes édifiantes. Mémoires horrifiques et burlesques d'un tueur atteint correctement son but. C'est l'œuvre d'un auteur complet, qui a disparu du paysage de la bande dessinée il y a une vingtaine d'années et mérite d'être redécouvert. Ses albums ne figurent plus au catalogue des Humanos, mais on peut parfois les trouver chez les bouquinistes.

20/02/2014 (modifier)