Habibi

Note: 3.43/5
(3.43/5 pour 21 avis)

Au fil de ce grand récit tour à tour onirique, érudit et sensuel, dans une capiteuse atmosphère orientale digne des Mille et Une Nuits, Craig Thompson livre un travail graphique d’une impressionnante sophistication, traversé par de multiples réminiscences issues des traditions sacrées chrétiennes et musulmanes.


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Vendue à un scribe alors qu’elle vient tout juste de quitter l’enfance, puis éduquée par celui-ci, une très jeune femme voit son mari assassiné sous ses yeux par des voleurs. Elle parvient pourtant à leur échapper et trouve refuge sur une improbable épave de bateau échoué en plein désert, en compagnie d’un enfant nommé Habibi. Ensemble, dans des décors souvent nimbés de magie, ils vont grandir et vivre leur vie au sein de cet étrange endroit, en s’efforçant autant que possible de se protéger de la violence et de la dureté du monde, au rythme des contes, histoires, mythes et légendes racontés par la jeune femme… Texte : Editeur.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 26 Octobre 2011
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Habibi © Casterman 2011
Les notes
Note: 3.43/5
(3.43/5 pour 21 avis)
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01/12/2011 | Alix
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Par bab
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Dernière œuvre fleuve de Craig Thompson qui ne laisse pas indiffèrent. Et ce ne sont pas les avis ci dessous qui vont me faire dire le contraire…. Graphiquement, on retrouve le style qui caractérise maintenant l’auteur avec sa maitrise du noir et blanc qui va grandissant au fil de ses albums et des années qui passent. Le travail est tel que certaines planches de ce roman me laissent en extase pendant plusieurs minutes et Dieu sait que ce n’est pas facile vu le poids du bouquin. On est dans du Thompson pur jus et moi je trouve ça beau. Côté scénario, c’est assez déstabilisant. D’abord parce que je n’ai pas su me situer dans le temps : contemporain ou 50 ans en arrière ? Et puis au fil de la lecture, j’ai laissé tomber, car un conte n’a pas de repère temporel. En 600 pages, Graig Thompson aborde un peu tout ce qui lui tient à cœur. Ça fait beaucoup, mais pour moi, le liant à fonctionné. Peut-être pas aussi bien que pour un Blanket, mais j’ai lu Habibi sans rechigner, ni m’embêter. Scénaristiquement peut-être pas le meilleur de Thompson, mais graphiquement il n’a jamais été aussi bon.

06/03/2013 (modifier)
Par Blue boy
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Après le superbe Blankets, je n’imaginais pas que Craig Thompson puisse faire mieux… et pourtant c’est le cas avec cet autre pavé, encore plus épais (665 pages). Si pour moi Blankets représente l’archétype du roman graphique, je dirais qu’avec Habibi, Thompson a inventé la formule idéale du « roman graphique picaresque ». Que dire, c’est tout simplement époustouflant, tant au niveau de l’histoire que du graphisme, encore plus poussé. L’auteur s’est littéralement surpassé, son trait élégant semble avoir fusionné avec l’Art islamique traditionnel, intégrant un luxe incroyable de détails (on reste abasourdi devant ces frises et motifs orientaux qui n’ont clairement pas été trafiqués par ordinateur). La mise en page est toujours surprenante et souligne judicieusement le contexte. C’est du grand art, et une fois encore, le noir et blanc se suffit largement à lui-même. L’histoire est complexe, alternant flashbacks, références bibliques et coraniques, évocation des légendes et poèmes orientaux, digressions sur la calligraphie arabe et ses aspects symboliques, avec des ouvertures vers la science et l’ésotérisme. Mais Thompson réussit pourtant, par une alchimie subtile, à faire tenir tout ça debout. Certes on ne rentre pas dans cette histoire comme dans un moulin, et il m’a fallu moi-même quelques pages pour m’habituer à ce mode de récit, mais une fois passé le cap, quel délice ! Il s’agit d’un conte épique et débridé, où l’auteur ne s’interdit aucun thème ni aucune représentation. Entre Blankets et Habibi, le lieu de l’action (Midwest américain et terre orientale indéfinie) et le genre (autobiographie et conte) diffèrent, mais on y retrouve les mêmes questionnements philosophiques et religieux, sur l’amour, le couple et la sexualité. Et malgré les nombreuses références à la religion, il n’y a aucune trace de bigoterie dans cette démarche : l’humour et les scènes de sexe (parfois tendres et sensuelles, parfois dures et rebutantes) viennent souvent équilibrer le propos. S’ajoutent à cela des préoccupations écologiques qui contemporanisent l’ouvrage. Si ce récit à la fois actuel et intemporel recèle un message humaniste de portée universelle, il est aussi un très bel hommage à la civilisation arabe, où l’auteur nous fait apprécier la beauté et la subtilité de son art, notamment la calligraphie qui tient une place très importante tout au long du livre. Il faudrait plusieurs lectures pour en absorber toute la richesse, mais en ce qui me concerne, ma vision d’occidental lambda en a été indéniablement modifiée, et il a fallu que ce soit grâce à un Américain ! Cette culture, malgré sa proximité géographique avec l’Europe, reste au final assez méconnue et toujours en proie aux préjugés. Et cela ne s’applique pas seulement à l’électorat perméable aux discours racistes. Craig Thompson a vraiment placé la barre très haut avec cet Habibi, qui pour moi tient à la fois du chef d’œuvre et du coup de cœur.

14/10/2012 (modifier)
Par herve
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Ce pavé, car il n'y a pas d'autre mot pour nommer ce livre, m'attendait dans ma bibliothèque depuis plus de 6 mois. Il faut, un , du courage pour s'y attaquer, et deux, du temps , beaucoup de temps pour venir à bout de ses 670 pages ! Alors je me suis lancé et puis je n'ai pas laché ce livre, hop ! une lecture presque d'une traite. Pff! tout d'abord il faut souligner le travail d'orfèvre de Graig Thompson. Le dessin est magnifique, les calligraphies superbes; cela ne m'étonne pas qu'il ait mis 6 ans je crois, à batir cette oeuvre, pour ne pas dire ce chef d'oeuvre. Enfin, le scénario est habile, fin et surtout très bien construit, très bien huilé derrière un désordre apparent. En mélant le Coran, l'Ancien testament, et les époques (sommes nous à l'époque des milles et une nuit ou alors à l'ére industrielle?), Graigh Thompson nous fait voyager dans le temps, dans l'espace mais essentiellement nous fait voyager tout court avec le destin de ces 2 enfants,Dodola et Zam. Certes, le récit est dur (les sévices imposés à Dodola), parfois drôle (le changement d'eau en or) mais surtout prenant. A lire d'urgence.

07/06/2012 (modifier)

Après la lecture de ce chef d’œuvre, je fus bloqué, incapable d’écrire le moindre avis tant il me semblait que tout ce qui pourrait être écrit sur cet opus serait futile, incomplet et ne saurait rendre hommage à l’œuvre. Alors j’ai relu, la relecture fut encore plus agréable, comme si on découvrait certaines saveurs qui nous avaient échappé dans un premier temps. De bombe assourdissante en lecture initiale, l’opus se couvrait de miel, ce qui devenait nettement plus digeste pour tenter de faire partager cette expérience narrative. Tout au long des pages vont se mêler trois thèmes principaux. L’amour tout d’abord, thème majeur et perpétuel fil d’Ariane du récit, le soufisme ensuite qui se verra très largement représenté, aussi bien dans sa partie mystique que dans une inspiration graphique, l’écologie enfin comme vecteur de l’évolution humaine des relations sociales. Cet étrange mélange se construit dans la déclinaison mystique du carré magique issu de l’analyse numérique en base 10 chère à nombre d’amateurs ésotériques à l’époque médiévale. Ce carré magique connu dès le VIIème siècle par les mathématiciens arabes l’apprenant en Inde, repris au cours du temps pour trouver une signification magique au XIIeme siècle. Et voici pourquoi je parle de soufisme et non d’islam au sens plus large, cet opus est rempli de la logique soufi de distinction entre l’aspect extérieur apparent et l’aspect intérieur caché. Nos protagonistes sont toujours en quête de se mettre en état de comprendre cet aspect mystique sacré. Et là nous arrivons dans le pur soufisme et cette croyance que Mahomet avait reçu en même temps que le Coran des révélations ésotériques qu’il n’aurait partagées qu’avec quelques compagnons… De fait présenter cet opus comme une recherche sur l’Islam me semble erroné, il s’agit plus à mon sens de monter ce chemin entre Eros et Agape (concept très chrétien) par le biais de la culture soufi, l’important résidant dans le cheminement du rapport au corps et à l’amour de nos deux héros illustrés dans des extraits coraniques et leurs interprétations. Au premier degré le récit nous parle de la difficile condition de deux orphelins tous deux contraints de vendre leur corps pour survivre. S’attachant l’un à l’autre ils développeront des relations de protection mutuelle évoluant d’un mère-fils à un homme-femme unis. Le tout se fait au milieu d’une civilisation traditionnelle arabe présentant à terme une conscience écologique contemporaine en montrant les conséquences de l’appropriation des ressources naturelles par une logique capitaliste et les conséquences de la focalisation de l’attention sur le « palais de cristal » (Cf Peter Sloterdijk) en omettant toute la périphérie nécessaire qui tente simplement de survivre. A ce niveau le récit paraitra certainement un peu trop conte de fées, mais cela reste du bon roman. Mais la lecture de l’évolution de la relation amoureuse de nos deux héros me semble nettement plus intéressante et riche. Il y a tout d’abord cette découverte de la sexualité, brutale pour elle, inhibée pour lui. Celle-ci s’accompagne par cette recherche du caché à l’intérieur de l’apparent, par le biais de la mise en parallèle des sagesses coraniques. A ce propos la majeure partie des mythes repris figurent dans les trois monothéismes et ne sont pas spécifiques au Coran. La mise en branle poétique se fait par le graphisme envoutant et la mystique soufi qui permet de sortir d’une condition matérielle pour rêver à l’immatériel et transcender un contexte. Toute la violence, tout le besoin tous les questionnements se mêlent dans une frise infinie. Puis vient la séparation, chacun suit sa route en se rappelant de cet éros initial un peu tabou encore. Les tribulations sont une fois encore soumises au principe d’initiation des choses cachées et trouvent un sens poétique là où il n’est que misère au premier degré. Les retrouvailles sont tragiques, car elles signifient pour les deux protagonistes la fin de l’Eros pur rêvé car souillé par le réel. Pourtant, par la découverte d’une relation non physique ils parviendront à ce don mutuel d’Agape qui sera explosion des sens bien au-delà d’un simple rapport physique. Question de vie et de mort, rapport à l’autre, tout ce qui nourrit l’amour sera exploré dans des conditions extrêmes pour finir par solidifier ce couple qui a la fin du récit démarrera enfin sa relation consentie amoureuse dans toutes ses conséquences et non sur le simple côté sensuel. Chaque planche est un poème, chaque partie, une évolution ciselée, l’auteur ne fait pas de la reproduction, il donne un sens graphique au contenu des réflexions de ses personnages. La perpétuelle recherche de Dieu se retrouve dans les multiples fresques du récit. L’ensemble forme donc un tout cohérent et sublime, message d’amour universel. Il en profite pour dénoncer au passage l’exploitation de ressources naturelles par des capitaux au détriment des hommes. Du fond à la forme cet opus se dévore, le lecteur pourra toujours trouver ce qui lui parlera tant le discours est multiple. Romanesque, poétique, symbolique, politique, graphique, mystique, didactique, fantastique, initiatique, Habibi est tout cela à la fois pour le plus grand plaisir du lecteur qui tient là un authentique chef d’œuvre. (500)

23/05/2012 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Alors ... Essayons de noter cette œuvre en restant le plus objectif possible. Déjà, je dois dire que c'est mon premier Craig Thomson mais que dès demain je vais foncer acheter d'autres œuvres de lui qu'on m'a chaudement recommandées. Alors selon moi, voici un véritable chef d'œuvre. A tous les niveaux encore une fois : - Un dessin sublime (le mot est faible), qui ne faiblit pas un seul instant (sur les 650 pages j'ai rien remarqué) et qui s'accorde superbement bien avec le récit. On sent le trait maitrisé et les représentations sur des pages complètes sont des tableaux qu'on rêverait d'accrocher sur un mur. Le mélange avec les arabesques, l'écriture arabe et les symboles est parfaitement en accord, donnant un aspect fabuleux ; - L'atmosphère, digne des contes orientaux (en fait je dirais que c'en est un), avec le mélange d'intemporel et de contemporain (parfaitement bien accordés), de mille et une nuit et de Coran, envoutante et entrainante, on se sent transporté dans un autre pays, clairement ; - Et surtout, le scénario. Sublime. On suit nos deux protagonistes sans lâcher une seule seconde, c'est un plongeon superbe dans cette histoire, entrecoupé de récits de toutes sortes, de réflexions, de symboles, de ce fameux carré de neuf. On a de tout : l'alchimie, les mathématiques, les sciences, les histoires .... C'est inqualifiable. En fait, je donne le culte car c'est véritablement un ouvrage .... tellement dur à décrire mais tellement bien. J'avais l'impression d'entendre une personne me raconter une histoire, comme lorsqu'on est gosse ... De plus j'ai toujours adoré tout ce qui touche aux autres cultures, et je pense qu'on ne peut être que servi sur ce point là aussi : le monde fascinant de l'orient m'a littéralement transporté. Les passages du Coran, les récits et les légendes, l'écriture, les poèmes aussi ... Tout est parfaitement mis en place. On est dans une autre dimension. C'est magique. Pour essayer de nuancer cet envoi de fleurs ... je dirais qu'on peut peut-être y trouver quelques longueurs, et que l'ensemble est très long (même si tout passe sans qu'on s'en rende compte). Non, je pense que le plus gros défaut, c'est véritablement qu'on ne peut pas le lire rapidement dans un rayon de la librairie pour voir si ca vaut le coup (sous peine d'attraper un bon mal de dos à rester trop longtemps debout et immobile). En fait, j'ai été complètement conquis, c'est là une œuvre poignante et d'une grande force, qui fait rêver et transporte encore longtemps après sa lecture. Un sentiment agréable ..... EDIT : après plusieurs relectures, je baisse ma note d'un point tout de même. Non pas que je rejette la qualité de l’œuvre qui reste toujours la même, mais suite à la lecture de nombreux autres ouvrages, je le trouve un peu en deçà d'une note 'immanquable", d’où ma rétrogradation.

25/12/2011 (MAJ le 20/05/2012) (modifier)
Par Chalybs
Note: 5/5 Coups de coeur expiré

Rares sont les ouvrages qui ont une telle portée. Rares sont les ouvrages qui me laissent dans un tel état de flottement. Rares sont les ouvrages comme celui-ci, tout simplement. Cet album à mon sens est bien plus qu’une simple bande-dessinée. Qu’on l’aime, qu’elle nous gène, je suis sûr qu’elle ne pourra pas laisser indifférent. Pour ma part, j’ai peur de me lancer dans une critique où je ne serais pas à la hauteur de l’auteur, où mes écrits ne sauront pas rendre ma pensée, mes sentiments, mes émotions, où mes écrits ne sauront pas rendre hommage aux sentiments, émotions, aux pensées qui peuplent ces pages. Non, je ne radote pas. Car il y a bien le contenu de l’œuvre avec ce que l’auteur dépeint et le résultat avec ce que cela déclenche chez moi. "Habibi" c’est 672 pages de bonheur. Environ 14 albums classiques…j’ai mis pratiquement 6 heures pour en venir à bout. Alors, oui certainement qu’il faut être motivé pour se lancer dans ce pavé au format spécial, presque aussi épais que large ! Rarement le qualificatif de pavé aura si bien convenu à une bande dessinée… Malgré cette taille imposante l’album reste parfaitement abordable, d’un aspect tarifaire, au vu du travail fournit. 6 ans pour réaliser cette œuvre ! 6 années pendant lesquelles Craig Thomson s’est consacré à fignoler, bichonner son œuvre. Et je me lancerai en premier dans le dessin. Magnifique, fluide, inventif. D’une précision et d’une finesse ahurissante. D’une richesse imposante. Le dessin se mêle au texte et chaque lettre peut devenir un dessin à part entière. Il faut dire que la calligraphie des lettres de l’alphabet arabe se prête parfaitement au jeu. Craig Thomson d’ailleurs nous initiera à cet art qui consiste à lier, imbriquer, disposer les lettres entre elles de telle sorte que le final soit aussi créatif et représentatif qu’un véritable et pur dessin. Il va dès lors, sans dire que la mise en page, les cadrages, la composition de chaque page mérite que l’on s’arrête afin profiter et d‘admirer le travail réalisé. Tout dans cet album touche à la perfection. La recherche dans les vêtements, dans les décors qu’il s’agisse des paysages, des villes ou d’un simple bâtiment. Cet album est une véritable comète dans le ciel de la BD. Rare, magnifique, unique. S’appuyant sur une qualité graphique incontestable, le scénario qui nous est offert est lui aussi un modèle du genre. Les 672 pages ne demandent qu’à être lues. Une fois plongé dans cette histoire, j’avais bien du mal à voir passer le temps. Heureusement que certaines obligations personnelles m’obligeaient à mettre une alarme en marche afin de me tirer de ma contemplation. Cette histoire mêle plusieurs sujets de manière extrêmement intelligente, passant de l’un à l’autre de manière toujours logique, toujours fluide, ne nous laissant pas le temps de nous lasser, pour mieux y revenir quelques pages ou chapitre plus loin afin de compléter ou clore un pan de l’histoire. Car l’histoire n’est pas linéaire non plus, ce qui permet à l’auteur de toujours nous surprendre en expliquant par exemple d’un flashBack inattendu certaines scènes ou réaction de ses personnages. Ces principaux personnages Dodola et Zam sont d’ailleurs tous les deux extrêmement attachants. Forcément, en 672 pages l’auteur a largement le temps de développer leur psychologie et de nous conter leur histoire. La psychologie très juste de tous les personnages, principaux comme secondaires voire même tertiaire nous permet de mieux s’immerger dans l’histoire, de mieux la comprendre, de mieux nous l’approprier. L’histoire, sorte de conte des 1001 nuits moderne est souvent bien étrange par les sauts et les côtoiements existants. Nous passons parfois assez abruptement d’une époque très médiévale à des villes ultra modernes. Il est difficile de parler de tout ce que ce livre comporte tellement il est riche. Craig Thomson aborde trop de sujets pour que l’on puisse parler de tous. Je parlerai juste d’une poésie constante, d’une mélancolie planante, d’une beauté flagrante. Malgré tout, 3 thèmes ressortent prioritairement de cet album. L’écologie et le développement incontrôlé des villes modernes, l’amour et le sexe, sans oublier que Craig Thomson s’est initialement jeté dans cette œuvre afin de mieux comprendre l’Islam. Forcément, afin de rendre une copie logique, l’auteur a fortement lié chacun de ses trois thèmes dans la construction de son histoire. Pourtant au contraire d’autres lecteurs qui y ont vu des causes et effets, qui ont relié les déboires amoureux des héros et la religion, je n’ai pas personnellement ressenti ce lien ou ces accusations. J’ai personnellement vraiment dissocié chacun de ces thèmes à la lecture. De plus, connaissant plutôt pas mal l’islam, je ne pouvais établir de rapport. L’islam est amour et n’interdit surtout pas le sexe. Il faut juste que l’homme et la femme soit mariés. Dans notre civilisation « moderne », il est certain qu’un tel postulat peut paraitre préhistorique tant on a l’habitude maintenant de voir des jeunes coucher le premier soir et avorter le second soir, que le divorce est devenu plus courant que le mariage et qu’avoir une maitresse est presque une obligation pour ne pas paraitre has-been…(ce terme est lui aussi surement has-been...) Une fois encore la méconnaissance d’une chose amènera surement une mécompréhension et souvent son rejet. Et c’est peut-être la seule chose que je pourrais reprocher à cet album. C’est de ne pas assez démêler les sujets abordés. Du coup, l’auteur qui voulait découvrir l’islam fausse légèrement le jeu. Car son implication et son explication n’est finalement peut-être pas assez engagée. J’avoue qu’aujourd’hui, pondre un album de BD sur la religion est extrêmement courageux. L’auteur a donc décidé de mettre en parallèle l’histoire de Dodola et celle des textes sacrés. Les choix et les évènements rythmant la vie de Dodola sont ainsi souvent l’occasion d’un parallèle avec un élément religieux, avec la présentation d’un prophète (Noé, Moïse, Mohamed…) Si la majorité des textes sont extraits du Coran, Craig Thomson a semble-t-il porté un grand soin afin de montrer que chacun de ces récits ne se trouvent pas que dans le Coran et que finalement à bien y prendre garde, Le Judaïsme, Le Christianisme et l’Islam ont la même histoire, les mêmes prophètes. Pour l’Islam, puisqu’il s’agit principalement de cette religion dans cet ouvrage, seul Mohamed arrivé après Jésus diffère des autres religions. A la lecture de cet album, on sent fortement que Craig Thomson s’est longtemps renseigné malgré tout sur l’Islam. Tout ce que j’ai pu vérifier, par connaissance ou grâce à internet est vrai. Basés sur la genèse, sur les évangiles, sur l’ancien testament, le Coran ou des hadiths (textes rapportés des dires du prophète Mohamed) tout est vérifiable. L’œuvre prête à une longue réflexion pour qui veut bien s’y attarder. L’auteur une fois encore sans donner son avis personnel nous livre des faits qui ne sont surement pas fortuits. Je suis persuadé que l’on pourrait pondre une thèse rien qu’à étudier tous les messages que l’auteur a sciemment ou non parsemé son ouvrage. Ainsi par exemple avec l’affaire d’Abraham qui fut aussi appelé à sacrifier son fils, on comprend (enfin..je comprends) que la différence entre Chrétien et Musulman ne tient à rien, juste à savoir quel fils ne fut finalement pas égorgé mais remplacé par un bélier. Les causes et conséquences sont les mêmes, mais quand on cherche des poux à son voisin, tout est bon pour lui taper dessus. Sans comparer, sans critiquer, sans juger, l’auteur nous livre ainsi souvent plusieurs vision d’une même chose et à nous alors de faire notre propre opinion. Enfin, pour parler rapidement de l’aspect au sexe développé dans "Habibi" et que certains n’ont pas aimé car le reliant à la religion, une fois encore, j’y vois plus une sorte de Roméo et Juliette à l’amour trop fort et apparemment impossible de deux êtres qui, séparés, feront tout pour rester fidèles l’un à l’autre. Plus que de culpabilité, plus que de soumission, il s’agit ici de fidélité, d’amour vrai, de respect. Et s’il s’agit réellement de la vision de l’auteur, j’espère que vous lirez cet album avec votre vision des choses et que la somme de joyaux livrés dans ces 672 écrins vous permettra de passer outre cette vision, à mon sens, erronée. Un livre sublime, possédant de multiples niveaux de lecture comme seules les grandes œuvres savent le proposer avec une grande, très grande sensibilité et chose que je n’ai pas encore mentionnée, un humour très fin presque discret mais utilisé à très bon escient pour dédramatiser les passages les plus durs ou les plus durs à aborder scénaristiquement. J’ai fini mon avis après plus d’une semaine de tergiversation interne. Et bien que non 100% satisfait, je ne vois pas comment aujourd’hui je pourrais faire mieux. Ce qui confirme, décidément, que cet ouvrage est vraiment spécial !

03/02/2012 (modifier)

Je découvre l'auteur et je dois dire que je suis impressionné. Une richesse graphique phénoménale (même si je ne suis pas habituellement fan du N&B). Au niveau scénario, malgré le nombre de sujets abordés, on se laisse porter par l'histoire. C'est un très beau voyage que l'on fait dans ce mixe entre les milles et une nuit et notre monde moderne. On a l'impression de traverser le temps, et l'auteur sans prendre de partie pris, fait vivre ses personnages dans chacune des époques. Les multiples références aux religions du livre, aux sciences anciennes se mêlent à cette belle histoire d'amour. C'est beau, intéressant, et enrichissant, même si le côté ésotérique peut rebuter certains (ce qui justifie ce 4/5). Vu la qualité du travail sur 700 pages, je ne peux que conseiller l'achat de cet album.

22/01/2012 (modifier)
Par Tomeke
Note: 4/5 Coups de coeur expiré

Habibi… Difficile d’écrire un avis sur cet album de 650 planches. Il y aurait tellement à dire, tant cet album aborde une quantité phénoménale de thèmes, sans que cela ne soit par ailleurs pesant ou lassant. Là réside véritablement, selon moi, la force de l’auteur : présenter une histoire aussi complète, aussi universellement humaine, dans tout ce qu’elle peut avoir d’heureux et de douloureux, présenter une histoire qui puise dans les origines de l’Homme et de ses croyances, avec autant d’habilité, de recherche et d’intelligence. Par l’utilisation de la symbolique, de la transposition des contes et légendes orientales sur sa trame principale, l’auteur livre un récit profond qui a l’avantage certain de nous dépayser vers l’Orient. Tantôt empreint de tendresse et tantôt de cruauté, l’album est émotionnellement fort. Le rythme est bon, certes lent, mais bercé de poésie. Si vous aviez apprécié Blankets - Manteau de neige, cet album ne devrait pas vous décevoir. L’auteur continue à nous épater et nous transporte vers les mille et une nuits. De ce fait, je me suis senti plus proche de la précédente œuvre de l’auteur que de cet Habibi. L’aspect graphique est, lui aussi, hallucinant. Le travail abattu par l’auteur est incroyable et la qualité graphique s’en ressent. La mise en page et le trait étayent à merveille tout la symbolique de l’album ; du grand Art les amis, je vous le dis ! En conclusion, l’auteur a relevé un défi énorme en nous proposant ce nouveau one-shot qui garde indéniablement la qualité de son prédécesseur. Son cocktail, certes simple, est délicieux et magique : de la symbolique, de la poésie et de l’onirisme… un délice !

13/12/2011 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Alix

7 ans se sont écoulés depuis la parution de Blankets - Manteau de neige. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Craig Thompson a pris son temps pour nous concocter son nouvel album… mais bon sang, quel résultat ! Je doute pouvoir écrire un avis faisant honneur au travail accompli, à la richesse dont regorge chaque page de cette grande épopée. L’histoire suit deux personnages aux destins entremêlés sur fond de culture orientale. Les références à la Bible et surtout au Coran sont nombreuses, les paraboles ingénieuses, et le symbolisme présent dans chaque situation. En commençant ce projet, l’auteur avait en tête de mieux comprendre l’Islam, et vu le boulot de recherche accompli (par exemple sur la calligraphie arabe), je pense qu’il a réussi son pari. Et ce qui est fort, c’est qu’à part de rares passages un peu longuets, l’ensemble a su me captiver, moi qui ne suis pourtant pas amateur d’histoires à caractère religieux. Le ton reste malgré tout très humain, et graphiquement, le boulot accompli force le respect. Maintenir une telle qualité sur 672 pages, c’est presque du masochisme ! Les planches sont magnifiques, souvent très détaillées, et les passages issus du Coran sont magnifiquement mis en scène. Un délice pour les yeux. Voila, je me doute bien qu’un pavé de 672 pages à 25 euros, puisant son inspiration dans l’histoire de l’Islam, ça ne risque pas d’attirer les foules. J’imagine que bon nombres de BDPhiles trouveront ça barbant, prétentieux, voire parfois raciste (accusations apparemment lancées par certains journalistes). Mais moi je ressors marqué et impressionné par ma lecture. Habibi ressemble à l’œuvre d’une vie, un grand bravo à Craig Thompson.

01/12/2011 (modifier)