Bride Stories (Otoyomegatari)

Note: 3.71/5
(3.71/5 pour 7 avis)

Angoulême 2012 : Prix Intergénerations (tome 1) Au XIXème siècle, près de la Mer caspienne, une jeune femme mariée un très jeune garçon fait l'objet d'étranges tractations...


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La vie d'Amir, 20 ans, est bouleversée le jour où elle est envoyée dans le clan voisin pour y être mariée. Elle y rencontre Karluk, son futur époux... un garçon de huit ans son cadet ! Autre village, autres moeurs... La jeune fille, chasseuse accomplie, découvre une existence différente, entre l'aïeule acariâtre, une ribambelle d'enfants et Smith, l'explorateur anglais venu étudier leurs traditions. Mais avant même que le jeune couple ait eu le temps de se faire à sa nouvelle vie, le couperet tombe : pour conclure une alliance plus avantageuse avec un puissant voisin, le clan d'Amir décide de récupérer la jeune femme coûte que coûte... (texte : Ki-oon)

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 09 Juin 2011
Statut histoire Série en cours (14 tomes parus au Japon, en cours) 14 tomes parus
Dernière parution : Moins de 2 ans

Couverture de la série Bride Stories © Ki-oon 2011
Les notes
Note: 3.71/5
(3.71/5 pour 7 avis)
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14/08/2011 | Spooky
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Par Spooky
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
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Qui aurait cru qu'un manga sur les traditions nuptiales de l'Asie centrale au XIXème siècle m'intéresserait ? Pas moi au premier chef. C'est le dessin qui m'a attiré dans cette nouveauté des éditions Ki-oon. Elégant, fin, il me semble reproduire à merveille la finesse des vêtements et du travail sur bois du grand-père de la famille. Dans le second nous découvrons de très belles broderies, et le troisième propose quelques passages sur la gastronomie d'Asie centrale. Les deux premiers tiers du premier tome se dirigeaient gentiment vers une chronique conjugale certes sympathique (d'autres seront moins cléments que moi et utiliseront l'adjectif "mièvre"), mais qui peut se révéler un peu ennuyeuse, malgré de jolies scènes où la jeune Amir chasse des lièvres. Simplement l'auteur nous propose un petit rebondissement avec la délégation de la famille de la jeune épouse, venue la reprendre ; l'occasion pour sa nouvelle famille de faire valoir ses droits, mais aussi pour l'aïeule, passée inaperçue jusque-là, de se montrer pleine de ressources. Pas mal, et la série évolue dans les tomes suivants ; Kaoru Mori déplace le centre de gravité vers Smith, le jeune érudit venu étudier les moeurs locales. J'aime bien Amir et son jeune mari, mais l'auteure a fait le choix -malin, a priori- d'en faire des "invités", en particulier sur le troisième tome. Avec toujours cette idée de nous faire découvrir une culture exotique et ancienne. Il y a un peu d'action, surtout dans le second tome, mais l'ensemble de la série (du moins sur les trois premiers tomes) reste assez calme. Dans le troisième tome les différents fils narratifs se croisent, et l'auteure joue à merveille de l'interaction entre les personnages, dont la vie va être chamboulée... Le tome 5 me semble assez typique du travail de Kaoru Mori. On assiste à un évènement sérieux (en l'occurrence le mariage de deux jumelles... avec deux frères), mais pour ne pas ennuyer le lecteur avec les festivités (chants, danses, processions, et cérémonie religieuse), elle préfère en faire une suite de saynètes cocasses qui désacralisent mais ne dévalorisent pas le processus. Chapeau bas. Et encore une fois les cases sont somptueuses... Dans le tome 6 l'action s'accélère, les tensions latentes entre deux clans éclatent au grand jour, et il me semble que le récit prend une tournure un peu inattendue ; mais encore une fois Kaoru Mori se montre très à l'aise, et même ses chevaux sont réussis... Le tome 7 constitue une respiration, une parenthèse dans l'intrigue principale ; sur les pas de M. Smith, nous arrivons dans une demeure richement dotée, où vit un couple heureux et aisé. Cependant l'épouse subit une certaine mélancolie, du fait de sa solitude... Elle se rend au hammam, où elle rencontre une autre jeune maman, issue d'un milieu plus modeste, avec laquelle elle se lie d'amitié, et même plus. l'occasion pour Kaoru Mori de parler d'une pratique relativement courante en perse jusqu'au XIXème siècle, celui des soeurs conjointes, mais aussi de nous faire profiter de son trait de çon plus sensuelle, avec des femmes dévêtues. Ce n'est pas gratuit, rarement avec cette auteure, même si on sent son plaisir de dénuder les courbes de ses héroïnes. Une belle image de la femme est alors donnée, généreuse, désintéressée, naturelle... Le tome 8 survient un an après le 7, j'ai l'impression que Ki-oon a rattrapé la publication au Japon. On ne perd pas trop de vue les personnages, cependant, et Kaoru Mori en installe de nouveaux à chaque fois. Cette fois-ci c'est Pariya, l'adolescente frondeuse et timide qui est le sujet du tome, c'est marrant de voir comment elle interagit avec des personnages plus posés, plus matures et plus gentils qu'elle. Au tome 9 l'auteure enfonce le clou avec Pariya et ses fiançailles, en jouant sur son contraste avec les autres personnages. Toujours aussi sympa, même s'il va falloir qu'elle trouve d'autres ressorts. C'est toujours un régal pour les yeux, avec les broderies et les habits des femmes... Après s'être intéressée aux soubrettes anglaises, Kaoru Mori change de décor -mais pas forcément d'époque- pour nous livrer une chronique caucasienne pas mal foutue, diversifiant ses points de vue et même certains de ses points d'intérêt, pour nous faire voyager.

14/08/2011 (MAJ le 02/03/2017) (modifier)

On peut tenir la grâce pour une des plus grandes vertus sans être pour autant religieux. On peut considérer la contemplation comme un remède salutaire à notre époque toujours agitée sans être pour autant un moine zen. Et on peut aussi s'émerveiller d'un travail graphique qui tient souvent du tissage ou de l'orfèvrerie sans pour autant crier au maniérisme décoratif. Enfin, on peut saluer la subtilité psychologique qui anime les personnages, avec ses non-dits ou ses paroles qui cachent en filigrane des émotions et des sentiments qu'une proverbiale pudeur laisse souvent en pointillés car Bride Stories ne joue pas la carte des grands élans démonstratifs. Il ne faut parfois que la présence d'un faucon blessé et recueilli par la belle Hamir pour exprimer à la fois la jalousie qui ronge le coeur humain et l'acceptation de la fatalité face à ce qui ne peut être réparé. Voilà tout l'art narratif de Kaoru Mori. La délicatesse. La simplicité. La beauté. La patience. L'évasion. L'optimisme. Autant d'autres qualités qui émaillent cette somptueuse tapisserie et qui me donne toujours, en lisant un tome, une sensation de plénitude, d'apaisement et de dépaysement que je retrouve rarement dans le manga. Non pas que la saga ethno-familiale de Bride Stories soit épargnée par la violence, les complots, la sournoiserie, les guerres et la mort (et comme l'humain est une créature décidément pervertie et que le bonheur n'a pas d'histoire(s), on est bien obligé de reconnaître que les scènes de violence et de bataille, les drames et autres complications ajoutent du piquant à l'aventure). Toutefois, au-delà des petits (et plus grands) drames et des avanies diverses que connaissent les personnages, la série garde ce qui fait sa particularité : une manière unique d’accommoder le quotidien le plus banal avec un sens de la poésie qui fait que même la scène la plus triviale en apparence (le dépeçage d'un animal, la préparation d'un repas, une partie de chasse, une séance de tissage, les préparatifs d'un mariage) n'est jamais ennuyeuse à mes yeux. A la manière du personnage européen de l'ethnologue avec lequel le lecteur peut s'identifier, on suit la vie et les coutumes à la fois étranges et familières de ces peuples d'Asie Centrale qui semblent vivre sur une autre planète. Et comme le propos de l'auteure n'est pas de faire dans le documentaire (mais plutôt la fiction bien documentée), elle parvient toujours à élaborer des scènes drôles, cocasses ou émouvantes qui retiennent l'intérêt au-delà de la minutie apportée au décor et aux us et coutumes. Il faut beaucoup de talent et de finesse à un auteur pour parvenir ainsi à agripper le lecteur - possédant en tout cas un minimum de sensibilité - avec des petits riens plutôt que de grandes batailles et/ou des péripéties à gogo, de même qu'avec une narration sinuant de tomes en tomes plutôt qu'avec un fil conducteur linéaire comme les rails d'un chemin de fer. Pour autant, Kaoru Mori montre dans le tome 6 sa capacité aussi à mettre en scène une bataille des plus mouvementées, à grands renforts de galopades, canonnades, pluies de flèches et confrontations filiales. On aura compris, je pense, qu'il s'agit ici avant tout d'une oeuvre essentiellement contemplative et non d'un "blockbuster" sur papier qui cherche à imiter le cinéma américain. C'est important de le préciser pour ceux/celles qui trouveraient "chiant" au bout de 30 pages ces nombreuses scènes quotidiennes, faites de presque rien mais que l'auteure parvient toujours, selon moi, à sublimer. Une oeuvre (un chef-d'oeuvre) remarquable de beauté, d'intelligence, de sensibilité et de sérénité venue du pays des robots géants, des gadgets débiles et du burn-out. Bref, le Japon dans toutes ses contradictions.

17/10/2015 (modifier)