Mother Sarah

Note: 3.64/5
(3.64/5 pour 11 avis)

Sarah cherche ses trois enfants depuis de longues années à travers une planète ravagée par la guerre.


Après l'apocalypse... Kodansha Manga : 1996/97, l'explosion Seinen

Pour survivre au conflit nucléaire qui a ravagé la Terre, les Hommes ont dû se réfugier dans l'espace, au sein de gigantesques stations orbitales. Après sept ans d'exil, ils retrouveront l'espoir de revenir sur leur planète. Mais la guerre que se livrent deux factions rivales font de cette reconquête un nouveau cauchemar. Pour Sarah, séparée de ses enfants lors de l'embarquement, un long et douloureux périple commence...

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Février 1996
Statut histoire Série terminée 11 tomes parus

Couverture de la série Mother Sarah © Delcourt 1996
Les notes
Note: 3.64/5
(3.64/5 pour 11 avis)
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25/05/2002 | Thorn
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L'avatar du posteur Le Grand A

Je vais sauter les présentations. Si vous ne connaissez pas encore Mother Sarah, référez-vous au synopsis et passons sans tarder à ce qui fait de cette série une lecture indispensable pour tout amateur de survivor en milieu hostile. Déjà je pense que c’est une erreur de considérer Mother Sarah comme n’importe quel autre récit se déroulant dans un monde post-apocalyptique ravagé par le feu nucléaire, car ce qui fait toute la force de cette histoire c’est la façon dont elle est racontée et qu’au-delà des aspects récurrents du genre auxquels Mother Sarah n’échappe pas, il y a un vrai propos intelligemment traité. On pourrait penser au début que l’histoire penche vers un Hokuto No Ken au féminin, avec un personnage qui va d'une cité à l'autre répandant la justice à coups de tatanes et de poings dans la tronche, mais en fait c’est tout à fait différent. Sarah n’est pas du tout intéressée pas les conflits opposant les belligérants Mother Earth et Époque et à aucun moment elle ne prend position pour un des deux camps ou pour quelque idéologie que ce soit. Elle, tout ce qui l’intéresse c’est retrouver ses enfants perdues. Les seuls moments où Sarah prend part à l’action c’est lorsque des ennemis se mettent en travers de sa route ou représentent un obstacle dans sa quête pour retrouver ses gosses. On a donc un personnage qui se fait une sorte de témoin des évènements en cours et c’est à travers ce point de vue neutre que le lecteur regarde cette humanité s’entretuer et régresser dans l’avilissement. Une humanité dont Katsuhiro Otomo dresse un portrait tragique et réaliste rompant avec les théories rousseauistes qui voient en l’homme un être fondamentalement bon. Ainsi, même après l’agression nucléaire qui aurait dû déboucher sur la démilitarisation des deux armées, ces dernières n’ayant plus de raisons idéologiques pour s’opposer, les guerres reprennent pourtant de plus belle. Ce que montre Mother Sarah c’est que la guerre entraîne la guerre comme un cauchemar qui se répète inlassablement, les soldats ne s’interrogeant guère sur les raisons de pourquoi ils la font, seulement que l’ennemi c’est celui qui pense différemment et qu’on est toujours persuadé d’appartenir au camp du bien alors que s’ils voyaient ce qu’il se passe en coulisse, ils comprendraient que le véritable ennemi est celui situé dans les hautes sphères du pouvoir et commande les troupes comme des marionnettes. Cette violence, cette colère et cette haine de l’autre est marquée au fer rouge dans le cœur des soldats, des familles des victimes « martyrs de la paix », qui la transmettront à leur descendants perpétuant ainsi ce cercle vicieux. Cette prédisposition à la violence se reflète particulièrement à l’encontre des femmes, notamment Sarah qui on peut le dire a eu une chienne de vie (croyez-moi quand je vous dis qu’elle en bave du premier au dernier tome). Ici les hommes maltraitent les femmes comme ils maltraitent la Terre. Sarah c’est un peu l’incarnation en chère et en os de Gaïa, la Terre mère. Pas pour rien si le titre s’appelle "Mother Sarah". Face à ces agressions répétées Sarah va rendre coup pour coup et rendre aux hommes (ou les humains au sens large) la monnaie de leur pièce. Mother Sarah c’est en faite une parabole invitant à la déférence et à montrer de la considération pour cette chose sur laquelle nous vivons et qui s'appelle la Terre. En retrouvant ses enfants, Sarah aspire à revenir à un état antérieur, la nostalgie d’un temps passé originaire. En incarnant allégoriquement cette Terre mère, Sarah fait la leçon aux hommes comme à des enfants qui se seraient égarés et qu’une mère corrigerait pour remettre sur le droit chemin. La conclusion du récit m’a plu car elle est complètement raccord avec ce qui s’est passé tout du long. Le comportement des hommes ne changent pas, les choses vont continuer comme avant, Sarah a beau se montrer empathique et une fervente humaniste, elle ne peut influer sur l'Histoire. Elle montre que tout ce que l’on peut faire pour rendre le monde meilleur est d’agir à sa petite échelle, de façon locale, se sont nos petites actions qui favoriseront l'émergence d'un monde plus paisible. Et que dire du dessin de Takumi Nagayasu ! Qu’il est techniquement irréprochable, soigné à la perfection. Que son style réaliste est terriblement attrayant même pour des européens réfractaires à la base aux mangas. D’ailleurs, la mise en scène et le découpage sont très déconcertants, dans le bon sens du terme. Chaque tome fait à peu près dans les 130 pages en moyenne et la qualité du dessin est telle qu’on a envie de s’attarder sur chaque case pour mater tous les petits détails (miam ! l’engin ultra rapide du mécano Maggy). Et pourtant cela se lit très vite, c’est dynamique, les cadrages ont un côté très cinématographique qui donne l’impression qu’on est en train de mater un film, un peu comme si chaque case correspondait à un plan. Nagayasu fait preuve de beaucoup d’imagination pour créer ces nouvelles sociétés fragiles en reconstructions, tout comme sur les superstructures et les stations orbitales. C’est un travail titanesque réalisé par un seul homme. Franchement Mother Sarah est juste culte. En plus c’est court pour un manga, 11 tomes seulement. Donc plus d’excuses pour ne pas sauter le pas.

16/10/2015 (modifier)