Le Système (The System)

Note: 3/5
(3/5 pour 3 avis)

Présentation de l'éditeur A mi-chemin de la fiction et de l'essai sociologique, entrecroisant une multitude de thèmes et de personnages, Le Système de Peter Kuper est une fresque impressionnante sur la vie dans les grandes cités contemporaines. Le "système" décrit est celui de l'argent, de la corruption, des trafics de toutes sortes, l'engrenage de la cupidité et de la violence.


BD muette DC Comics Les coups de coeur des internautes Vertigo

Le Système de Peter Kuper est une fresque impressionnante sur la vie dans les grandes cités contemporaines. Toutes sortes de thèmes et de personnages s’y entrecroisent : une élection présidentielle, le meurtre d’une strip-teaseuse, un trafic de drogue impliquant des policiers, le tout en un tourbillon, celui de l'argent dont les flux rythment le tempo des grandes cités contemporaines.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Avril 2004
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Système © NADA 2004
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 3 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
L'avatar du posteur Présence

Des actions plus parlantes que des mots - Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre, initialement parue en 1996, sous la forme d'une minisérie de 3 épisodes publiés par Vertigo. Cette histoire est écrite, dessinée et mise en couleurs par Peter Kuper qui a réalisé toutes les cases au pochoir. À New York, un monsieur en costume avec un catogan entre dans un club de stripteaseuses. Une fois son numéro fini, celle sur scène se rend dans les loges et se change. Elle sort dans la rue, allume une clope et achète un journal. Elle descend dans le métro où elle se fait sauvagement poignarder par un assaillant dont l'identité demeure masquée. La rame de métro continue son chemin et passe devant l'appartement de l'inspecteur de police McGuffin, qui picole pour oublier une bavure qu'il a commise et qui a coûté la vie à garçon innocent. Un pigeon passe devant sa fenêtre, et son vol l'amène au dessus d'un équipage de benne de collecte des ordures ménagères, qui passe devant un SDF, etc. Dans la page d'introduction, Peter Kuper se demande encore comment il a pu avoir le courage (ou l'inconscience) de réaliser autant de cases au pochoir, en découpant autant de surfaces. Cette histoire d'environ 80 pages est singulière à bien des points de vue. Pour commencer, Peter Kuper est un artiste qui est également coéditeur du magazine de bandes dessinées World War 3 Illustrated (1979-2014). Ensuite, il a réalisé cette histoire avec un mode de représentation qui défie l'entendement. Au-delà du caractère contraignant de cette façon de réaliser les images, le résultat marque l'imagination. Il ressort comme un mélange d'art de la rue (graffitis sophistiqués figuratifs), et de dessins réalisés aux crayons de couleurs. Loin de ressembler à des compositions abstraites ou anémiques, ces dessins regorgent de détails qui établissent une continuité resserrée, par le biais de leitmotivs visuels (objets ou personnages). Cette histoire est également singulière dans la mesure où elle est dépourvue de tout texte (il n'y a que quelques manchettes de journal et quelques enseignes qui comprennent des caractères alphabétiques formant des mots). Peter compose des pages et des séquences d'une grande intelligence. D'un coté, la densité d'informations visuelles contenues dans chaque page conduit à une lecture mesurée, dépassant largement la demi-heure pour la totalité de l'ouvrage. de l'autre, le savant dosage de Kuper fait que le lecteur n'a pas l'impression de peiner à assimiler toutes les informations contenues dans chaque case. Lorsque cela s'avère nécessaire, il n'hésite pas à répéter ces informations visuelles pour que le lecteur distrait ne perde pas le fil (par exemple le rappel des marques Syco et Maxxon). Au départ, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il se concentre donc sur chaque dessin pour être sûr de ne pas rater une information qui pourrait avoir une importance dans une séquence suivante. Ainsi dans la première case, il relève l'affiche sur la personne disparue s'appelant Betty Russell, le message défilant relatif aux 2 candidats pour l'élection à venir, le SDF en premier plan à gauche de l'image, le taxi qui passe, et la moitié de médaillon représentant le symbole du Système. L'absence de texte confère un caractère ludique à la lecture, une sorte de puzzle visuel que le lecteur doit recomposer, au fur et à mesure qu'il se produit des associations visuelles entre 2 éléments. Dès la deuxième page, le lecteur a repéré le fil conducteur : à chaque fin de séquence, il y a un élément visuel qui fait le lien avec la suivante. Il peut s'agir d'un personnage qui passe par le même endroit que le personnage central de la séquence en cours, ou d'un motif visuel récurrent (le rectangle d'une bouche de métro). Ainsi, le lecteur découvre les différents personnages récurrents qui offrent autant de point de vue sur la vie dans la cité, et sur les activités professionnelles : la stripteaseuse, l'inspecteur de police, le dealer de rue, le SDF, le graffeur, le prédicateur, le monsieur qui rend visite à son ami hospitalisé, le flic corrompu, le chauffeur de taxi pakistanais, l'agent de change, la chanteuse dans le métro, etc. À nouveau les dessins font des merveilles pour que chaque personnage soit immédiatement identifiable, sans doute possible. Même si aucun personnage ne parle, leurs actes en disent long sur la société qu'ils incarnent : trafic d'influence en tout genre, vente de charmes féminins, trafic de drogue, intimidation au nom de la religion, dégradation de l'habitat urbain au nom de l'art éphémère, corruption, violence urbaine, etc. Peter Kuper réussit avec maestria à relier tous ces thèmes au travers des différents personnages, avec une facilité impressionnante. Malgré ces thèmes sombres, "The system" n'est pas un récit noir et désespéré. Kuper les contrebalance avec des moments ordinaires de la vie, et même certains moments de joie. le récit perd un peu de sa force narrative quand Kuper s'appuie sur des stéréotypes spectaculaires (de type attentat à la bombe) qui semblent exagérés dans la veine réaliste du récit. Cela reste un défaut mineur par rapport à l'ampleur du récit, et la réussite spectaculaire de cette narration sans paroles. de temps à autre, Kuper s'autorise à s'échapper à bon escient de cet environnement urbain pour des visions magnifiques, dont une de la savane et une autre du vol autonome d'un être humain). La lecture de "The System" plonge le lecteur dans un quotidien très urbain, où il devient participatif, obligé d'exprimer en son for intérieur ce qui est montré. Cela induit un degré d'implication plus important que pour une lecture normale, mais sur un mode plus ludique que contraint. Kuper utilise une narration chorale parfaitement maîtrisée qui fait émerger les liens qui existent entre individus, sous formes de conséquences, d'ondes se propageant à la surface de la société.

17/04/2024 (modifier)
Par Erik
Note: 2/5
L'avatar du posteur Erik

Je n’ai généralement pas de problème avec les albums où les images se succèdent sans la moindre bulle de dialogue ou de narration explicative. Cependant, il y en a certain où j’éprouve des difficultés de compréhension notamment lorsque l’histoire est complexe. En l’espèce, il y a un assassinat dans le milieu du streap-tease suivi d’un complot politique sur fond d’élection présidentielle. On n’arrive pas vraiment à faire le lien entre les deux affaires d’autant que la suite va virer au crime racial et au projet d’attentat terroriste sauf erreur de ma part. Bref, la clarté ne sera pas la qualité de cette œuvre. Dès lors, l’intérêt s’amenuise littéralement.

05/08/2011 (modifier)

Né en 1958, Peter Kuper vit et travaille à New York. Il anime depuis 1979 World War 3 illustrated, une revue de bandes dessinées politiques. Outre les séries "Topsy Turvy" dans le New York Daily News, qui met en boîte les têtes d'affiche de la politique américaine, et "Spy vs Spy" dans Mad (depuis 1997), il fournit quantité d'illustrations à la presse et est l'auteur de nombreux ouvrages, dont une adaptation graphique de La Métamorphose de Kafka. Attirée par le dessin très particulier, qui n'est pas sans évoquer par son trait et sa palette, celui de Mattotti, j'ai emprunté ce one-shot sans la moindre idée de son contenu. On est en fait dans une suite d'histoires courtes qui ont toutes pour dénominateur commun, l'argent et la violence dans un univers urbain symbolisé par le métro, les buildings et les ruelles sombres, mais aussi les écrans de télévision ou d'ordinateur. Bref, un univers hostile, qui durcit les rapports entre les individus. La circulation de l'argent sert de fil rouge entre ces différentes tranches de vie. Or, pour dépeindre cet univers, Kuper emploie des couleurs chatoyantes, lumineuses et sensuelles, dessine des lignes aux contours épais, magnifiques, assez décalés avec le sujet de l'album. L'intention de Kuper, en effet, est de dénoncer le système régi par l'argent, qui engendre cupidité, corruption et violence. C'est très froid, et je n'ai pas du tout accroché car cet enchaînement de brefs instants dans la vie de citadins, victimes, agresseurs ou simples témoins, sans dialogue, tient à distance le lecteur, de mon point de vue. Alors, le propos si intéressant soit-il, rate un peu son objectif malgré une approche formelle originale, car on sent trop la démonstration derrière un semblant de scénario qui tient davantage de l'exercice de style oubapien que d'une réelle fiction. Dommage.

16/10/2006 (modifier)