Mauvaises Herbes

Note: 5/5
(5/5 pour 1 avis)

D'après le témoignage d'une esclave sexuelle durant la guerre du Pacifique.


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1943, durant la guerre du Pacifique. La Corée est sous l’occupation du Japon. Sun, une jeune fille de 16 ans, est vendue par ses parents adoptifs comme esclave sexuelle à l’armée japonaise basée en Chine. Après avoir vécu soixante ans loin de son pays, Sun revient sur sa terre natale. Le moment de raconter son histoire bouleversante est venu. Il fallait bien un roman graphique copieux pour donner corps au destin tragique de cette adolescente condamnée à la prostitution, la violence, l’opprobre et l’exil. Le témoignage de Lee Oksun ne se contente pas de rappeler l’esclavage sexuel organisé par l’armée impériale (ce que nient encore les nationalistes japonais), mais montre également les responsabilités de certains Coréens et le rejet social dont ont été victimes les rescapées.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 26 Septembre 2018
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Mauvaises Herbes © Futuropolis 2018
Les notes
Note: 5/5
(5/5 pour 1 avis)
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09/05/2024 | Smart Move
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Keum Suk Gendry-kim est une autrice et traductrice sud-coréenne. Elle a d’abord étudié à Sejong avant de rejoindre Strasbourg et qui, après quelques années en France, est retournée vivre en Corée. En plus de ses nombreux travaux de traduction, elle est à la fois l’autrice de bande dessinée jeunesse (dont certaines inédites en francophonie) et de bandes dessinées autobiographiques et reportages. Son ouvrage, "Les Mauvaises Herbes" est paru une première fois aux éditions Delcourt en 2018. Il a été publié en 7 langues et a reçu de nombreux prix à travers le monde. Il ressort aujourd’hui aux éditions Futuropolis et mérite amplement un nouveau coup de projecteur Les « Mauvaises Herbes » est une histoire vraie. Elle est basée sur le témoignage et les souvenirs d’une dame, Lee Oksun, que l’autrice rencontre au détour de la visite d’un centre pour « femmes de réconfort ». Les femmes de réconfort, c’est ainsi que l’on appelait les esclaves sexuelles de l’armée japonaise, en 1943, en pleine guerre du Pacifique. A l’époque, la Corée se trouvait sous occupation nippone. Oksun, a 16 ans et est vendue par ses parents adoptifs comme esclave sexuelle à l'armée japonaise basée en Chine. Après avoir vécu 60 ans loin de son pays, Sun revient sur sa terre natale. Sa rencontre avec Keum Suk Gendry-kim va lui permettre de relater l’enfer qu’elle a vécu à l’époque… un enfer qu’elle décrit de façon très factuelle et qui ne fait que souligner l’horreur qu’on vécues des tas de femmes durant cette période méconnue de l’histoire. C’est un ouvrage long de 500 pages que nous propose l’autrice et, le moins que l’on puisse dire c’est que la force et la puissance de ce témoignage nous fait difficilement arrêter la lecture. Keum Suk Gendry-kim alterne sa narration entre ses rencontres avec une Oksun âgée et le récit imagée de la jeunesse (et du calvaire) de cette dernière. En ce sens, l’histoire rappelle Maus un autre grand témoignage en bande dessinée récit qui lui aussi alternait entre l’horreur des camps de concentrations et le témoignage qu’un homme en faisait à son fils. Keum Suk Gendry-kim relate avec beaucoup de simplicité et de force un récit empli de tristesse, de violence, voire parfois d’un certain nihilisme. Le détachement avec lequel Oksun raconte certains passage de sa vie en captivité est parfois glaçant. On a le cœur brisé pour cette femme qui tant bien que mal, construite , s’est construite une vie malgré les horreurs qu’elle a vécu enfant et jeune femme. De son propre aveu, Oksun semble avoir fait le deuil d’un bonheur qu’elle n’aura finalement jamais connu. La narration que propose Keum Suk Gendry-kim est à la fois dure, pudique et très poétique. On ressent au plus profond de notre chaire les brimades, les humiliations et l’injustice que vivent Oksun et ces autres « femmes de réconfort ». On se sent finalement impuissant face à une profonde et honteuse injustice qui, malheureusement fait partie d’une histoire trop peu racontée. Le trait de Keum Suk Gendry-kim est fascinant. Son dessin est en noir et blanc, son trait est « gras », réalisé au pinceau et à la plume (nous semble-t-il) et constitué de gros aplats noirs. C’est un dessin aussi brut que l’histoire qu’il raconte (et sans doute que le témoignage d’Oksun) et dont parfois ressortent des vrais moments de grâces, notamment dans la représentation de la végétation (dont les « mauvaises herbes » qui ont, en partie, inspiré le titre) et de certaines scènes entre ces différentes femmes de réconfort. Cet ouvrage est véritablement un témoignage coup de poing. A titre personnel, c’est une partie de l’histoire que je ne connaissais que trop peu, voire pas du tout. Découvrir le traitement que ces femmes ont subies il y a à peine 80 ans (quasiment rien à l’échelle de l’histoire humaine) a quelque chose de profondément choquant, déstabilisant, éprouvant… La vie d’Oksun, telle que décrite dans ce livre, a été une succession d’épreuves et d’injustices. Des épreuves que la jeune femme a traversé avec une colère étouffée et, parfois, une résignation perturbante et glaçante. Quand on réalise à quel point la situation de cette jeune femme et de ses camarades d’infortunes était désespérée (ainsi que celle, dans une moindre mesure, de certains des militaires japonais, pris eux aussi dans un engrenage malsain), on ne peut que saluer la force de caractère et d’abnégation de cette femme qui se sera, envers et contre tout, accrochée à un instinct de survie. Un instinct de survie dans tout ce qu’il a de plus primaire. Une volonté de vivre qui lui aura permis de croiser la route de Keum Suk Gendry-kim et de faire en sorte que son histoire ne soit jamais oubliée « Les Mauvaises Herbes » est un récit dévastateur qui ne vous laissera pas indemne. Une histoire froide et profondément humaine qui donne, enfin, une voix, à celles qui en ont été privées pendant trop longtemps. Une histoire qui, nous l’espérons, accordera à leur courage toute la place qu’il mérite dans l’histoire de l’humanité.

09/05/2024 (modifier)