Une rainette en automne (et plus encore...)

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)

Angoulême 2023 - Prix révélation


Angoulême 2023 : les gagnants ! Format à l’italienne Les Grenouilles Une image par page

Une rainette (éclose au printemps dernier) fait la rencontre de deux crapauds vagabonds qui ont capturé le fantôme d’une fleur de Shungiku tout juste fanée. L’esprit aspire à rejoindre les tropiques, tout comme les deux crapauds. La rainette décide alors de les accompagner dans leur périple vers le sud. Il s’agit, le temps d’une saison, de suivre la vie d’une petite grenouille qui expérimente tout pour la première fois. En chemin, la rainette rencontre des souris, des chats, des chiens, des arbres, des kakis, et autres êtres vivants fascinants. Ce récit initiatique se présente sous la forme d’un road-trip méditatif parsemé de réflexions sur la vie.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 04 Novembre 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Une rainette en automne (et plus encore...) © Editions de la Cerise 2022
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
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30/12/2022 | grogro
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Par Blue boy
Note: 3/5
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Quand la bande dessinée rejoint le livre d’art… Mis en valeur par les Editions de la Cerise, qui ont la passion du papier chevillé au corps, ce petit ouvrage bénéficie d’un écrin délicat (format à l’italienne et dos toilé) pour un récit qui ne l’est pas moins. Linnea Sterte nous propose une fugue pleine de poésie, telle une invitation à abandonner tout nos repères en se mettant dans la peau d’une grenouille qui a décidé de tailler la route. Ceux qui chercheront ici une narration palpitante et cohérente ne suivront pas cette rainette et ne feront que passer leur chemin. L’objet sera plutôt destiné à ceux en quête de petites anecdotes insignifiantes jalonnant une escapade aléatoire et plutôt contemplative, sans but précis, si ce n’est celui du dépaysement et de la découverte dans un monde rendu plus vaste que celui des humains, notamment par la taille des créatures. Un périple empreint de douceur où l’on peut transporter avec soi les esprits des fleurs, où les fruits font résonner de mystérieuses mélodies et où les arbres peuvent devenir rouges de colère contre les saisons. Ce faisant, la jeune autrice suédoise nous convie à écouter et observer le petit peuple des champs et des étangs, ce peuple que l’humain ne voit pas ou ne veut plus voir, aveuglé par la certitude de sa toute puissance. Comme une écriture, son dessin très sobre ne manque pas de charme, évoquant les estampes asiatiques. Tiges, feuilles et branches des végétaux s’enroulent et se déroulent en pleine page, formant des motifs ou des frises, au même titre que les paysages élargis par l’horizontalité du format à l’italienne. Aucun lieu précis n’est évoqué, mais certains éléments laissent à penser que l’histoire à pour cadre le Japon, ne serait-ce que par cette très belle représentation d’un volcan qui pourrait être le Fujiyama, ou par l’apparition de cette fillette en kimono juchée sur un arbre. Récemment récompensée par le prix Révélation à Angoulême, Linnea Sterte, sincèrement émue, avait du mal à réaliser ce qui lui arrivait. Peut-être parce que comme sa rainette, elle a suivi son chemin uniquement pour la beauté et l’amour de l’instant présent, englobant son art, ce qui lui a permis de créer ce conte modeste et intemporel ayant séduit de manière fort compréhensible le jury angoumois.

30/05/2023 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Il faut saluer ici le travail d'édition remarquable des Editions de la Cerise. Cette petite BD au format italien et dos toilé est déjà très engageante. L'objet annonce la couleur (si je puis dire) : le lecteur sera immergé dans une ambiance des plus japonisantes. Et puis en feuilletant, on découvre le dessin absolument délicieux de Linnea Sterte, et là, c'est mon cœur qui fond. Après m'être renseigné sur l'autrice, je réalise qu'il y a quelques années, j'avais vu passer sa bande-dessinée précédente intitulée In-Humus qui n'avait alors pas plus retenu mon attention que cela. Il faut dire que son dessin a évolué, et moi aussi. Mais revenons à notre petite rainette. Graphiquement, c'est un pur coup de cœur. J'adore ce trait fin et ciselé, cette science du détail qui permet de déceler des raffinements jusque dans les fonds obscurs représentant des scènes nocturnes. J'aime le choix de ce monochrome bleuté qui redonne toute sa dimension au dessin. Je suis admiratif de cette ligne minimale qui souligne un relief, ouvrant la page sur l'immensité du paysage, et aère la tête ! On songe à ces dessins pariétaux où un trait unique évoque à la perfection et de manière évidente la silhouette d'un mammouth. Et bien entendu, on songe également aux maîtres du manga, les Tsuge, Mizuki et Cie... Il y a d'ailleurs dans cette histoire la même poésie. Tout est léger comme les flocons qui viendront conclure de manière ouverte cette histoire feutrée. En outre, il flotte dans l'air un humour tendre. L'histoire tient sur un confetti, et le résumé que l'on trouve un peu partout sur le net se suffit à lui-même. C'est un petit conte initiatique, genre malheureusement tombé un peu en désuétude. Mais ces histoires de trois fois rien (que j'affectionne tant) racontent souvent beaucoup. C'est par le peu qu'elles nourrissent l'esprit, avec une économie empruntée à l'art japonais. C'est le cas ici. Sans s'attarder, on y rencontre des esprits : celui d'un jeune arbre tordu sous les traits d'une petite fille en kimono, celui d'un vieil arbre dépeint comme un étrange humanoïde non genré, et bien sûr celui de la fleur de shungiku capturé par les crapauds (cf. résumé) que le lecteur ne verra d'ailleurs jamais. On rencontre des chiens, des chats, des souris, mais nul conflit. Tout ce petit monde cohabite le plus naturellement du monde, les chats conseillant par exemple à nos crapauds en vadrouille une excellente auberge tenue par la même famille de souris depuis 58 générations... Cette aventure à l'échelle de rainette et pleine de poésie m'a totalement conquis. Je suis à deux doigts de penser qu'on tient là un petit chef d'œuvre. Mais je ne voudrais surtout pas survendre la chose. Entendons-nous bien : par "petit chef d'œuvre", j'entends ici un "petit bijou", un trésor fragile rapporté de mes pérégrinations et objet de sentiments tout à fait personnels tel un coquillage trouvé sur la plage, une plume ramassée au détour d'une balade, un caillou de poucet aux couleurs irisées... Tous ces bidules appelés à rejoindre la boite aux secrets planquée derrière les rayonnages de la bibliothèques. Voilà ! une rainette en automne, c'est tout à fait ça ! Ce livre magnifique fait partie de la sélection pour Angoulême. Restons toutefois réalistes : ce ne sera pas le futur Fauve d'Or. Ce n'est pas suffisamment Grand Public. Elle recevra peut-être une distinction, ce qui serait bien entendu une juste reconnaissance, mais franchement, à la lecture, on est loin, bien loin de toutes ces considérations. La rainette n'est pas une bête de course. C'est une BD qui se savoure dans la solitude et le calme. Et c'est très bien ainsi !

30/12/2022 (modifier)