Polly (La Joie de Lire)

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)

Ni fille, ni garçon.


Auteurs suisses Douleurs intimes La BD au féminin Les petits éditeurs indépendants Transidentité

Dès sa naissance, Polly fait l’objet d’un incessant questionnement. Polly, il ? Polly, elle ? Vite, vite, rangeons Polly dans une catégorie. Le médecin presse les parents de faire un choix : Polly sera garçon. Mais voilà, arrivé à l’âge adulte, Polly est pris d’un doute… Lui, un garçon ? Vraiment ? Et il ne se sent pas fille pour autant… Le dramaturge Fabrice Melquiot livre le récit d’un superbe parcours intérieur qui devient peu à peu une lutte contre la société et son obsession du conformisme. La troublante beauté des illustrations d’Isabelle Pralong achève de faire de Polly un roman graphique unique, sur une thématique encore trop peu abordée en littérature.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Août 2021
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Polly (La Joie de Lire) © La Joie de lire 2021
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

07/05/2022 | Noirdésir
Modifier


L'avatar du posteur Deretaline

J'ai l'impression d'enchaîner les coups de cœurs sur le site depuis quelques temps, je m'en excuse, mais j'ai le cœur sensible et il me faudrait bien du temps pour retrouver, relire et aviser toutes les séries que j'avais lues dans ma jeunesse et mon adolescence (forcément, cela équilibrerait mon ratio d'avis dithyrambiques et plus posés). Je pourrais essayer d'embrayer avec le sujet de l'album en vous parlant de ma peur du regard d'autrui, du fait que je craigne à chaque fois que j'avise d'être jugée négativement par des inconnus, que comme tout le monde je recherche une validation, à être acceptée dans la société, que comme tout le monde je suis intrinsèquement différente et que j'essaye de dissimuler ou de tordre cette différence pour vivre parmi les autres, quitte à rentrer dans des cases étriquées que le nombre nous impose. Si je vous embête en vous racontant ma vie, en enfonçant des portes ouvertes, ce n'est que parce que je ne sais comment vous transmettre autrement le fait que cet album a fait mouche, a su résonner en moi. Je n'ai jamais su répondre autrement aux échos empathiques d'autrui qu'en partageant les miens. Une histoire pour une histoire. Je ne suis pas personnellement concernée par le sujet de l'intersexualité, je ne suis même pas sûre d'avoir la moindre légitimité pour m'exprimer sur le sujet, mais pourtant le récit a fait écho avec ma vie, c'est sans doute aussi pour ça qu'à la fermeture l'album m'a laissée bien pensive. Je suis neuro-divergente, je suis queer, je suis transgenre aussi, j'ai dû me battre pour des questions de sexe et de genre depuis toute petite alors même si je suis loin d'avoir vécu la vie de Polly j'ai su reconnaître l'expérience, le poids du regard des autres, le sentiment que notre propre corps n'est pas vraiment nôtre mais finalement un objet social sur lequel le plus grand nombre semble avoir tout pouvoir. L'intersexualité, le fait que bon nombre de personnes à travers le monde naissent parfaitement en dehors des spectres mâles et femelles et, par là-même, invalident et remettent en question la totalité des fondements de ségrégations de sexes/genres que la société et ses individus tentent désespérément d'imposer depuis si longtemps, est un sujet important à mettre en lumière. Comme nous le rappelle l'album, encore aujourd'hui des enfants sont opéré-e-s sans consentement (de la personne concernée en tout cas) pour satisfaire le besoin malsain qu'ont encore beaucoup de gens de vouloir que tout se conforme à une vision du monde fixe, immuable, qui ne soit jamais remise en question pour que le monde tel qu'iels le visualisent reste inchangé. Nous sommes abreuvé-e-s d'histoires sur la différence, sur l'impossibilité d'une parfaite similarité entre chaque individus humains, sur la puissance du libre arbitre et sur la complexité de la nature humaine qui cherchera toujours à se démarquer et paradoxalement cherchera continuellement à se rapprocher des autres et à créer des liens. Pourtant, même si nous connaissons tous-tes (ne serait qu'inconsciemment) le besoin de liberté d'expression personnelle, le besoin de tout-un-chacun de pouvoir vivre en société sans que son existence-même soit remise en question, la réalité est bien différente. Les gens vantent l'individualité et les personnes atypiques tout en écrasant toute forme d'expression ou d'existence trop divergente à leur vision du monde. J'ai du mal à m'exprimer, je m'en excuse. J'essaye de retransmettre le ressenti que j'ai eu à la fin de cette histoire, j'essaye de faire passer par mes mots maladroits que la prose de Fabrice Melquiot m'a laissée avec un joli silence à la fermeture de cet album. L'expérience est simple, vive, similaire à plusieurs témoignages que j'ai entendus de ci de là pour des situations du même genre, le récit sonne réel et pourtant tout l'album baigne dans une forme étrangement flottante, poétique même. Les mots, les pensées de Polly, ses réflexions et son récit m'ont parus beaux, justes. Lui-Elle se cherche, cherche à trouver sa place, dans un monde qui ne comprend pas et ne cherche pas à comprendre comment quelqu'un comme lui-elle puisse exister, comme si sa simple existence devait être corrigée. J'ai particulièrement aimé sa discussion avec Ti-Mana, pleine de bons mots, de jeux sur les mots, pour donner un sens à sa vie, pour choisir son sens on pourrait dire. Polly (re)découvre ce que lui-elle est, ne cherche plus à rentrer dans les cases imposées, commence enfin à vivre sa vie selon ses règles et à se trouver définitivement beau-belle. Polly ne rentre pas dans les cases, qu'à cela ne tienne : Polly cochera à côté. Le travail graphique d'Isabelle Pralong est intéressant. Similaire à un carnet, plein de tâches, quelques ratures et avec un dessin simple qui ressemble à des esquisses faites à la volée, brut et ne rentrant pas dans l'image d'une bande-dessinée classique, professionnelle, mais sincère. J'ai beaucoup parlé de moi dans cet avis, je me suis aussi pas mal répétée j'ai l'impression, des défauts récurrents chez moi, j'en ai honte, je vous présente mes excuses. Mais je vais essayer de prendre à cœur l'une des nombreuses idées que l'on pourrait tirer de cet album et accepter que je puisse paraître bizarre aux yeux d'autrui et me contenter d'essayer de vivre ma vie en tant que moi-même. Bon, j'insiste sur le mot "essayer", parce que je reste une lâche et que je courbe quand-même souvent l'échine pour me faire accepter, mais le positif c'est que j'essaye de m'améliorer ! (Note réelle 3,5)

12/11/2025 (modifier)