La Mécanique du sage

Note: 3.4/5
(3.4/5 pour 5 avis)

Angoulême 2021 : Prix de l'audace Edimbourg, début du XXe siècle. Charles Hamilton a tout pour être heureux: un confort financier qui le met à l’abri du besoin, des nuits bien remplies et des journées oisives juste ce qu’il faut. Et pourtant, après la fête, c’est la descente. Victime de troubles de l’humeur, de hauts et de bas, Charles Hamilton se sent en alternance. Déçu par l’amour, Charles est néanmoins père d’une petite Sophia, mais ne voit pas là de quoi combler ce vide existentiel qui l’habite. Ce qu’il lui faudrait c’est un exemple – un maître, un sage, là, au fond de son jardin.


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En s’inspirant de l’histoire (réelle) de Charles Hamilton et de son «ermite ornemental», Gabrielle Piquet traque des maux bien modernes – recherche d’un bien-être perpétuel, positivisme à tout crin – et nous interroge sur cette dictature du bonheur qui voudrait éradiquer de nos vies toute forme d’aspérité, comme si la vie ne pouvait, ne devait être que réjouissance et béatitude. On retrouve dans La Mécanique du Sage toutes les qualités qui faisaient déjà le charme de La Nuit du Misothrope: un dessin aux influences retro tout en élégance, une écriture mélodieuse d’une grande finesse, avec un prime une touche d’ironie et un humour pince-sans-rire du plus bel effet.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 17 Janvier 2020
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série La Mécanique du sage © Atrabile 2020
Les notes
Note: 3.4/5
(3.4/5 pour 5 avis)
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15/03/2021 | Ro
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L'avatar du posteur Noirdésir

C’est avec cet album que je découvre cette autrice, au travail assez atypique, original. Le rendu des dessins (et je trouve que la narration accentue cet aspect) est proche de certains dessins de presse anciens, proche du travail d’illustrateurs du XIXème siècle. Il y a quelques accointances avec le dessin de Sempé aussi. Pour le reste, cette histoire prend le temps de se développer, lentement, avec une mise en page aérée (pas de gaufrier ni de cases, peu de décors), autour d’un riche héritier écossais et sa fille, qui tous les deux cherchent la recette du bien-être. L’essentiel des textes sont en voix off, avec une narration dépassionnée, extérieure, comme si ces personnages commentaient, analysaient leur propre vie, leurs choix. Quelques moments dramatiques, quelques pincées d’humour (léger), et une chute amusante : comme si toute cette histoire n’était là que pour nous expliquer la mode des nains de jardins… Au final, je ressors avec un avis mitigé. La forme est originale, l’histoire peut intéresser, mais j’ai traversé cet album en ayant à plusieurs reprises été tenté de décrocher – même si je ne regrette pas ma lecture. Mais je ne pense pas y revenir.

30/04/2022 (modifier)
Par dédé
Note: 4/5

Étrange, différent, La mécanique du Sage tient plus du livre illustré, mais on se laisse volontiers emmener. Assez de la course au bonheur non stop, place à la poésie ?

23/08/2021 (modifier)
Par cac
Note: 3/5
L'avatar du posteur cac

Entame difficile pour ce one-shot. Il faut s'habituer au dessin tout fin et épuré et sa mise en page aérée, une narration sans case avec le texte à côté. Mais c'est surtout ce texte justement qui ne rend pas la tâche facile même si je lui reconnais une très bonne qualité d'écriture. Pas évident de se passionner pour la biographie du oisif Charles Hamilton, à tel point que j'avais laissé de côté ma lecture avant de tout reprendre à zéro quelques semaines plus tard. Dix ans après ma lecture de Les Enfants de l'envie de la même auteur, la mécanique du sage présente la vie d'un bourgeois écossais, héritier à l'abri du besoin, qui cherche un certain sens à sa vie. La relation avec sa fille qu'il élève seule, une 'pulmonaire' qu'il enverra prendre l'air au bord de mer, est particulière. Celle-ci vit ses premiers émois envers le fils du directeur de la pension où elle est placée, mais il la fuit sans qu'elle en comprenne les raisons. La fin se laisse mieux lire et on finit par suivre les errements excentriques de ces protagonistes, une certaine poésie à la Boris Vian, jusqu'au climax final du nain.

23/04/2021 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Il y a six ans, j’avais découvert Les Idées fixes et j’avoue être tombé sous le charme. Cette bande dessinée m’avait laissé une très bonne impression, malgré sa forme quelque peu déroutante, grâce à la merveilleuse poésie qui s’en dégageait… Gabrielle Piquet confirme avec ce nouvel opus son style très particulier, ainsi que son audace, très légitimement récompensée lors du dernier Festival d’Angoulême. Gabrielle Piquet réussit à nous immerger très vite dans son récit atypique en utilisant les codes de la fable. De nombreux qualificatifs viennent à l’esprit, mais ce que l’on retient pour définir au mieux l’objet, c’est sa liberté et son intemporalité. Les cases restent ici accessoires, et le dessin, empreint d’une délicate poésie rétro, s’apparente à une écriture en symbiose totale avec le texte, qui, sous une apparente simplicité, est très travaillé. L’autrice insuffle de la mélodie à ses mots, qu’elle conjugue à une discrète espièglerie qui imprègne également son trait, provoquant souvent un sourire amusé chez le lecteur. Ce trait en question, d'un violet pâle, semble être tracé à main levée, sans aucun effet ostentatoire. Il reste d’une parfaite lisibilité, avec moult détails qui viennent souvent compléter le texte ou les dialogues. On pense beaucoup à Will Eisner et ses fables new-yorkaises, autant pour ce qui est du dessin que de la narration. L’histoire, qui se situe dans l’Écosse des années 1920, raconte le parcours chaotique d’un homme de bonne famille, Charles Hamilton, qui pourtant a « tout pour être heureux ». Car cet oisif épicurien à l’âme d’artiste, apprécié de son entourage, ne se satisfait plus de sa vie de riche héritier enclin à la fête et à la débauche. Quelque chose lui manque, et l’ennui le gagne peu à peu. D’une liaison amoureuse qui battra vite de l’aile et prendra fin avec la mort de sa bien-aimée, naîtra une enfant, Sonia. Souffrant d’une maladie pulmonaire, celle-ci est par ailleurs en proie à de fortes colères qui laissent son père désemparé. Après l’avoir placé dans un établissement spécialisé, Hamilton va renouer pendant une courte période avec sa vie dissolue, avant de se lasser à nouveau. Hanté par son aïeul qu’il voit comme un sage, il va acheter les services d’un « ermite ornemental », dont le rôle sera de se promener dans son jardin et d’inviter son propriétaire « à s’imprégner de son modèle et à assimiler pour lui-même ces signes extérieurs de sagesse ». Peut-être une manière de chercher à reconnecter avec Sonia, qui elle-même est en deuil de son premier amour, un gros garçon joufflu et immobile, que cette maigre fillette vénérait de façon platonique et unilatérale. Celle-ci va alors sombrer dans un mutisme mélancolique… Impossible de révéler la fin, mais la réconciliation entre le père et sa fille prendra des chemins pour le moins inattendus et pour tout dire, aussi drôles que jubilatoires… « La Mécanique du sage » constitue une lecture très agréable par sa fluidité. On apprécie pleinement la poésie et l’humour qui se dégage de cette jolie fable sortant des sentiers battus, sous-tendue par une réflexion philosophique sur le sens de la vie et de cette fameuse sagesse que chacun d’entre nous cherche à atteindre. Déconstruisant l’image d’Epinal du vieux sage barbu et imperturbable, Gabrielle Piquet nous montre peut-être que la sagesse n’implique pas obligatoirement de se renier soi-même, et nécessite même de conserver un petit grain de folie. Bouddha le disait lui-même : « L’insensé reconnaissant sa folie est sage, mais l’insensé qui se croit sage est vraiment fou »…

27/03/2021 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

En tant que BD, la Mécanique du sage surprend par sa forme et sa narration. Ce sont des grandes planches aérées comprenant de 1 à 4 dessins par page, au trait monochrome épuré dans les tons violets, sans paroles et uniquement soutenues par un texte narratif très présent. La narration s'approche de celle d'un roman avec une longue mise en place descriptive de la nature du héros et de sa biographie qui occupe près d'un quart de l'album. Ce n'est que vers les deux tiers de celui-ci que la paire qu'il va former avec sa fille prend véritablement forme et que l'on arrive au cœur du sujet. Charles Hamilton est un riche oisif écossais du début du 20e siècle. Il a tout pour être heureux mais ressent un vide existentiel qui s'apparente un peu à de la bipolarité, ses phases de fêtard insouciant succédant à de récurrentes périodes de dépression et de recherche de soi. Suite à un bref mariage raté, il se retrouve à vivre avec sa fille au fort caractère qui en veut à son père d'être en permanence absent, que ce soit à ses fêtes ou perdu dans ses pensées. Nous allons suivre la voie que chacun de ces deux là va tenter de prendre pour combler leur mal-être. Le premier va s'enticher d'une idée loufoque mais authentique au 19e siècle en Grande-Bretagne, celle de se procurer un ermite ornemental, à savoir un pauvre qu'il logera dans une cabane dans le jardin de sa propriété et qui aura comme rôle de vivre en ascète et de réciter des prières et autres poèmes devant son balcon pour lui inspirer la voie de la sagesse. La seconde, elle, va s'enticher d'un garçon qu'elle a rencontré lors d'un séjour dans un sanatorium pour enfants pulmonaires mais elle va avoir du mal à lever le voile de mystère sur le comportement mutique et distancié de ce dernier. C'est un récit un peu bizarre et intrigant. Son rythme lent et l'absence de paroles des héros le rend difficile d'accès. D'autant que, même si le dessin est plutôt sympathique, sa représentation des deux héros n'est pas très constante et on a parfois du mal à les retrouver dans les différentes scènes présentées, d'autant qu'il sont souvent sans expression. Il est donc légèrement ardu de s'attacher à eux et à leurs problèmes intimes, même si ceux-ci révèlent une certaine originalité et quelques surprises. C'est une BD qui sort du lot mais ne convaincra probablement pas tous les lecteurs. En ce qui me concerne, j'en ressors légèrement perplexe, pas déçu mais pas forcément enthousiasmé non plus.

15/03/2021 (modifier)