L'Oisiveraie

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)


École européenne supérieure de l'image

Roland, dans le quartier, tout le monde le connaît. C’est un drôle de bonhomme, ce petit vieux-là. On l’a surnommé « Le Shérif » à cause de son chapeau de cow-boy. Sa vie, elle est réglée comme du papier à musique : levé avant le soleil, une petite visite au poulailler, son « harem », et puis il dépose sa sœur, folle et handicapée, sous la grange, et enfin il enfourche Pégase, sa fidèle bicyclette, direction le bistrot avec ses œufs frais. C’est là qu’on le retrouve, pour boire quelques petits cafés bien « mouillés » avant de poursuivre la journée, ponctuée de ripailles, de ballons de blanc, et surtout de bons copains, comme lui des retraités et des chômeurs, qui fanfaronnent et débattent sur des sujets aussi fondamentaux que l’omelette, les tomates, ou le rythme des pigeons.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Janvier 2003
Statut histoire One shot (Réédition) 1 tome paru

Couverture de la série L'Oisiveraie © L'Association 2003
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
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29/03/2020 | grogro
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L'avatar du posteur Noirdésir

Je suis sorti avec un avis mitigé de cette lecture et si j’ai traversé l’album plutôt avec plaisir, c’est avec moins d’enthousiasme que mon prédécesseur que je l’avise. L’Association a fait un très beau travail éditorial, avec un album au format quasi carré, couverture épaisse, mise en pages très aérée. Le dessin, faussement simpliste, avec des airs de dessin de presse ou d’esquisse parfois, est très bien mis en valeur. La simplicité du trait (relative, car il y a en fait un vrai travail) est parfaitement adaptée au récit et au ton employé pour le narrer. Car nous suivons, comme l’indique le titre, une bande « d’oisifs », quelques vieux bonhommes, chômeurs ou retraités, qui enchaînent les discussions, les élans velléitaires, autour d’un canon, d’une tournée partagée au bistrot ou chez l’un d’eux. Ce ne sont pas des propos de comptoir à proprement parler, des discussions de pochetrons comme dans Chez Francisque par exemple. David Prudhomme ne décrit pas de vieux beauf, il observe des êtres qui se ménagent un temps et un espace libre, une sorte de Libertalia de banlieue, tout juste perturbée sur la fin par l’arrivée d’un gamin. La lecture est rapide, globalement agréable, mais j’ai trouvé quelques longueurs – qui ressortent d’autant plus que tout est lent et que l’action est quasi inexistante. On s’attache au groupe, à leur collectif hédoniste plus qu’aux individus. A part ce personnage qui a une conception particulière du jardinage… Une lecture sympathique, mais les amateurs d’action peuvent passer leur chemin !

26/01/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur grogro

Je me souviens avoir feuilleté la première édition de l'Oisiveraie. A l'époque, je suis resté à la porte du bidule. Je ne voyais pas l'intérêt, trouvais les dessins baclés... Bref ! Pas du tout mon truc. Et puis voilà que quelques années plus tard, Futuropolis édite Rebetiko du même David Prudhomme, une BD qui figure encore aujourd'hui dans mon petit panthéon personnel. Et puis et puis... L'Association réédite l'Oisiveraie. Et là, c'est la révélation ! Comment avais-je pu être aussi aveugle et hâtif dans mon jugement ? Trop jeune peut-être ? Sans doute... L'édition est vraiment chouette. Le format carré se trouve parfaitement adapté à une lecture sur transat. On regrettera pour la blague l'absence de couverture en formica... On passe donc un excellent moment en compagnie de cette joyeuse bande de vieux soulards hédonistes. L'atmosphère des cafés de campagne ou des marchés de village est rendue avec une saine vérité, avec sa sagesse populaire, sa philosophie de comptoir. Prudhomme dresse une galerie de portraits truculents. Ces trognes d'ivrognes, de paysans ou de gloires locales anonymes, toutes croquées sur le vif, ne sont pas sans évoquer les caricatures d'Honoré Daumier (à ceci près que dans le cas de l'Oisiveraie, le regard est tendre et bienveillant). De même, les dialogues sont criants de réalisme, drôles la plupart du temps. Je suis même prêt à parier ma chemise que Prudhomme, transformé en Giono du zinc pour l'occasion, en aura été le témoin direct. L'Oisiveraie est une ode au temps qui passe lentement, ce temps dont on peut jouir de chaque minute écoulée. Ce temps qui s'arrête pour les vieux, insensibles aux fracas du Monde, et pour qui seul compte le rythme de la nature et des saisons. Car il y a cette idée tapie derrière : réconcilier les générations autour de cette nature qui sait se montrer si généreuse pour peu qu'on lui accorde l'attention nécessaire. Et c'est ce petit garçon à qui la mère, au début de la BD, confie la mission d'aller trouver Le Roland afin de lui demander sa tondeuse, qui endossera ce rôle d'horloge en même temps que celui de lien générationnel, en mettant environ 120 pages pour arriver à destination. Alors c'est sûr, le gamin s'acquitte de sa tâche en rechignant, sans doute parce que l'idée d'aller chez le vieux Roland ne l'enchante guère. Peut-être même que ça l'inquiète un peu (c'est vrai que le vieux Roland, avec son chapeau de cow-boy vissé sur la tête, est un sacré taiseux). Le gosse mettra d'ailleurs si longtemps à arriver que le lecteur l'oublie complètement, renforçant cette impression de temps qui s'effiloche. Pendant ce temps, nos vieux potes d'anti-héros ont largement l'occasion de vider plusieurs ballons de rouge en refaisant le monde, et même se payent le luxe d'une sieste crapuleuse. Alors quand le môme débarque enfin... Chut ! Que l'on se rassure, je n'en livrerai pas le contenu ; conservons un brin d'expectative tout de même... Les dernières pages sont magnifiques. Elles arrivent comme un soir d'été, sans suspense aucun, distillant une douce chaleur qui réunit les êtres de 7 à 77 ans. Non non, L'Oisiveraie n'est pas une pub pour Parker ou Ravensburger. Ce n'est pas non plus une aventure trépidante, c'est vrai. L'Oisiveraie n'est qu'une toute petite chose, si simple, si insignifiante que nous avons perdu jusqu'à la capacité d'en saisir les bienfaits : le bonheur de regarder les journées s'étirer dans une doucereuse torpeur, au rythme des plantes qui poussent. L'Oisiveraie est un pays de cocagne : le farniente (de l'italien fare niente, "ne rien faire"). Allez ! C'est décidé : demain, je fais ma demande de nationalité...

29/03/2020 (MAJ le 10/11/2020) (modifier)