Auteurs et autrices / Interview de François Amoretti

Rencontre avec François Amoretti, auteur de la série "Burlesque Girrl" aux Editions Ankama.

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François Amoretti Bonjour François, pour beaucoup de gens tu es un illustrateur, pour notre public ici, un dessinateur. Était-ce compliqué pour toi de raconter des histoires ?
Bien au contraire, ça me semble naturel. J’adore raconter des histoires. C’est même plus que ça : c’est presque maladif puisque j’en ai un réel besoin quotidien. J’ai essayé de faire autre chose mais je n’ai jamais pu et je suis toujours revenu à dessiner, écrire, raconter des histoires.

D’ailleurs ton parcours est assez atypique, je vois dans tes beaux livres du Chaperon Rouge et de Gothic Lolita que tu as une énorme influence japonaise, peux-tu nous en dire plus ?
Je ne pense pas avoir d’influence japonaise aussi importante. J’ai vécu au Japon pendant 10 ans (4 ans sans bouger puis 6 mois tous les ans pendant 6 ans). J’en admire le graphisme traditionnel et moderne, j’aime beaucoup ses traditions. J’ai aussi suivi le mouvement artistique « Lolita ». Mais je n’aime pas les mangas. Parfois on me sort que mon trait fait manga, ça me hérisse, je me demande si ces gens ont déjà ouvert un manga puis, par exemple, mon Gothic Lolita : je ne vois pas le rapport. J’ai fait mes trois premiers livres sur le thème Lolita qui est un mouvement qui est né au Japon certes mais je n’ai pas utilisé les stéréotypes ni adapté le style à un lectorat masculin comme c’est le cas dans les mangas où les lolitas sont sexualisées. Je pense que je fais les choses à ma façon. Je suis intéressé par des milliers de choses, que ce soit en littérature, en cinéma, en musique, en architecture, en histoire et en géographie etc etc. Et je bois toutes ces choses et en fais ma mixture. Oui, le Japon m’influence mais pas plus que les Etats Unis ou l’Angleterre (qui reste ma source principale).

Accéder à la BD Burlesque Girrrl ©François Amoretti Comment passer d’un univers dit manga à celui plus cloisonné du burlesque et du rockabilly ?
Je ne suis jamais passé par un univers manga. Je suis passé d’un univers féminin adolescent à un univers féminin adulte. Lolita ou Pin-up sont des sur-féminisations dans la mode et la culture. Pour moi, c’était une évidence de conclure sur les pin-ups, c’était juste grandir. J’écoute du Rockabilly depuis mon adolescence et c’est grâce à cette musique que j’ai eu mes premiers amis. J’en ai toujours aimé son esthétique et l’univers kustom qui gravite autour (Tatouage, hot-rod, pin-ups, greasers, courses, etc), il me fallait y faire un hommage. Le processus intellectuel pour Alice au Pays des merveilles et celui de Burlesque Girrrl sont les mêmes : j’avais ces obsessions depuis trop longtemps dans le cœur et je devais les faire sortir, les exorciser. Pour le burlesque c’est un peu différent puisque je ne l’ai découvert qu’il y a peu, en 2008 grâce à mes amies pin-ups qui commençaient à suivre les cours d’effeuillage et qui m’ont invité à des spectacles. Et je me suis rendu compte que c’était un tout, un tout sous le même étendard : la nostalgie, le fantasme d’une époque heureuse.

Finalement tout cohabite parfaitement. Mais revenons-en à Burlesque Girrrl, j’ai cru comprendre qu’une édition noir et blanc serait d’actualité ?
On en avait parlé avec Ankama effectivement mais mon éditrice n’y travaille plus et avec la crise toutes les vannes ont été serrées. Le projet est donc malheureusement annulé… C’est dommage : Burlesque Girrrl avait été pensé en noir et blanc pourtant.

Une planche de Burlesque Girrl ©François Amoretti C’est incroyable tout ce qu’on peut ressentir au côté de ton héroïne Violette, une certaine sensibilité et un immense respect pour la gent féminine s’en ressent, d’où cela provient-il ?
J’ai toujours plus fréquenté de femmes que d’hommes, j’ai plus d’amies que d’amis. Je pense avoir une sensibilité plus féminine que masculine. Je reste un homme donc je pense faire beaucoup d’erreurs quant à ma lecture des sentiments féminins et à leurs retranspositions dans mes livres. Et puis je trouve les femmes bien plus agréables à dessiner, je les trouve bien plus graphiques. D’un autre côté, je pense qu’il est temps de faire la place aux femmes, on a assez parlé des hommes. Je veux des héroïnes, plus de héros !

Ankama a su mettre en évidence ton travail mais ta collection aurait pu voir le jour au sein de Métamorphoses chez Soleil ou ailleurs ?
Je ne pense pas. Ankama a cette ouverture d’esprit rock’n’roll et j’y ai trouvé l’écho parfait à mes idées, j’ai pu m’exprimer et être compris, écouté. Chez Métamorphose, on voit de très belles choses mais assez sombres tout de même et mon récit est positif : la mort y est traitée différemment, elle n’est pas une finalité mais une renaissance. Et ma façon de l’aborder n’est pas poétisée. Je pense que je suis trop pop pour coller. J’aimerais y faire un livre un jour mais je n’ai pas encore le sujet qui intéresse la directrice de la collection, Barbara Canepa. En ce qui concerne d’autres maisons d’édition, je suis certain que d’autres auraient pu sortir Burlesque Girrrl mais je ne les connais pas. Bamboo peut-être ?

Une planche de Burlesque Girrl ©François Amoretti Ton trait rappelle l’univers de Tim Burton mais par antagonismes, aux lignes fines et à la poésie macabre, tu préfères les rondeurs et les couleurs feutrées, était-ce voulu ?
Voilà une remarque que je comprends mieux ! Les dessins de Tim Burton ont été une grosse influence quand j’étais ado, L’étrange Noël de Mr Jack a été un gros coup de cœur ainsi que le livre La triste fin du petit enfant huître. Comme je le disais plus haut, je ne me sens pas l’âme à la poésie macabre par contre. Pour les rondeurs et les couleurs feutrées, oui oui oui, j’ai tout à fait voulu et c’est poussé jusqu’au choix du papier.

Justement Violette est une femme superbe mais ne répond pas aux standards actuels, elle est tatouée et a des formes. Pouvons-nous espérer la retrouver dans de nouvelles aventures ?
Logiquement, on la retrouvera dans Champagne que je fais avec Christophe Arleston mais ce n’est pas pour tout de suite. Je pense qu’elle fera d’autres apparitions dans d’autres histoires notamment dans Les Destructeurs où elle sera une Valkyrie.

Une planche de Burlesque Girrl ©François Amoretti D’ailleurs son chéri me rappelle curieusement ta propre personne (look identique), heureux hasard ou message subliminal ?
J’ai dessiné Peter comme le mec que j’aurais aimé être à ce moment-là et c’est moi qui ai fini par lui ressembler, pas l’inverse donc. En le dessinant, je me suis rendu compte que je pouvais lui ressembler.

La question est banale mais me taraude les lèvres : allons-nous retrouver François l’illustrateur ou François l’auteur ? :)
Les deux ! Je travaille avec des scénaristes, Arleston, Run, mais j’écris aussi beaucoup. Notamment j’ai fait un énorme boulot sur Les Destructeurs qui fera 250 pages.

Je ne porte qu’un tatouage, accepterais-tu de m’en dessiner un exclusif ? :)
Oui bien sûr ! Je reçois souvent des commandes de tatouages. Il y a une liste d’attente car je fais ça la nuit quand j’ai terminé de travailler sur mes planches. Et ça peut prendre trois mois.

J’écoute beaucoup de musique indé mais peu de rockabilly, si on doit échanger nos univers musicaux, que me conseilles-tu ? (le style n’est pas figé, lâche-toi :))
En rockabilly, Devil Doll bien sûr ! Mais aussi Reverend Horton Heat, The Furious, Marilyn and the Rockin’Bombs, Johnny Cash, Batmobile. J’écoute de tout et le rockab’ n’en est qu’une infime partie. Ces derniers temps, j’écoute beaucoup Portal (le groupe, pas le jeu), Wu-Tan clan, Busdriver, Mondkopf, Sunn O))), Aosoth, The Procussions, GZA, The Listeners, etc.

Une planche de Burlesque Girrl ©François Amoretti Un film également à me conseiller ? Et par ailleurs qu’aimes-tu lire en bd ?
Mon film préféré est L’Echelle de Jacob qui est une source majeure d’inspiration. Récemment j’ai aimé les deux Insidious. En BD j’ai adoré le dernier Tony Sandoval, Serpent d’eau. Je lis beaucoup de comics de super héros mais aussi les productions Ankama, j’aime beaucoup Run, Agnès Maupré, Singelin et Ducoudray, Maudoux, Sourya. Je lis aussi, justement, la collection Métamorphose. Pas tout hein, pas les moyens !

Et mais tu réalises aussi des clips ???? Plein de cordes à ton arc, on a hâte de voir ça mais on peut voir ça où justement ? Les destructeurs seront-ils produits aussi par Ankama ?
Oui je fais des clips ! Mon projet Les Destructeurs est un projet transmedia : il y a la BD qui sera la colonne vertébrale puis il y a des clips (pour lesquels les musiques sont composées par des groupes dont j’aime la musique : Elodie du Détroit, Never Give Up, Marine Craven), des photos (avec la photographe Alexandra Banti qui travaille pour Vogue Italie), un journal mensuel, puis tout un jeu de piste sur internet. Pour l’instant, rien n’est publié ni sur internet ni ailleurs, c’est encore au chaud car je veux tout lancer dès que je serai sûr d’avoir de l’avance sur tout. Les clips et le journal seront mensuels jusqu’à la sortie de la BD. J’envisage donc 24 de chaque, minimum. Par contre, Les Destructeurs n’ont pas encore de maison d’édition, je n’ai pas encore cherché.

Une dernière parole à graver dans le marbre afin de s’envoler vers de nouveaux défis ?
Merci beaucoup pour cette interview ! J’espère que mes livres continueront de vous plaire. Je travaille comme un fou sur Les Destructeurs. J’y mets toute mon énergie, pourvu que ça vous plaise ! Et le projet aura grand besoin de votre soutien pour voir le jour !

Merci pour tout François et à très bientôt !
Interview réalisée le 07/04/2014, par Jetjet, avec Audrey B.