Les forums / Un Homme est mort - par Kris et Davodeau

Par Alix Le 11/01/2007 - 14:24 (Modifier)
Alix

Suite à ma lecture de Un homme est mort, je viens de lire les longues interventions ci-dessous... interessant, tres interessant. Et Michel CORRE, il a repondu depuis ? Ce dialogue a-t-il eu une suite ?


Par klechko Le 19/12/2006 - 13:02 (Modifier)

>>Ro avait écrit: >>Je ne l'ai pas lu, je pose vraiment la question sans savoir : >>est-ce que Un homme est mort ne pourrait pas se classer dans le genre Documentaire plutôt que Roman Graphique ? Salut Ro, je suis assez d'accord avec toi, Documentaire me semble plus approprié


Par Ro Le 19/12/2006 - 12:07 (Modifier)
Ro

Je ne l'ai pas lu, je pose vraiment la question sans savoir : est-ce que Un homme est mort ne pourrait pas se classer dans le genre Documentaire plutôt que Roman Graphique ?


Par Spooky Le 22/11/2006 - 09:28 (Modifier)
Spooky

Je rajoute une précision de Kris : "tenez, pour achever le travail (et préciser ce que je citais de mémoire à la fin de ma réponse, mémoire finalement un peu défaillante, on est tous humains...), je vous copie-colle un mail de Pierre Le Goïc, l'historien nous ayant aidé dans nos recherches. Il a profité d'un travail aux archives pour vérifier certains détails. Je vous les livre ici (et ensuite, c'est bon, on aura fait le tour, promis !) Bonsoir Kris, j'ai tout simplement été relire Le Télégramme d'avril-mai 50, que Michel Corre n'a pas dû bien lire puisque le journal qu'il cite comme étant sa principale source ruine ses allégations. La seule affirmation qui tienne peut-être la route est le nombre de 49 blessés parmi les forces de l'ordre : il est effectivement mentionné dans Le Télégramme le jour des obsèques. Dans le rapport du commissariat central, 24 gendarmes et 9 gardes républicains sont mentionnés, mais il y a des blessures multiples : j'arrive en fait à 47 blessures ventilées sur des multitraumatisés ; une confusion a très bien pu se produire entre le nombre des blessures déclarées et celui des blessés. Cela ne change au demeurant rien sur le fond (sauf pour les blessés !) Pour le reste : - le cas du gendarme Gourvès : les journaux parus dans les jours suivants la manifestation évoquent deux visites aux blessés du service d'ordre, soignés à l'Hôpital maritime ; il est bien précisé à chaque fois que leurs jours ne sont pas en danger. Il va de soi que si un gendarme avait été grièvement blessé au point de mourir, même plus tard, des séquelles de la manifestation, cela se serait vu et su à ce moment ! - éléments incontrôlés ? Le ministre de l'Intérieur, Queuille (André Colin n'étant que sous-secrétaire d'Etat) a déclaré : "Il est exact qu'à Brest le service d'ordre a tiré" (le Télégramme du samedi 20 - dimanche 21), arguant d'ailleurs de la légitime défense. - le tir depuis l'Hôpital ? l'article du Télégramme consacré aux résultats de l'autopsie présente les deux hypothèses liées au trajet de la balle - tir de haut en bas ou attitude d'Edouard Mazé en train de se pencher au moment du tir sans privilégier l'une ou l'autre, et l'enquête sur la première a été rapidement enterrée, alors qu'elle était la plus favorable au gouvernement qui n'avait certes pas, à ce moment, de "souci d'apaisement" à l'égard de la CGT et du PC. - le passage de Michel Corre concernant les arrestations et les procès est tout simplement inconsistant. Evidemment Marie Lambert a été arrêtée avant la manifestation et Signor se protégeait dans un renfoncement ; il n'a été arrêté que parce qu'un policier a reconnu en lui sa qualité de député communiste. Mais surtout, Michel Corre s'embrouille complètement dans les procès. C'est le premier procès devant le tribunal correctionnel de Brest qui s'est effectivement déroulé dans un contexte de manifestation d'ailleurs pacifique (le Télégramme du 21 avril). Or ce procès-là n'a pas abouti à la condamnation des députés, la cour se basant sur un usage de la IIIème République qui, en cas de flagrant délit, permettait d'arrêter mais non de condamner des députés avant la levée de leur immunité parlementaire. L'assemblée rappela au tribunal qu'au contraire l'article 22 de la constitution de la IVème République permettait, en cas de flagrant délit, d'arrêter et de juger les députés. Un deuxième procès eut donc lieu à Brest en mai (Le Télégramme des 20 et 22 mai). Cette fois, aucune manifestation ne fut organisée ; les quelques militants présents assistèrent au procès sans problème, dans la salle d'audience. Les débats furent centrés sur la notion de flagrant délit : Marie Lambert n'avait pas participé à "l'enlèvement" de Prévosto mais seulement assisté au meeting où il avait été emmené. Signor n'avait pas directement participé aux jets de projectiles sur les forces de l'ordre mais avait eu le tort d'être présent, "à sa place", déclara-t-il. Leurs condamnations furent purement politiques mais modérées : 5 mois avec sursis pour Marie Lambert (pour l'affaire Prévosto, et non la manifestation, contrairement à ce que semble croire M. Corre !), 6 mois avec sursis pour Alain Signor. Il suffit donc de lire le Télégramme pour réduire à néant les affirmations de Michel Corre. C'est tout simple, et c'est tout dire... Pierre le Goïc"


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:46 (Modifier)
Spooky

« Comme toujours, en pareilles circonstances, les véritables responsables des évènements manquent totalement de courage, s’en tirent à très bon compte, et osent, plusieurs années après, tirer gloire de ces épisodes douloureux. » Je fais totalement mien votre dernier commentaire. Mais je pense qu’il ne désigne pas les mêmes personnes auxquelles vous pensez... Quant aux responsables syndicaux et politiques ayant participé et organisé ces manifestations, il s’agissait pour la plupart d’hommes et de femmes de tous horizons, unis autour de revendications communes. Nombreux étaient ceux issus de la Résistance (Edouard Mazé était fils et frère de résistants, arrêtés, torturés et déportés) et leur courage, tant politique que physique, n’est plus vraiment à démontrer. Surtout, ils surent rester unis malgré le torrent de mensonges et de malhonnêteté qu’ils durent affronter. Ne pas oublier qu’Edouard Mazé fût enterré en grande pompe religieuse, à la demande de Mgr Fauvel, évêque de Quimper et fervent soutien des grévistes, ce qui pour un militant cégétiste et communiste n’est pas inutile à souligner. Ne pas oublier que la CFTC, syndicat chrétien donc, ne lâcha jamais la CGT malgré les tentatives de politisation du conflit menées par le pouvoir en place à l’époque (dont l’arrestation de syndicalistes uniquement CGT et de députés communistes est une preuve éclatante). Ne pas oublier que cette unité, même si elle perdura peu et qu’il aura fallu la mort d’un homme, l’a finalement emportée. Ce qui, en ces temps de communautarisme ambiant n’est pas inutile à rappeler. Ne pas oublier que 80 000 personnes (dans une ville de 150 000 habitants) suivirent les obsèques d’Edouard Mazé. Ce qui, à une époque où l’on cherche tant à monter grévistes variés et usagers divers les uns contre les autres, n’est pas inutile à mettre en valeur. Ne pas oublier que René Vautier, réalisateur de cinéma, a mis sont art au service de ce mouvement, ce qui, à l’heure de la société du tout-divertissement et de l’égoïsme sauvage de la télé-réalité, n’est pas inutile à transmettre. Mais, ce mouvement avait, jusque-là, perdu une certaine bataille de la mémoire, bataille que des affirmations, mensonges, contre-vérités, rumeurs, calomnies, approximations et brèves de comptoirs ont rendu bien difficile à mener. L’amnésie est l’arme de destruction massive des ignorants et de tous les totalitarismes (oui, je sais : les régimes communistes y ont largement pris leur part. Mais notre livre évoque le parcours de militants de base, dont la sincérité de l’engagement fût toujours réelle). Votre texte, s’il ne participe peut-être pas de la même volonté d’amnésie, contribue néanmoins à l’entretenir. Et en ce sens, je ne pouvais qu’y répondre. Quant au « deuxième homme mort », sachez que je me tiens à votre entière disposition pour recueillir sur ce sujet toutes les informations dont vous disposeriez. Avec Etienne Davodeau, Nous serons en dédicace les vendredi 24 novembre à la librairie Excalibulle à Brest, samedi 25 novembre à la Sonothèque à Brest et je participerais à une discussion le 14 décembre à la Maison des Syndicats, toujours à Brest. Nous serions curieux de vous rencontrer. N’hésitez pas à passer nous voir afin de nous éclairer sur ces stupéfiantes informations que vous détenez. Kris.


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:46 (Modifier)
Spooky

« Pour preuve, il s’en suivi 4 arrestations spectaculaires : celles de deux syndicalistes CGT, et surtout celles de 2 députés communistes du Finistère : Marie Lambert et Alain Signor, qui écopèrent respectivement de 5 et 6 mois de prison avec sursis, pour voies de fait, et ceci en dépit de leur immunité parlementaire. Leur procès avait fait grand bruit : encadré par la « nomenklatura » politique et syndicale, une masse impressionnante de sympathisants, pesa de tout son poids sur le jugement, ce fut, je le pense, la plus grosse affluence que connut le petit «Palais de Justice » provisoire de la place de l’Harteloire ! » Le bouquet de votre argumentation. Je ne veux pas, une fois encore mettre en doute votre sincérité mais, à tout le moins, votre ignorance du sujet sur lequel vous dissertez est effarante : les deux syndicalistes CGT (ils s’appelaient Charles Cadiou et Raymond Bucquet) ainsi que la député communiste de Landerneau dans le Finistère, ont été arrêtés le dimanche 16 avril 1950 au matin, suite à la plainte pour enlèvement déposé par Pierre Prévosto. Et c’est justement pour réclamer leur libération que la manifestation tragique du 17 avril 1950 a eût lieu ! Ils n’ont donc jamais été arrêtés suite à celle-ci puisqu’ils étaient déjà en prison depuis plus de 24 heures... Quant à Alain Signor, autre député communiste, qui lui fût bien arrêté le 17 avril, il ne participa pas à l’affrontement de la rue Kérabecam : souffrant d’asthme et incommodé par les gazs lacrymogènes, il s’était réfugié dans une rue adjacente où il fût reconnu et « cueilli » (emmené sans ménagement serait plus exact) par les forces de l’ordre. Le procès des deux militants CGT eût lieu le vendredi suivant et ils furent condamnés (toujours pour l’enlèvement de Prévosto et donc rien à voir avec la manifestation du 17 avril) à deux mois de prison avec sursis, décision accueillie comme une victoire par la foule des manifestants (condamnation légère pour un enlèvement de force tout de même). Preuve s’il en est de la volonté des pouvoirs publics de ramener enfin le calme dans une affaire qui commençait à prendre très mauvaise tournure. Quant aux deux députés, le tribunal se déclarant incompétent en raison de leur immunité parlementaire, leur procès fût reporté. Celui-ci eût finalement lieu des semaines plus tard mais, sauf erreur (il s’agit d’un document dont je ne possède pas de copie et je parle donc de mémoire), à Morlaix et non à Brest. Et, sauf erreur toujours (je préciserai ça demain) il déboucha sur leur acquittement pur et simple.


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:45 (Modifier)
Spooky

« Alors qu’une pluie de projectiles divers (boulons, pierres, morceaux de ferraille) tombaient sur les gendarmes, et que 49 d’entre eux étaient déjà blessés, dont certains grièvement atteints, des coups de feu éclatèrent venant, dit-on, des forces républicaines, sans que l’ordre de tir ne fut donné. » J’ai déjà expliqué plus haut que nous avions trouvé des éléments contredisant ces chiffres et la nature des blessures chez les forces de l’ordre. Quant à l’ordre de tir, c’est faux. Non seulement, un témoignage direct fût recueilli auprès d’un habitant de la rue Kérabécam, non-gréviste, et qui affirme avoir vu et entendu l’officier donner l’ordre de tir et plusieurs gendarmes tirer (il parle d’une dizaine de gendarmes. Son témoignage fût cité devant l’Assemblée Nationale et se trouve dans le compte-rendu du 27 avril 1950) mais nous avons également pu lire les dépositions de plusieurs gendarmes, gradés ou non, dépositions recueillies le soir même du 17 avril 1950. Si ces témoignages confirment l’extrême violence de la manifestation (mais il ne faut pas oublier que ces hommes témoignaient pour se justifier de la mort d’un manifestant quelques heures auparavant et nous devons, là aussi, les lire avec un oeil critique), ils citent tous l’ordre de tir donné par un fonctionnaire de police. Le nom de cet homme, je ne peux vous le donner ici et il vous faudra attendre 2010 pour le connaître. Sachez juste que ce courageux fonctionnaire demanda à quitter les lieux immédiatement après la fusillade car il était "connu des manifestants", ce qu’il fit sous escorte policière et en abandonnant les gendarmes ayant fait feu à son ordre rue Kérabecam. Et, tout en gardant un certain devoir de réserve, les témoignages des gendarmes ne l’épargnent pas. Nous avons aussi pu nous procurer la déposition de ce fonctionnaire qui est, elle, une belle leçon de duplicité et de subtilité afin de nier toute responsabilité (Un exemple, issu de sa déposition : « ...Il a alors été donné l’ordre de faire feu... ». Il ne précise pas qui est ce « Il » impersonnel alors qu’il était le plus haut responsable présent...). « L’autopsie du défunt révéla que cette balle aurait pu être tirée d’une fenêtre du futur hôpital Morvan, encore en travaux à cette date, et situé à quelques dizaines de mètres du lieu du drame, mais l’affaire ne semble pas avoir été totalement élucidée. Cette version, bien que plausible, ne peut convenir à la martyrologie ni du PCF, ni de la CGT, aussi, par soucis d’apaisement, les autorités et la presse oublièrent cette éventualité, déjà dans le souci du politiquement correct. » Toujours aussi faux. C’est au contraire cette version qui fût retenue, non seulement dans la presse (hormis bien sûr celle favorable à la cause ouvrière) mais également par la justice et les autorités. Une fois de plus, sous couvert de rétablir la vérité, vous ne faites que servir de chambre d’écho aux thèses officielles, thèses qui sont donc totalement annihilées par les archives. Edouard Mazé est mort d’une balle dans la tête, plus sûrement car la rue était en pente et qu’il était certainement couché ou agenouillé à cause des tirs plutôt que par une balle tiré d’une fenêtre d’hôpital. Le fait que toutes les autres victimes furent touchées aux jambes accréditent cette thèse (cette hypothèse permet aussi de noter qu’on n’a pas tiré pour tuer même si, évidemment, dès lors qu’on tire...). Quant aux manifestants, dont beaucoup avaient activement participé à la résistance seulement cinq ans auparavant, croyez-moi que s’ils avaient été armés, certains auraient certainement répliqué (et pas avec cette incroyable maladresse qui ferait qu’un tir dirigé contre un cordon de gendarmes aillent finalement blesser vingt manifestants cinquante mètres plus bas...). Bien au contraire, la fusillade a immédiatemment arrêté toute violence et ce, bien que les gendarmes soient restés sur place jusqu’à l’évacuation des victimes. Nulle vengeance n’est signalée, y compris lors des obsèques qui réunirent tout de même 80 000 personnes. C’est bien plus la stupeur qui prédomine, prouvant une fois de plus que les manifestants n’étaient pas de monstrueux communistes au couteau entre les dents, comme on a voulu le faire croire à l’époque et comme vous le laissez entendre vous-même dans vos écrits. « Grièvement blessé à la suite de ces affrontements, le gendarme Gourvès, de Plougastel Daoulas, devait également mourir, ce qui confirme, si besoin était, qu’il s’agissait en l’occurrence d’une véritable émeute urbaine, et non pas d un simple défilé revendicatif « pour obtenir une distribution de lait destinée aux nourrissons », comme certains voudraient nous l’enseigner aujourd’hui. » Pour ce gendarme, j’ai déjà exprimé mon étonnement. Mais j’aimerais aussi que vous nous donniez la date de sa mort puisqu’il est, selon vous, finalement décédé « suite à ces affrontements ». Etait-ce le lendemain ? Des semaines plus tard ? Des années peut-être ? Par ailleurs, je serais curieux de savoir qui, avant nous, avait cherché à «enseigner » cette affaire. Elle est au contraire, très largement inconnue du grand public, y compris brestois. Une fois encore, vous inversez les rôles. Quant à la revendication que vous décrivez, vous confondez encore tout : obtenir du lait pour leurs enfants était la base d’une manifestation de femmes de grévistes ayant eu lieu le vendredi 14 avril 1950, manifestation qui avait vu s’affronter ces femmes et les forces de l’ordre. Celle du 17 avril 1950 était destinée à demander la libération des militants et de la député Marie Lambert emprisonnés depuis la veille. Personne, et encore moins le PCF ou la CGT, n’a jamais rien dit d’autre.


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:45 (Modifier)
Spooky

« On ne parlait d’ailleurs guère à l’époque de manifestations, mais de « luttes ouvrières », et même de «bagarres» : c’est par ce terme que fut qualifié le violent affrontement qui opposa les grévistes aux forces de l’ordre, dans le quartier de Coat-ar-Guéven, le jour fatidique où le jeune manifestant (26 ans) trouva la mort » Pour une fois, je suis d’accord. Ce sont bien les termes employés le plus souvent dans la presse. La guerre des mots existe aussi. On pourrait presque dire « une bagarre d’ouvriers un peu saoûls et grande gueule » aussi, c’est un peu ce que l’on veut faire insidieusement passer à travers ce genre d’expressions. Ce qui expliquerait d’ailleurs qu’ils se sont tirés dessus eux-mêmes, les abrutis. On peut lire ça aussi derrière ce terme de « bagarres ». Mais dans mon vocabulaire, un affrontement comprenant des tirs à balles réelles a quitté depuis longtemps le champ de la simple « bagarre ».


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:45 (Modifier)
Spooky

« Parler en termes romanesques de ce drame, avec en support un film oublié, commandité à l’époque par la CGT, avec pour témoignage actuel celui d’un des protagonistes de ce chausse-trappe, député communiste et conseiller municipal, humaniste à ses heures sauf pour voter un don de la ville de Brest aux réfugiés hongrois victimes des chars soviétiques en novembre 1956, m’apparaît comme déni de vérité, d’autant que je ressens une très grande compassion pour le sort d’Edouard Mazé, et que je reconnais la légitimité des revendications des salariés de ces dures années. » Mais de qui parlez-vous donc, puisque vous ne citez pas son nom ?! Encore une fois, je crois que vous faites une énorme confusion : le seul témoignage reproduit dans notre livre, et sur lequel nous nous sommes effectivement appuyé, est celui de Pierre Cauzien, militant CGT amputé d’une jambe suite à sa blessure par balles le 17 avril 1950. Pierre ne fût jamais député ni conseiller municipal. Je crois que vous évoquez en réalité la personne de Gabriel Paul, député communiste brestois bien présent lors des événements. Or, nous n’avons rencontré Mr Paul qu’après avoir déjà écrit le scénario du livre (il souffait alors d’ennuis de santé d’où cette consultation « tardive ») et il n’est donc en aucun cas intervenu, ni dans la bande dessinée, ni dans le dossier final. Eu égard à la tournure de votre phrase, que j’ai du mal à comprendre, et à cette absence de nom précis, je vous accorde un certain bénéfice du doute mais je crois, une fois de plus, que vous faites preuve d’ignorance et de confusion sur ce dossier. Quant au « déni de vérité », je crois que les militants victimes du 17 avril 1950 connaissent bien mieux que vous et moi la signification de cette expression : dois-je rappeler que leur plainte fût jugé irrecevable pour manque d’éléments suffisants permettant de déterminer les responsabilités exactes ? Or, ces preuves de responsabilité sont présentes dans les archives non-communicables, notamment sous la forme de témoignages de gendarmes recueillis quelques heures seulement après les faits et qui reconnaissent avoir tiré. Dois-je aussi rappeller que Pierre Cauzien, une jambe en moins donc, ne fût jamais, malgré ses multiples demandes appuyées par la hiérarchie médicale, reconnu comme travailleur handicapé à l’Arsenal de Brest et ce, jusqu’en 1978 ? Et qu’on lui a toujours refusé la réouverture d’une enquête, notamment à cause du délai de prescription de quatre ans frappant ces événements ? Quatre ans. Je vous laisse vous-même les mettre en perspective avec les soixante ans de non-communicabilité concernant les documents essentiels à la connaissance de cet épisode ... Et pour ce qui concerne votre « très grande compassion » à l’égard d’Edouard Mazé, elle trouve dans votre texte une bien curieuse illustration. Si je faisais lire votre « témoignage » à sa famille, et notamment à son frère Ernest, je ne voudrais pas vous laisser tous les deux dans la même pièce... Ce que vous reproduisez ici, sous couvert du soi-disant rétablissement d’une soi-disante vérité, n’est rien d’autre que la ressucée maladroite des mensonges officiels qui perdurent depuis 56 ans sur cette affaire, le tout agrémenté d’une révélation fracassante dont on se demande d’où elle sort. Croyez-moi : la famille Mazé et celle des autres victimes ont suffisamment souffert de ce type de mensonges pour ne pas vouloir de ce genre de «compassion».


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:44 (Modifier)
Spooky

« ... et de vérifier également une certaine vérité, qui pourrait amener les auteurs de la bande dessinée, à modifier leur titre pour « deux hommes sont morts », en sachant que le deuxième décès concernait un père de famille anonyme, oublié au panthéon inexistant de la martyrologie des serviteurs de l’ordre républicain, tombé sur le pavé de la rue Karabécam, sous la grêle des projectiles lancés par les manifestants, amnistiés à jamais par l’effet « Marabounta* » (un film très en vogue à cette époque), où on ignore la responsabilité individuelle, et où l’on hurle ou bien danse avec les loups, selon la tournure des évènements. Si la « Marabounta » tue, la terminologie est « voies de fait », alors que les forces de l’ordre, en état de légitime défense « assassinent »… au bilan, il y a deux morts, deux morts qui à mes yeux ont la même valeur, et pour lesquels deux familles ont pleuré… » Vous comprendrez que pour prendre une telle affirmation en compte, il me faille un minimum de preuves. Nulle part, y compris du côté des archives issues des forces de l’ordre, je n’ai trouvé trace de ce que vous avancez. Jamais, au grand jamais, une telle information n’a été évoquée, ni dans la presse, ni dans les rapports de police, ni dans les archives judiciaires, ni dans les témoignages recueillis. Et pourtant : vous ne le savez évidemment pas mais nous avons pu avoir accès (disons, grâce à des sources diverses) à des archives restées inédites jusqu’ici (il faut savoir que beaucoup de pièces importantes de ce dossier sont frappés du sceau de non-communicabilité de soixante ans, soit jusqu’en 2010). Nous avons ainsi pu lire le rapport officiel établissant précisément les victimes du côté des forces de l’ordre : leur nombre (33 pour être précis et non pas 49 comme vous l’indiquez plus bas, chiffre que vous avez certainement recueilli dans « Le Télégramme » daté du mardi 18 avril 1950), leurs noms et la nature exacte de leurs blessures, le tout de manière extrêmement détaillée et minutieuse : après avoir fait lire ce rapport à des médecins (afin d’être sûr de bien comprendre les descriptions médicales qui y étaient portées), nous avons pu établir qu’un seul gendarme avait dû être hospitalisé pour une fracture du bras... Les autres souffraient de contusions multiples et variées, d’entorses, de fractures du doigt, etc.. Alors certes, ces forces de l’ordre en ont pris plein la figure ce jour-là mais rien qui ressemble à de nombreux « blessés graves », encore moins à des lynchages en règle. Sur ce même rapport très détaillé, une autre colonne décrit laconiquement les blessés chez les manifestants : « vingt blessés, un mort »... Rien d’autre, pas de noms ni d’indications sur les blessures (je rappelle qu’il y a tout de même eu deux amputés...). S’il y avait eu mort de gendarme et mépris total pour celle-ci (mais j’attends donc vos preuves), le mépris semble une fois de plus bien partagé. En outre, si je suis une fois de plus totalement prêt à apprendre des éléments nouveaux sur cette affaire (et quels éléments !), nous risquons tous les deux d’avoir du mal à comprendre pourquoi les pouvoirs publics de l’époque n’en ont pas tiré parti alors que la mort d’Edouard Mazé les a, pour le moins, plongé dans la difficulté et ce, jusqu’au sein de l’Assemblée Nationale. Un mort de chaque « côté » aurait totalement changé la perception de l’affaire et accrédité la thèse du « tir ou du lynchage des forces de l’ordre ». Et au lieu de celà, on aurait laissé ce gendarme mourir dans un gouffre de silence total, sans aucune reconnaissance pour son sacrifice ?! Désolé, mais j’ai bien du mal à vous croire. Et il me faudra d’autres preuves que la rumeur (une telle rumeur circula effectivement les jours suivant le drame. Il semble qu’elle ait eu comme fondement la disparition d’un gendarme qui s’était, en réalité, réfugié chez un habitant et qui ne pût rejoindre sa caserne que le lendemain). Mais puisque vous citez un nom, j’attends que vous me précisiez d’où vous tenez ce nom. Et une fois de plus, des rééditions étant toujours possibles voire probables, rien ne m’empêche d’ajouter de nouveaux témoignages au dossier final présent dans notre livre, surtout si elles avaient une telle valeur. Nous avons aussi fait ce livre pour ça, pour permettre un nouvel éclairage sur ces événements et nous espérons bien continuer à récolter de nouvelles informations. Reste que nous ne changerons pas notre titre, qui fait référence au film de René Vautier, film évoquant la mort d’Edouard Mazé et de personne d’autre.


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:44 (Modifier)
Spooky

« A propos des grèves et manifestations d’avril 1950, et du décès d’Edouard Mazé. Je crois que la façon la plus précise de se faire une idée de la réalité de cette tragédie, est de lire tout simplement les nombreux articles de presse, et notamment ceux du « Télégramme » du lendemain, relatant cette journée sanglante, et ainsi de constater la violence inouïe de la manifestation, (qui n’avait rien de romanesque)... » Affirmer qu’il suffit « tout simplement » de lire les articles de presse du journal « Le Télégramme » de cette époque pour connaître la vérité ne relève pas seulement de l’aveuglement intellectuel mais aussi d’une ignorance totale du contexte de 1950. En ce temps-là, « Le Télégramme » était un journal à diffusion surtout finistérienne, classé au centre-droit, proche de la majorité municipale brestoise dirigée par Alfred Chupin, membre du RPF gaulliste. A ce titre, et comme il lui était usuel à l’époque, ce quotidien a constamment, dès le début des grèves de mars-avril 1950, soutenu les positions patronales et celles de la municipalité, rendant compte de la situation avec une partialité à peu près totale. Un seul exemple, mais particulièrement édifiant, pour illustrer mon propos : dans son édition du lundi 17 avril 1950, un article relate l’enlèvement de Pierre Prévosto, entrepreneur et secrétaire de la chambre patronale et, à ce titre, désigné par les syndicats comme responsable de la non-reconnaissance des revendications ouvrières. Pierre Prévosto fût enlevé de force à son domicile le samedi 15 avril 1950 par un cortège de femmes de grévistes et conduit sous bonne escorte à la Maison des Syndicats, afin de répondre aux accusations des militants ouvriers. Il fût finalement libéré suite à l’intervention du député communiste Alain Signor et, ainsi qu’il le reconnaît lui-même dans le procès qui s’ensuivit, il ne lui fût infligé nulle violence (sic tout de même car être enlevé ainsi peut, à tout le moins, être qualifié de « violence »...). Or, dans son article relatant ledit enlèvement, « Le Télégramme » raconte par le menu l’évasion rocambolesque de Pierre Prévosto, aidé par des amis à s’extirper de la Maison des Syndicats puis embarqué dans une voiture démarrant sur les chapeaux de roues, le tout pendant que les grévistes tentaient en pure perte d’empêcher cette échappée spectaculaire... Nulle part ailleurs que dans « Le Télégramme », je n’ai trouvé la moindre trace de cet épisode digne d’un mauvais roman d’espionnage. Et notamment aucune trace dans le témoignage de Pierre Prévosto. Le rôle pacificateur d’Alain Signor est par contre totalement passé sous silence dans les colonnes du quotidien alors qu’il est souligné dans les autres organes de presse et dans les archives judiciaires (et totalement corroboré par l’ensemble des témoignages que j’ai recueilli). Bref, sur cet exemple précis, « Le Télégramme » n’est rien d’autre qu’un tissu de mensonges destiné à justifier la répression qui se prépare ce jour-là. Et croyez-moi, de tels exemples, j’en ai à foison mais il serait bien trop long de les relater ici. Bref, affirmer donc qu’il suffit « tout simplement » de lire Le Télégramme de ces années-là est une hérésie. Et pourtant, croyez-moi, j’ai aujourd’hui une très bonne opinion de ce que ce journal est devenu... Par contre, je vous rejoins sur la violence de cette manifestation. Néanmoins, si elle n’avait effectivement rien de « romanesque », elle n’était pas non plus « inouïe », loin de là. Elle était plutôt inscrite dans une certaine violence « ordinaire » propre à un climat général de plus en plus tendu (guerre froide, tensions sociales, fin des illusions de la résistance, etc.) et à une époque qui sortait à peine d’une guerre ayant fait des millions de morts. Une manifestation comme celle du 17 avril 1950 avait même connu plusieurs « répétitions » dans les semaines qui précèdent. A chaque fois, il y eût affrontements violents et des blessés de part et d’autre. Mais ces jours-là, il n’était venu à l’idée d’aucun membre des forces de l’ordre de tirer. Alors pourquoi l’ont-ils fait le 17 avril ? A cette réponse, on n’aura sans doute jamais aucune réponse satisfaisante mais on peut tout de même avancer des éléments d’explications et, parmi eux, ceux-ci : - La longueur de la grève et la multiplications des affrontements ont certainement excédé les deux parties en présence. - Mais surtout, d’un côté comme de l’autre (mais bien plus d’un côté que de l’autre à mon avis), on avait décidé d’aller à l’épreuve de force. Il fallait un vainqueur et un vaincu et, bien sûr, nul n’était prêt à endosser le second rôle. Il ne faut pas oublier qu’André Colin, secrétaire d’état à l’intérieur à l’époque, était également député du Finistère. Un tel désordre depuis six semaines dans son propre département était difficilement admissible (comment réagirait Nicolas Sarkozy aujourd’hui si Neuilly était en proie depuis six semaines à de telles émeutes ?...). Du côté du PCF et de la CGT, on venait d’emprisonner un député et deux responsables syndicaux de premier plan. Comment admettre un tel camouflet ? C’est donc 2 à 3000 manifestants qui se sont réunis ce jour-là, ce qui fait un cortège relativement modeste pour l’époque mais certainement déterminé à être entendu (je vous rappelle, car vous semblez l’ignorer, que le but était de déposer une motion de protestation contre lesdits emprisonnements à la sous-préfecture ). En face, grâce aux archives, nous savons que le nombre de membres des forces de l’ordre fût, par contre, presque quadruplé par rapport aux jours précédents (de 4 pelotons, nous passons à 14 pelotons)... Et il s’agissait de policiers armés, excédés pour certains, et avec des consignes claires de ne pas céder coûte que coûte. Enfin, cette manifestation fût interdite le matin même, au mépris des délais réglementaires et sans que les manifestants ne soient mis au courant. Alors oui, la manifestation fût extrêmement violente. Mais du côté des pouvoirs publics, on avait tout fait pour qu’elle le soit.


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:43 (Modifier)
Spooky

Monsieur Corre, J’ai bien reçu votre mail en date du 18 novembre. A sa lecture hier soir, dimanche 19 novembre, j’ai longtemps hésité à vous répondre, tant les approximations et contre-vérités parsemant votre texte ne me le faisait pas apparaître très sérieux. Je suppose de surcroît que vous êtes la même personne ayant réagi au premier article de presse évoquant le projet « Un homme est mort » (article datant du 5 avril 2005 et paru dans les colonnes du quotidien « Le Télégramme »), cette personne écrivant déjà à l’époque qu’on oubliait la mort d’un gendarme. Vous vous dites ni militant de gauche, ni de droite mais à tout le moins, et au vu de la divulgation de votre texte sur de multiples sites de bande dessinée, cette histoire semble donc vous tenir à coeur (pour des raisons que vous n’évoquez pas, sauf la divulgation de LA Vérité qui, en l’occurence, n’est que la vôtre et n’appartient qu’à vous). Je me suis dit que j’avais sans doute à faire à un vain polémiqueur et j’en étais donc encore à évaluer l’utilité d’une réponse. Mais la divulgation publique de votre message sur des sites internet m’empêche de laisser passer vos affirmations sous silence. Votre mail adressé à nous, auteurs, comportait en outre un paragraphe d’introduction supplémentaire en sus de votre critique, paragraphe que je me permet de reproduire ici car il contient des éléments supplémentaires vous concernant et auquels je tiens aussi à répondre. « Cher Monsieur, Bravo pour votre ouvrage... Mais pour moi 1 + 1 = 2 Je ne milite ni à gauche, ni à droite : j'ai toujours gardé mon libre arbitre, "ma liberté de penser" comme dirait Pagny » Merci d’avoir aimé notre ouvrage. Mais au vu de ce que vous racontez par la suite, j’ai du mal à apprécier vos critères d’évaluation. Un récit comme celui de « Un homme est mort », récit disons « historique », truffé de tant d’erreurs, volontaires ou non, ne m’apparaîtrait pas à moi comme digne d’être aimé. Non pas que je revendique d’avoir fait un livre historiquement parfait (et bien au contraire, il me semble que nous ne faisons aucun mystère de notre subjectivité et du fait que nous portons UN regard sur ces événements et non pas LE regard ultime) mais entre subjectivité et quasi-mensonge (même par omissions involontaires), il existe tout de même un pas susceptible de séparer un bon ouvrage d’un mauvais. Enfin, libre à vous de ne militer nulle part (et c’est bien dommage) afin de garder votre « liberté de pensée » comme dirait donc Florent Pagny (à votre place, je choisirais un autre philosophe comme directeur de conscience et j’espère que, contrairement à lui, vous payez vos impôts servant à la bonne continuité d’une société solidaire) mais n’oubliez jamais que c’est justement grâce à certaines formes de militantisme que vous êtes libres de penser et de l’écrire. Et que nous avons chaque jour, en ce moment-même, de nouvelles preuves du côté indispensable de ce militantisme. « Par contre j'aime la vérité : j'ai vécu les évènements uniquement comme spectateur, n'ayant pas l'age d'y participer... Nous savions que ça risquait d'être chaud : les manifestants ne s'étaient pas embarqués sans biscuits : Lance-pierres (on appelle ça des "blettes" à Brest), confectionnées à l'arsenal, en vrai métal, projectiles divers et en particulier pour beaucoup, des billes d'acier provenant des roulements industriels employés sur les bateaux... Aussi, je me permets de vous faire part à suivre de ce qui ressemble le plus à la vérité : je vous remercie d'en prendre connaissance » Il aurait été intéressant que vous précisiez justement votre âge à l’époque. Pardonnez-moi mais le témoignage d’un enfant recueilli 56 ans après les faits, s’il peut avoir une certaine valeur, doit, pour le moins, être examiné avec attention. D’autre part, le fait d’avoir vu ces événements de près ne me suffit pas pour vous accorder un crédit plein et entier. La critique historique se doit de prendre d’autres facteurs en compte tels que votre milieu d’origine par exemple (social, politique, etc.) afin d’apprécier votre témoignage en connaissance de cause. Je vous rassure néanmoins : nous avons également procédé ainsi avec nos autres témoins de ces événements et, contrairement à ce que vous semblez croire plus loin, nous n’avons pas accordé une confiance illimité dans leurs témoignages et les avons confronté à d’autres sources, notamment documentaires (cf plus bas). Quant au fait que les ouvriers n’étaient pas venus sans « biscuits », c’est un fait évident et d’ailleurs montré dans notre livre. C’était incontestablement une manifestation violente. Mais je reviendrais sur cette violence un peu plus loin.


Par Spooky Le 21/11/2006 - 08:43 (Modifier)
Spooky

Réponse de Kris [copié-collé de BDGest, avec l'autorisation de Kris] Bon, hé bien, c'est parti. Je préviens une dernière fois : c'est très long et certainement très chiant pour tous ceux que l'album n'a pas vraiment touché. Mais il s'agit d'une mise au point quasi-définitive au cas où d'autres fâcheux s'y mettraient à leur tour. Je ne perdrais pas mon temps à répondre à d'autres calomnies de ce genre après ce que je vais poster ici. Pour d'autres responsables de site qui viendraient ici, vous avez évidemment tout le loisir de copier-coller ce texte. Merci, Kris PS : je mets ça en plusieurs messages car ça prend sans doute plus d'une page de BDGest...


Par Spooky Le 20/11/2006 - 16:12 (Modifier)
Spooky

[déplacé] Message de Michel CORRE : "Vu du coté militant, on ne peut mieux, mais hélas, il ne faut pas se contenter de lire uniquement les avis unilatéraux... Rédaction à partir d’extraits du livre que je suis en train de rédiger sur la période 45/58 sur Brest. A propos des grèves et manifestations d’avril 1950, et du décès d’Edouard Mazé. Je crois que la façon la plus précise de se faire une idée de la réalité de cette tragédie, est de lire tout simplement les nombreux articles de presse, et notamment ceux du « Télégramme » du lendemain, relatant cette journée sanglante, et ainsi de constater la violence inouïe de la manifestation, (qui n’avait rien de romanesque), et de vérifier également une certaine vérité, qui pourrait amener les auteurs de la bande dessinée, à modifier leur titre pour « deux hommes sont morts », en sachant que le deuxième décès concernait un père de famille anonyme, oublié au panthéon inexistant de la martyrologie des serviteurs de l’ordre républicain, tombé sur le pavé de la rue Karabécam, sous la grêle des projectiles lancés par les manifestants, amnistiés à jamais par l’effet « Marabounta* » (un film très en vogue à cette époque), où on ignore la responsabilité individuelle, et où l’on hurle ou bien danse avec les loups, selon la tournure des évènements. Si la « Marabounta » tue, la terminologie est « voies de fait », alors que les forces de l’ordre, en état de légitime défense « assassinent »… au bilan, il y a deux morts, deux morts qui à mes yeux ont la même valeur, et pour lesquels deux familles ont pleuré… Parler en termes romanesques de ce drame, avec en support un film oublié, commandité à l’époque par la CGT, avec pour témoignage actuel celui d’un des protagonistes de ce chausse-trappe, député communiste et conseiller municipal, humaniste à ses heures sauf pour voter un don de la ville de Brest aux réfugiés hongrois victimes des chars soviétiques en novembre 1956, m’apparaît comme déni de vérité, d’autant que je ressens une très grande compassion pour le sort d’Edouard Mazé, (il méritait mieux qu’une bande dessinée), et que je reconnais la légitimité des revendications des salariés de ces dures années. On ne parlait d’ailleurs guère à l’époque de manifestations, mais de « luttes ouvrières », et même de «bagarres» : c’est par ce terme que fut qualifié le violent affrontement qui opposa les grévistes aux forces de l’ordre, dans le quartier de Coat-ar-Guéven, le jour fatidique où le jeune manifestant (26 ans) trouva la mort : alors qu’une pluie de projectiles divers (boulons, pierres, morceaux de ferraille) tombaient sur les gendarmes, et que 49 d’entre eux étaient déjà blessés, dont certains grièvement atteints, des coups de feu éclatèrent venant, dit-on, des forces républicaines, sans que l’ordre de tir ne fut donné. Instinct de conservation, réflexe d’auto ou de légitime défense de ces gendarmes coincés dans le piège de la venelle de Kérabécam, face à des manifestants déchaînés, ou résultat d’un tir provenant d’éléments incontrôlés ? : le drame brestois jeta la consternation sur la ville et même sur l’ensemble de la nation. Malheureusement, le jeune ouvrier reçut une balle dans la tête, et décéda à son arrivée à l’hôpital Ponchelet. L’autopsie du défunt révéla que cette balle aurait pu être tirée d’une fenêtre du futur hôpital Morvan, encore en travaux à cette date, et situé à quelques dizaines de mètres du lieu du drame, mais l’affaire ne semble pas avoir été totalement élucidée. Cette version, bien que plausible, ne peut convenir à la martyrologie ni du PCF, ni de la CGT, aussi, par soucis d’apaisement, les autorités et la presse oublièrent cette éventualité, déjà dans le souci du politiquement correct. Grièvement blessé à la suite de ces affrontements, le gendarme Gourvès, de Plougastel Daoulas, devait également mourir, ce qui confirme, si besoin était, qu’il s’agissait en l’occurrence d’une véritable émeute urbaine, et non pas d un simple défilé revendicatif « pour obtenir une distribution de lait destinée aux nourrissons », comme certains voudraient nous l’enseigner aujourd’hui. Pour preuve, il s’en suivi 4 arrestations spectaculaires : celles de deux syndicalistes CGT, et surtout celles de 2 députés communistes du Finistère : Marie Lambert et Alain Signor, qui écopèrent respectivement de 5 et 6 mois de prison avec sursis, pour voies de fait, et ceci en dépit de leur immunité parlementaire. Leur procès avait fait grand bruit : encadré par la « nomenklatura » politique et syndicale, une masse impressionnante de sympathisants, pesa de tout son poids sur le jugement, ce fut, je le pense, la plus grosse affluence que connut le petit «Palais de Justice » provisoire de la place de l’Harteloire ! Comme toujours, en pareilles circonstances, les véritables responsables des évènements manquent totalement de courage, s’en tirent à très bon compte, et osent, plusieurs années après, tirer gloire de ces épisodes douloureux. Dans cette affaire, il conviendrait de dire : deux hommes sont morts : il n’y a pas de vie d’homme qui vaille plus que celle d’un autre. * « Marabounta » : énorme colonie de fourmis d’Amérique du Sud, qui dévaste tout sur son passage, et qui fait preuve d’une incroyable intelligence collective pour survivre. Michel CORRE"


Par Spooky Le 20/11/2006 - 16:10 (Modifier)
Spooky

Un Homme est mort Voilà, cet album qui plonge dans un moment noir de notre histoire suscite la polémique. Je copie-colle dans la réponse à ce message l'"avis" de Michel Corre, qui a également été posté sur CoinBD et BDParadisio. Je mettrai par la suite la réponse de Kris, avec son autorisation Sourire