La Hache et le fusil

Note: 2.83/5
(2.83/5 pour 6 avis)

Fait partie du cycle La mémoire des arbres


1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Collection Repérages La Mémoire des Arbres Les coups de coeur des internautes Servais Wallonie

En Belgique, dans les années 60. Robert est bûcheron, illettré. Marie-Astrid est citadine, ancienne maitresse d'un notaire. Ils ont 25 ans d'écart. Ce couple étrange et mal assorti fait jaser la région. Lorsque la femme disparait, le mari est accusé du meurtre, mais faute de preuve, il est relâché. Ce qui ne plait pas à tout le monde. Pris en chasse par les gendarmes alors qu'il s'apprêtait à commettre un enlèvement, Robert s'enfuit. Les questions restent en suspens : Qu'est devenue Marie-Astrid ? Robert est-il son assassin ? Où aurait-il caché le corps ?

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Avril 1994
Statut histoire Série terminée 2 tomes parus

Couverture de la série La Hache et le fusil © Dupuis 1994
Les notes
Note: 2.83/5
(2.83/5 pour 6 avis)
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
L'avatar du posteur Présence

J'ai parié avec mes amis que je danserais avec l'assassin ! - Ce tome contient une histoire complète, rassemblant les 2 tomes, chacun publié pour la première fois en 1994, dans une série intitulée La mémoire des arbres. Le scénario a été adapté d'un fait divers par Gérard Frippiat, Jean-Claude Bissot et Jean-Claude Servais, ce dernier ayant dessiné l'histoire. La mise en couleurs a été réalisée par Émile Jadoul. Fin août 1964, dans la forêt gaumaise, des daims se mettent à courir derrière le mâle. Au fond des bois, une Jeep arrive à une petite maison. Robert arrête le véhicule et en descend. Il prend dans ses bras la jeune fille en pleurs sur le siège passager. Il la dépose délicatement dans le canapé, sans dire un mot, et il allume un feu dans la cheminée, toujours sans dire un mot. Il prend un manteau d'adulte et l'enfile à la demoiselle qui continue à pleurer sans dire un mot. Il entend du bruit à l'extérieur. Il sort sur le pas de la porte et écoute. Il rentre, prend son fusil et un couteau de chasse, un chapelet dépassant de la poche de sa veste. Il part en laissant tout derrière, y compris la jeune fille sur le canapé. Deux Jeep de la gendarmerie arrivent. Dans l'une d'elle se tient René Collard, menottes au poing, qui intime au conducteur d'aller plus vite. Ils voient enfin la maison. Robert regarde autour de lui : la voie est dégagée : il s'en va à longues enjambées, très calme. Sur le chemin, il croise sa mère dans une carriole tirée par trois chiens. Elle lui dit qu'elle l'avait bien prévenu et qu'il voit où ça l'a amené d'avoir épousé cette femme. Elle lui remet un flacon de jus de plantain, puis elle continue son chemin jusqu'à la première maison de la ville. La mère fait le tri dans quelques objets mis au rebut et récupère un abat-jour. Elle rentre chez elle toujours dans sa carriole. Une fois arrivée, elle détache les chiens. Elle rentre à l'intérieur pose, l'abat-jour et leur donne à manger de la viande à même le sol, après l'avoir découpée au couteau. Elle se coupe un petit morceau de viande crue pour elle. Elle se fait la réflexion que tout ce qui arrive à son fils est la faute de la femme qu'il a épousée. Puis elle se met à aiguiser son couteau sur une meule à pédale. Ça lui rappelle le même geste qu'elle faisait à l'été 1929, quelques heures avant la naissance de Robert. Elle s'était interrompue en entendant la voiture du notaire Henry qui passait non loin du campement de fortune de sa famille, avec des roulottes et des chiens. Le bruit de la voiture n'avait pas été assez fort pour réveiller le paternel et les frangins. Elle avait ressenti une nouvelle contraction. La nuit, le paternel avec sa femme et les trois frangins s'étaient rendus à proximité d'une ferme pour déterrer le cadavre encore frais d'une vache et récupérer la viande. Le lendemain, les frangins donnaient la viande aux chiens, et la mère donnait naissance à Robert, couchée dans la carriole. À Bruxelles en 1934, Marie-Astrid Dandois, vendeuse dans une armurerie éconduit un importun trop insistant, puis accueille le notaire Henry. Il est venu l'emmener à la campagne, dans son petit château. La genèse de cette bande dessinée se trouve dans le scénario d'un projet de film avorté, coécrits par Fripiat & Bissot. Ils souhaitaient faire un film sur une célèbre affaire criminelle : le monstre des Ardennes. L'affaire Champenois se déroula autour du village de Buzenol, petite localité belge perdue au creux de la forêt d'Etalle, non loin de Virton et de la frontière française. En 1954, âgée de plus de 50 ans, Elisabeth Danniau épousa Roger Champenois, alors âgé de 25 ans. En 1963, l'épouse disparaît : le mari est accusé, puis relâché faute de preuves. En 1964, Robert Champenois agresse une épicière et enlève sa fille. Il s'enfuit et échappe à la gendarmerie pendant une vingtaine de jours. Il finit par être attrapé et condamné à perpétuité pour un meurtre sans cadavre. Jean-Claude Servais reprend le scénario à son compte et réalise cette adaptation en 106 pages. Il a commencé sa carrière de bédéaste professionnel en 1977, et a connu le succès avec sa série Tendre Violette (1982-2007) avec un scénario de Gérard Dewamme. Les scénaristes ont choisi de prendre des libertés avec les faits : ce n'est donc pas une reconstitution, ce qui explique que les noms et les lieux aient été changés. Robert Champenois devient Robert Lambert, Elisabeth Danniau devient Marie-Astrid Dandois. L'action se déroule toujours dans la Gaume où réside Servais, une partie francophone de la Wallonie en Belgique, dans l'extrême Sud de la province de Luxembourg, à la frontière franco-belge. La première page installe le ton d'une partie significative de cette histoire : la forêt dans la région de la Gaume. Le lecteur a à l'esprit le titre générique de cette série d'histoires indépendantes : la mémoire des arbres. L'artiste prend un soin délicat à représenter la forêt et la nature. Il dessine d'un trait fin, avec des aplats de noir un peu hachurés, pour une représentation réaliste et précise. Sur cette première page, le lecteur peut identifier les animaux, l'oiseau, et les différentes plantes, arbres. Lorsque Robert fuit et se retrouve sur un chemin où il croise mère, le lecteur peut se projeter pour effectuer une balade le long de ce sentier. Plus loin il voit passer la belle voiture du notaire sur une route de campagne, avec la clôture en piquets et fil de fer barbelé. Il peut voir les couleurs de l'automne, le champ de blé avec quelques coquelicots, des vues générales de la campagne aux alentours du château, de la maison des Champenois. Il observe Robert travailler à la tronçonneuse et à la hache pour son métier de bûcheron. Il suit Robert pendant 3 pages magnifiques quand il fait découvrir la forêt à René Collard, le sacristain qui a emménagé avec lui. Et bien sûr, il suit Robert pendant une dizaine de pages alors que la traque va bon train pour le capturer. À chaque séquence, il peut observer chaque plante, chaque arbre pour en déterminer le nom, et il voit passer un peu de vie sauvage, quelques animaux. Même si ces séquences constituent un peu moins de la moitié du récit, elles le colorent fortement, attestant ainsi du fait que Robert Champenois est un homme des bois, c’est-à-dire un individu habitué à vivre et à travailler dans la nature. Grâce aux dessins réalistes et méticuleux, le lecteur éprouve l'impression de suivre un reportage pris sur le vif. Tout commence avec cette scène un peu surprenante, juste avant que ne commence la traque de Robert dans la forêt, par des centaines de gendarmes, et même des hélicoptères. Il est probable que cette situation parle plus à des lecteurs belges qu'à des lecteurs français, l'affaire ayant eu un fort retentissement en Belgique. La rencontre avec la mère s'avère fort déstabilisante. Puis le récit remonte en 1929 pour reprendre un ordre chronologique. Le lecteur peut voir les conditions de vie très frustes de la famille de Robert, et leur vie de chapardage et de vente de chiens. En observant les images, le lecteur en vient à se demander à quel genre de pratiques dégénérées ils peuvent se livrer. Déterrer le cadavre d'une vache pour en récupérer la viande, prendre une femme comme paiement pour des chiens, faire tirer une carriole par des chiens, attacher des chiens à un fauteuil roulant… Le lecteur en vient à se demander quelles autres pratiques peuvent être sous-entendues, que ce soit la consommation d'un autre type de chair, ou des contraintes psychologiques cruelles. Le contraste est total avec la vie de Marie-Astrid Dandois, vivant à Bruxelles, dans le confort moderne. Le premier tome distille une ambiance malsaine et angoissante, en laissant supposer que la famille de Robert Champenois est capable de tout, et que lui-même est un peu attardé, et pas un modèle d'épanouissement et d'équilibre psychologique. L'entrée en scène du bedeau René vient rajouter une touche de soupçon de maladie mentale. Le lecteur passe alors à la seconde partie : les scénaristes développent à la fois la relation entre Robert et René, et des retours dans le passé dévoilant des aspects de la relation entre Robert et son épouse. Il est impossible de résister à la bonne humeur de René, même si elle est fortement tempérée par le mutisme de Robert. Dans le même temps, le caractère de Marie-Astrid se révèle peu commode. La narration visuelle continue de montrer ces individus dans leur quotidien de manière naturaliste. Le lecteur ressent qu'il côtoie des êtres humains complexes et plausibles, avec des interactions où les non-dits pèsent lourds. Au fur et à mesure que les événements du passé sont révélés, la pesanteur quasi morbide de la première partie se dissipe et l'action gagne en importance. Les auteurs donnent leur interprétation du drame. Il n'explicite pas les ressentis des uns et des autres, mais montrent leur comportement, ainsi que la manière dont est décédée Marie-Astrid Dandois. Ils ne diabolisent pas Robert Champenois, et ils n'en font pas non plus un Robin des Bois. Le lecteur peut prendre fait et cause pour Robert, comme pour Marie-Astrid, sans pour autant les absoudre de leurs responsabilités : les auteurs en ont fait des individus pleinement incarnés dans leurs contradictions, et dans la façon dans la société les considère. Au départ, une idée étrange : rendre compte d'une affaire criminelle en en changeant des faits connus. Dans l'exécution, les dessins un peu maniérés donnent une consistance extraordinaire aux individus, aux intérieurs, et également à l'environnement forestier. La première partie génère un malaise palpable chez le lecteur. Dans la seconde partie, le lecteur se rend compte que chaque protagoniste a acquis une vie propre et qu'il se trouve à les comprendre, à éprouver une réelle empathie pour chacun d'entre eux.

11/04/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 2/5
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Le premier tome est assez bien fait avec un mystère qui attirait mon attention. Toutefois, je trouve que Servais aurait pu un peu plus développer la relation entre Robert et sa future femme parce que je ne comprends pas trop pourquoi ils se marient. Enfin, ça reste une lecture sympathique. Le deuxième tome en revanche est peu crédible. Tout d'abord avec ce paroissien crétin qui me fait penser à Francis Blanche dont je ne comprends pas pourquoi il est toujours avec Robert. Ça serait crédible s'ils étaient copains avant, mais là ils semblaient peu se connaitre. Et puis après plusieurs pages où rien d'intéressant ne se passe, Robert fait soudain des trucs qui ne font pas de sens et j'ai décroché. Comme c'est basé sur une histoire vraie, peut être que ses actions qui m'ont fait sourciller sont vraiment arrivées, mais j'en ai rien à cirer sincèrement.

16/08/2011 (modifier)
Par Erik
Note: 3/5
L'avatar du posteur Erik

C'est le dernier Servais que je n'avais pas encore lu concernant cette collection particulière de la mémoire des arbres. Il s'inspire d'un fait divers et remonte dans le temps pour expliquer toute l'histoire de ce Robert, un gentil gars de la campagne pas bien futé. J'ai bien aimé dans l'ensemble même si je dois reconnaître que ce n'est pas ce que l'auteur a fait de mieux. Ce titre est pourtant assez sous-évalué comme une punition injuste. La lecture fut assez plaisante comme à chaque fois qu'on lit du Servais. On pourra certes dénoncer une certaine légèreté avec l'introduction d'un personnage trop étrange dans le second tome à savoir un sacristain illuminé. Pour autant, le récit est maîtrisé dans son scénario. Que dire du dessin qui est toujours aussi beau ! Un vrai régal pour les yeux ! On laisse un peu de côté la nature qui ne sert que de prétexte à un thriller romantico-policier qui tient quand même en haleine. On dit bien que les histoires d'amour finissent mal en général...

01/07/2010 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Première histoire de la collection « La Mémoire des Arbres » de Servais, La Hache et le Fusil en déterminait la ligne de conduite, le ton et la forme. Un fait divers réel, un village gaumais, une histoire où s’entremêlent amour, vengeance et ruralité. Il faut avouer que le cas proposé ici est bien gratiné : un drame véridique issu d’une étrange histoire d’amour (de pouvoir ?) entre un loqueteux inculte et une intrigante à la cuisse légère. Au niveau du scénario, Servais est assisté de deux auteurs. Je ne sais si c’est dû à leurs apports mais j’ai trouvé l’histoire à la fois bien contée, bien documentée et bien rythmée. En règle générale, je trouve les scénarios de l’auteur un cran en dessous de son dessin, mais, dans le cas présent, ce serait plutôt l’inverse. En effet, le dessin de Servais n’est pas d’égale valeur avec d’autres de ses œuvres. Je crains que l’histoire ne comporte trop de passages en intérieur (maisons, prisons, églises, palais de Justice) pour me séduire. Car si j’admire le trait de cet auteur, ce sont souvent les passages dans lesquels il illustre un arbre, une forêt, un oiseau, un paysage gaumais ou un frais visage féminin qui m’enchantent le plus. Ceux-ci sont malheureusement trop peu fréquents dans le cas présent pour provoquer mon contentement. De plus la colorisation est assez terne. Une œuvre moyenne donc (une fois de plus) mais qui (une fois n’est pas coutume) m’aura plu séduit par son histoire que par son dessin. Un bon 2/5 ou un petit 3/5, j'hésite...

28/04/2009 (modifier)
Par Ro
Note: 2/5
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Une histoire vraie racontée de manière réaliste... Bof... Côté dessin, c'est du Servais typique : réaliste, pas mauvais mais un peu vieillot à mes yeux. J'aime moyennement son style mais c'est une question de goût. Côté histoire, c'est, comme dans la majorité des récits de Servais, un décor campagnard et traditionnel avec des personnages rustiques. Les deux tomes de cette BD se lisent assez vite, le premier relatant à grande vitesse le passé de Robert, de sa naissance dans un campement de nomades rustauds et éleveurs de chiens jusqu'à son mariage avec une veuve de notaire dominatrice et volage. On termine le premier tome sur un Robert d'une cinquantaine d'années, en prison, accusé d'avoir tué sa femme sans qu'on sache s'il l'a vraiment fait et si oui pourquoi. Le second tome le fait rencontrer et vivre un moment avec un homme catholique mais un peu simplet décidé à "sauver cet innocent". On ne comprend pas trop ce qu'ils font ensemble ces deux là, Robert est toujours aussi muet et difficile à comprendre, et son "bienfaiteur" parait naïf et parfois même ridicule. Et puis on arrive rapidement à la fin du récit où, après une brusque accélération du récit et de sa violence, on découvre ce qu'il s'est réellement passé avec la femme de Robert, mais on ne comprend pas vraiment les raisons de ces faits et surtout pourquoi Robert a réagi ainsi au moment où on l'a accusé et pourquoi il a réagi à outrance sur la fin de ce second album. Un récit qui ne m'a pas captivé du tout, qui m'a laissé sur une note d'incompréhension et de désinterêt pour l'histoire et pour ses personnages.

09/05/2005 (modifier)

Servais aime bien les histoires vraies. Il faut dire que l'imagination, quoi qu'on en dise, a ses limites, et la réalité est parfois plus intéressante et plus riche. L'histoire est prenante, ce n'est pas surprenant, Servais sait tenir son lectorat en haleine. L'album est aussi prétexte à dessiner la forêt, Servais est alors dans son élément et se fait plaisir, pour notre plus grand plaisir.

22/04/2004 (modifier)