La Ville (Nicolas Presl)

Quand le peuple des morts-vivants se lève et vient gâcher la fête de l’élite fortunée…
La ville, au bord de l’eau, grouille de monde. Dans un club, les gens, plein d’insouciance, s’amusent, boivent, dansent. Un couple s’enlace et s’étreint, la vie semble bien douce. Un premier cadavre est découvert dans l’eau, les orbites vides, le corps décharné, le visage émacié. Puis un deuxième, flottant au large. Un troisième ne tarde pas apparaître, sortant de l’eau, menaçant, claudiquant vers le couple, acculé dans sa luxueuse villa. Puis d’autres émergent. Et d’autres encore. Créatures infectées ou macchabées revenus du monde des morts, de plus en plus nombreux, ils vont néanmoins trouver leur place dans l’énorme cité, mais tout en bas, à la marge. Parqués, surveillés par des drones, victimes de ratonnades, les créatures sont néanmoins capables de solidarité; et quand la colère gronde, que la révolte s’organise, et que les grandes tours se mettent à flamber, c’est que l’heure de la vengeance a sonné.
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Date de parution | 06 Juin 2025 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis


Se lancer dans la lecture d’une œuvre de Nicolas Presl est à chaque fois une expérience, et « La Ville » ne déroge pas à la règle. Le travail de cet auteur, totalement à part, tient davantage de la démarche artistique, même si l’on reste bien dans la narration séquentielle. En ce qui me concerne, c’est le troisième ouvrage que je lis de lui, et comme à chaque fois, il m’est difficile de dire si j’ai vraiment aimé. Mais de façon inexplicable, ses récits me procurent une sorte de fascination faisant que je suis resté captivé jusqu’à la fin par son univers étrange, très étrange, loin d’être avenant. De plus, ses bandes dessinées sont totalement muettes, et obligent le lecteur à une participation active pour essayer de deviner les conversations ou trouver du sens à certains passages plus ou moins obscurs, quand bien même on arrive à saisir la teneur globale de l’histoire, du moins peut-on le croire… Dans « La Ville », ce sont deux univers totalement étrangers l’un à l’autre qui se télescopent. D’un côté, les individus issus d’une classe qu’on suppose aisée, qui viennent faire la bamboche dans une ville qui évoquerait immédiatement Dubaï, Doha, ou tout autre « Mecque » ultramoderne du golfe persique, où les influenceurs, ces nouveaux riches des temps modernes, aiment à exhiber leur réussite sociale. Et à côté d’eux, les invisibles, ceux que l’on ne voit pas sur les brochures touristiques, parce qu’ils sont laids, pauvres et sentent mauvais, morts ou presque, quelle importance ? Mais tout va basculer le jour où ces « morts-vivants » auront l’idée de venir narguer ces « princes de la maille » représentés par ce couple très mal assorti et superficiel : lui, un parvenu queutard et alcoolo qui drague la bonne de sa résidence de luxe, elle, une midinette un brin écervelée, étrangement attirée par la même bonne, donnant lieu à une histoire dans l’histoire… Et dès lors, tout ne va faire qu’empirer. Nos pestiférés vont déferler et faire régner la terreur dans ce milieu propre et bien ordonné, dans des scènes dignes de « Walking Dead ». Et on ne sait même pas vraiment si celles-ci sont liées à un mauvais trip dû aux substances plus ou moins licites ingérées par la bande de noceurs en roue libre. Après des scènes extrêmement chaotiques faisant ressembler l’enfer de Dante à l’île aux enfants, un semblant de calme revient et ces riches oisifs rigoler de nouveau autour d’une luxueuse piscine, de façon quelque peu lunaire. Je ne me lancerai pas dans l’exégèse de ces 312 pages, ce qui prendrait beaucoup trop de temps, mais l’impression qui domine ici est que l’auteur a joué sur les contrastes de deux classes sociales antagonistes pour mieux faire ressortir l’étrangeté absolue de nos sociétés. Il faut l’avouer, tout cela est quelque peu anxiogène, mais « La Ville » est un miroir peu flatteur qui nécessite tout de même une certaine dose de bravoure. Le monde décrit par Nicolas Presl est réellement terrifiant, c’est vrai. Mais quand on y réfléchit, est-il si différent du nôtre ? En fin de compte, l’auteur ne fait ici que retranscrire son chaos ambiant, sa violence, ses incohérences et ses injustices, avec en filigrane la désinvolture de ceux qui se croient à l’abri dans leurs bulles de confort. Parabole politique, son récit renoue avec la vision de Georges A. Romero, qui à travers la thématique du mort-vivant, dénonçait une société basée sur le profit et la consommation. Même si le contexte semble évoquer ces nouveaux paradis persiques, n’allez pas croire que le récit est spécifique à notre époque. De façon plus intemporelle, Presl parle du monde tel qu’il a toujours été, d’ailleurs on ne verra dans « La Ville » aucun smartphone ou autre objet connecté, si ce n'est les drones de surveillance très stylisés... Nicolas Presl reste fidèle à son style très graphique, où le noir et blanc est totalement justifié, se suffisant à lui-même. Sa ligne claire est loin d’être désagréable avec ces faciès à la Picasso. Par leurs personnages inquiétants, certaines scènes rappellent un peu l’expressionnisme d’un James Ensor ou d’un Otto Dix. C’est en cela que je parlais plus haut de démarche artistique. Clairement, « La Ville » est à déconseiller aux personnes sensibles… ceux qui privilégient la BD à papa dédaigneront sans doute le livre. Plus curieux peut-être, les autres aviseront... Mais Nicolas Presl, auteur solitaire que tout amateur d’insolite se doit de découvrir, signe une fois de plus une œuvre unique, à l’écart des sentiers battus.
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