Alice embrasse la lune avant qu'elle ne s'endorme (Alice küss den Mond bevor er schläft)

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Dans un Berlin cauchemardesque, d’étranges protagonistes, le Comte Chiffre ou Eot ling, croisent le chemin d’Alice. La jeune fille les attire chez elle et les décapite. Johnny, un artiste raté et névrosé, tombe amoureux d’elle. Mais n’a-t-il pas rêvé toute cette histoire ?


Alice au Pays de la BD Auteurs allemands Berlin Trash

Alice a été depuis sa création, une source sans fin de fascination pour les artistes ou les psychanalystes. Dans cette version revisitée, Atak choisit de n’en garder que le sexe comme désenchantement de l’enfance. Le récit fonctionne par l’imbrication de petites saynètes qui tisse peu à peu les relations entre les personnages. Comme dans un tableau de Jérôme Bosch, les animaux, les hommes et les objets semblent se mêler pour accoucher d’un monde hybride, d’une ville tentaculaire hantée jusqu’à la folie par la solitude et le désir. Cet univers unique est porté par un traitement graphique étonnant qui emprunte à l’art brut sa beauté et sa force.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Mai 2000
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Alice embrasse la lune avant qu'elle ne s'endorme © Frémok 2000
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)
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02/03/2024 | Noirdésir
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Cela faisait très longtemps que je voulais découvrir l’œuvre d’Atak, un auteur « underground » allemand, et en particulier cet album, que je recherchais en vain, jusqu’à ce que je tombe dessus dans l’excellente librairie parisienne Aaapoum Bapoum. Et je n’ai pas été déçu par cet album, qui s’est révélé déroutant, mais très riche. Disons-le tout de suite, il rebutera fortement les amateurs exclusifs de franco-belge classique, et ceux qui sont trop cartésiens ou réfractaires à une poésie noire. Car on a ici une œuvre pleinement surréaliste, que ce soit pour le fond ou pour la forme. En effet, je suppose qu’Atak a en partie improvisé, au gré d’une écriture quasi automatique, pour plusieurs passages. De fait, la narration est décousue. Quant au dessin, il est à la fois simple (un bon côté underground), mais aussi minutieux au niveau du remplissage des décors, ce qui m’a souvent fait penser à certains dessins médiumniques chers à André Breton. Cette version d’Alice prend place dans une série de publications des éditions Frémok qui à l’époque formaient « L’expérience Alice » (un encart indépendant et assez complexe de 6 pages est normalement inclus dans l’album, et présente le cheminement historique et intellectuel de Fremok et d’Atak autour d’Alice). Mais on est loin, très loin ici de l’œuvre de Carroll, qu’Atak s’est appropriée pour en faire quelque chose de personnel et très noir. En effet, il donne une vision noire, trash, érotique (certaines scènes violentes ou sexuelles m’ont poussé à conseiller cette lecture à des adultes) d’un Berlin qu’on croirait sorti des désastres de la guerre (le Berlin de 1945 – les ruines en moins – ou celui des expressionnistes de l’immédiat après première guerre mondiale). Tout ici est bestial, le désir est primaire et sans filtre, que ce soit Eros ou Thanatos qui l’aiguillonnent. Les scènes, les images s’enchaînent, et la traversée de l’album laisse le lecteur les yeux rougis par un monde où la folie balaye l’innocence, où les repères habituels (la morale, l'innocence de l'enfance, le distingo entre être animés et objets) s’estompent. Une œuvre impossible à résumer bien sûr, difficile à appréhender, et qui questionne. Une œuvre qui m’a touché en tout cas. Un coup de cœur visuel, poétique et surréaliste. A feuilleter avant d’acheter, car c’est très particulier (remarque toute virtuelle, étant donné la rareté de la rencontre de cette album). Note réelle 3,5/5.

02/03/2024 (modifier)