Très chers élus - 40 ans de financement politique

Note: 3.75/5
(3.75/5 pour 4 avis)

Dans cette nouvelle enquête choc, deux journalistes de la Cellule investigation de Radio France analysent les dérives qui empoisonnent la démocratie et alimentent la défiance à l'égard de toute la classe politique.


BD Reportage et journalisme d'investigation Documentaires Politique

Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet ont enquêté sur l'argent du pouvoir (de N. Sarkozy à J-L. Mélenchon en passant par E. Macron ou S. Royal...). La loi française a beau être stricte, sans moyen la transparence est loin d'être acquise. Erwann Terrier utilise son style inimitable et son sens de la dérision pour ouvrir les valises et éplucher les comptes de campagne de nos très chers élus.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 07 Septembre 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Très chers élus - 40 ans de financement politique © Delcourt 2022
Les notes
Note: 3.75/5
(3.75/5 pour 4 avis)
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22/09/2022 | Blue boy
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L'avatar du posteur Noirdésir

Cette collection publiée en coédition par Delcourt et La Revue dessinée confirme, album après album, sa grande qualité et son intérêt. Car encore une fois, les auteurs réussissent parfaitement leur pari d’intéresser, de captiver, d’informer, sans être jamais lourd, ou trop indigeste. La narration est en effet très fluide, jamais lassante. Les personnages de la BD rendent vivante cette enquête, et les dialogues et certaines situations jouent même sur l’humour, pour aérer le « récit ». Et ça n’est pas inutile ! Car on a là une longue suite de foutage de gueule, d’hypocrisies, de la part de Tartuffe qui sont ceux qui ont dirigé le pays depuis quelques décennies. Quelques scandales plus médiatisés (mais des lois récemment tentent de juguler le pouvoir d’investigation des journalistes) ont certes permis quelques avancées dans le contrôle de l’utilisation de l’argent public par les élus, mais « à contre-cœur », avec des limites, et quasiment aucun élu n’est condamné (lorsqu’il est poursuivi) et c’est alors du sursis. L’accumulation des faits dans cet album est déprimante – mais la lecture régulière du Canard enchaîné m’a hélas habitué à ce genre d’étalage – et au fait que nos « décideurs », nos « représentants » continuent à ressentir l’impunité qui les protège. Balkany, Sarkozy, Chirac et consorts, Tartuffe se présentant comme d’inflexibles défenseurs de la loi, pérorant contre les incivilités des pauvres des quartiers populaires, sont réellement les principaux fossoyeurs d’une démocratie dont ils bafouent les valeurs à longueur de journée. La lecture est plaisante, mais induit le malaise, faut-il rire ou pleurer ? Je ne sais pas. Mais ce genre d’enquête est salubre. A ma connaissance aucun élu n’a porté plainte pour diffamation, les accusations sont donc recevables. Mais resteront sans conséquence : la prison c’est pour les autres. Et Macron, qui a – comme beaucoup de choses, en bon avocat d’affaire (comme Sarkozy) – optimisé le système, profite à plein du système, qu’aucun parti ne dénonce et ne combat réellement, chacun trempant dans la mouise. Quant aux institutions censées contrôler les comptes des élus, les exemples cités ici démontrent leur inefficacité – voulue, car bridée. Instructif, énervant, mais à lire. Après, que faire ?

28/09/2023 (modifier)
Par Cleck
Note: 3/5
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Voici une BD que je souhaitais vraiment apprécier. J'espérais un brûlot dénonçant les magouilles et astuces plus ou moins légales utilisées par nos élus pour financer leur parti, leurs campagnes, que l'on soit pris de vertiges par les conséquences légales ou législatives de ces financements (telle loi pour favoriser telle classe sociale, tel marché public pour récompenser tel don d'une entreprise, etc.). Ce n'est malheureusement point le cas. Le problème est double : - Premièrement, j'étais au fait de la très grande majorité des faits rapportés (j'espérais davantage de découvertes avec cette enquête Radio France, qui est donc bien davantage un recensement qu'une nouvelle enquête), et ceux-ci sont à peine étudiés et mis en perspective. C'est de la donnée brute, très parcellaire et à peine retravaillée. Même si assez habilement mis sous forme de BD afin d'élargir le lectorat potentiel de celle-ci. - Ensuite, et cela est fort gênant, des faits de gravité bien variable peuvent être juxtaposés, au risque du nivellement contre-productif. Le "tous pourris" est ridicule d'excès, mais comprendre l'hypocrisie et le jeu avec la loi en cours dans la très grande majorité des grands partis est nécessaire. Certains demeurent purs, le souci ne réside certainement pas dans l'imparfaite loi sur le financement de la vie politique, mais bien dans le rapport qu'ont bien des personnalités politiques avec l'argent public. Reste une pertinente évocation des dérives, une brève explication à celles-ci, mais pas de fine analyse d'un système nourrissant ceux qui le financent grâce à la générosité d'élus redevables sinon corrompus.

29/11/2022 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
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Ce n'est pas encore avec cette BD que je vais me raccommoder avec nos "élites" politiques tant les dysfonctionnement de nos institutions ou plutôt le manque de transparence, l'impudence et la cupidité de certains discréditent nos représentants. Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet, journaliste d'investigation à Radio-France, nous livrent en effet ici une enquête salutaire et étayée qui pointe d'un côté les dysfonctionnements de notre système et propose de l'autre des solutions ou tout du moins des gardes fou possibles pour y remédier. On pourrait s'attendre à un traitement aride et rébarbatif en s'attaquant à ce genre de sujet, mais c'est là que le savoir faire et le talent d'Erwann Terrier viennent trouver le juste équilibre entre le factuel et le satyrique ou l'humour noir. Certaines de ses allégories ou représentations de certaines situations sont tout bonnement jouissives et drôlatiques ! Reste le fond de cette enquête... Et là, le bilan est loin d'être reluisant pour nos chers élus... Toujours prompts à s'arroger des moyens de façons ahurissantes pour financer leur campagnes et assoir leur position ; jamais responsables de rien et prompts à effacer les ardoises financières et judiciaires, même pour les "ennemis de toujours" (là, pour une fois ils sont solidaires pour éviter les sanctions !!!). On croit rêver ! Bref, un album providentiel à mettre dans toutes les mains pour espérer un jour que cela change et que nos représentants regagnent un peu de la confiance de ceux qui les ont placés sur ces sièges qu'ils ont oublié être éjectables.

08/10/2022 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Voilà bien une BD d’enquête politique comme on les aime ! Publié conjointement par Delcourt et l’excellente Revue dessinée, « Très chers élus » est le fruit d’un travail méticuleux d'Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet, tous deux journalistes de la cellule investigation de Radio France. Le duo s’est appuyé sur des archives diverses (de presse, audiovisuelles ou institutionnelles), des dossiers judiciaires rendus publics et des interviews. Le résultat est un ouvrage salutaire et indispensable, de nature à faire avancer le schmilblick politique et peut-être réduire un tant soit peu le taux d’abstention qui en France ne cesse de croître d’élection en élection… Une fois passée la courte et édifiante introduction montrant Macron implorant la larme à l’œil un parterre de financiers pour l’aider à financer sa campagne de 2017, tout commence un peu à la manière d’un film d’espionnage, avec la rencontre « incognito » des deux journalistes avec un mystérieux Monsieur X, imper, chapeau, écharpe et lunettes rouges, dont on saura seulement qu’il a « tout vu de l’arrière-boutique des partis sous la Ve République ». Des valises de billets aux origines douteuses, des fonds spéciaux Matignon ou de la Françafrique, l’homme, dont la fonction lui a permis de côtoyer les hautes sphères, semble en connaître un rayon sur la question sulfureuse du financement des partis politiques ! Et aucun n’y échappe, y compris Jean-Luc Mélenchon… En résumé, l’ouvrage nous remet en mémoire des affaires qui ont fait la Une ces dernières décennies, notamment les fraudes dans le financement des campagnes de Chirac et Balladur en 1995, à coup de mallettes et autres rétrocommissions (remember Karachi ?). Mais le champion toutes catégories, nous rappelle-t-on, reste Sarkozy, qui avait dépensé en 2012 deux fois plus que la limite autorisée (Bygmalion, ça vous parle ?). Sans parler des factures étrangement gonflées. Tout cela ne serait « rien » si les frais de campagne n’étaient pas remboursés par l’Etat = nos impôts. Cette enquête nous livre également quelques éléments éclairants sur la vie politique : - Les « formations » plus ou moins bidon, en marge des universités politiques (les fameuses universités d’été notamment !) sont entièrement prises en charge par les collectivités locales = nos impôts. - Les micro-partis qui fleurissent avant chaque campagne ne servent qu’à permettre la multiplicité des sources de financement, les donateurs étant bien sûr remboursés, quelque soit le montant engagé (ce qui évidemment profite beaucoup aux plus riches qui ne savent pas toujours quoi faire de leur argent), dans le cadre des réductions d’impôts = nos impôts. Le livre reviendra également sur les frais de mandat dont certains ont profité abusivement jusqu’à gratter le moindre centime, et dont découlent bien souvent les fameux emplois fictifs ou familiaux (cf. le « Penelopegate ») = nos impôts. S’il pourra conforter un moment ceux qui aiment à rabâcher à l’envi l’argument du « tous pourris », cet ouvrage, qui ne tombe pas dans ce piège démagogique, tempérera bien vite leur ardeur à casser systématiquement du politique. De plus, ceux qui sont tentés par les votes extrêmes pour mieux clamer leur ras-le-bol réaliseront que le RN (ex-FN) est loin d’avoir les mains aussi propres qu’il le prétend. Bien sûr, tout ça n’est pas très glorieux pour notre République, mais les auteurs insistent sur le fait que si ces malversations concernent tous les partis, elles n’impliquent pas pour autant individuellement la majorité des hommes et femmes politiques. L’espoir est donc permis, même si la tâche est ardue et que les institutions ont tendance à privilégier une certaine opacité ! Mais d’année en année l’étau se resserre, souvent plus lentement que dans d’autres pays voisins plus pragmatiques (c’est ça la France !), à chaque fois en réponse à la magouille. Des fraudes autrefois tolérées sont de plus en plus remises en cause par la justice… quand bien sûr on lui donne les moyens de faire son travail (Monsieur Macron, un avis ?). « Très chers élus » prouve tout son intérêt en ne se contentant pas de dénoncer mais en fournissant la piste à suivre pour atteindre cette transparence qui semble toujours un peu utopique dans l’Hexagone. Et cette piste nous vient des Britanniques, eux aussi confrontés à ce type d’affaires, lesquels ont mis à disposition du citoyen un site où il est possible de consulter les notes de frais de chaque député. Indéniablement, la trame narrative est très maligne. Plutôt que d’aligner faits et assertions de manière linéaire et fastidieuse, les auteurs, en s’adjoignant les services d’Erwann Terrier, ont su parfaitement utiliser les codes et atouts de la bande dessinée pour embarquer le lecteur, y compris le plus récalcitrant (« Moué… Encore une BD politique chiante par des journalistes à la botte des « merdias » ? »). Ainsi, Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet nous livrent une enquête claire et passionnante qui, loin de vous donner des maux de tête, fonctionne en grande partie grâce à son schéma ternaire : d’un côté les deux journalistes qui remplissent leur mission en restant à la fois factuels et "candides", d’un autre ce Monsieur X, qui balance ses infos tout en se faisant paradoxalement l’avocat du diable (et qui parfois s’agace des propos de ses interlocuteurs), et enfin du troisième, le dessinateur Erwann Terrier dont l’excellent trait réaliste effleure subtilement la caricature et répond aux textes avec une causticité jubilatoire – certains portraits peuvent même déclencher des fous-rires incontrôlés ! Un ouvrage chaudement recommandé !

22/09/2022 (modifier)