Le Procès Papon - Un fonctionnaire de Vichy au service de la Shoah

Note: 4/5
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Avril 1998. Après six longs mois de procès et 95 audiences éreintantes, le verdict va enfin tomber. Maurice Papon, ex-secrétaire général de la préfecture de Bordeaux, ex-préfet de police de Paris et ex-ministre du Budget sous Giscard, sera-t-il reconnu complice de crime contre l’humanité ? (Texte éditeur)


Documentaires Nazisme et Shoah Procès Séries avec un unique avis

Le procès Papon n’est pas un procès ordinaire. Parce qu’il est le premier, et le seul, d’un fonctionnaire de Vichy pour un tel motif. Parce qu’il est le dernier de l’épuration. Riss, qui avait déjà suivi pour Charlie Hebdo le procès de Paul Touvier, en 1994, retrace l’intensité de celui de Maurice Papon à travers plus de 400 dessins d’audience. (Texte éditeur)

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 14 Septembre 2007
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Procès Papon - Un fonctionnaire de Vichy au service de la Shoah © Charlie Hebdo/Les Echappés 2007
Les notes
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25/02/2022 | Ju
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Par Ju
Note: 4/5
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Pour le natif des années 90 que je suis, le nom de Maurice Papon, s'il n'est pas inconnu, n'est pas forcément évocateur de grand choses. C'est en se penchant sur son histoire que l'on se rend compte qu'il est un personnage important dans deux événements assez marquants en France, et pas forcément les plus glorieux, à savoir les déportations massives de juifs en 1942 et ce que l'on a appelé "l'affaire" de la station de métro de Charonne, en 1962. Il est ensuite resté dans les sphères du pouvoir (il a été ministre) jusqu'en 1981, où le canard enchainé révèle son implication dans les déportations massives en Gironde en 1942. S'ensuivent de longues années de batailles judiciaires qui mènent à son procès, qui se tient en 1997 et qui est le sujet de cette bande dessinée. Riss nous livre ici tout ce qu'il a croqué, attrapé, retenu de ce procès hors normes, où Papon était inculpé de crimes contre l'humanité. Nous avons donc la restitution de l'avancée du procès quasi jour par jour, les évolutions de la procédure et les très nombreux témoignages, à charge contre Maurice Papon mais aussi ceux pour défendre Maurice Papon. Je dirais presque que c'est ceux-ci qui m'ont le plus intéressé, mais j'y reviendrai. Le récit est donc linéaire, on part du début du procès pour terminer par le verdict. Si Riss a clairement une opinion sur ce procès, et ne se cache pas pour la faire savoir, j'ai trouvé que cela n'influait pas trop sur la lecture que j'ai eu. Certes, il y a certains commentaires qui s'écartent d'une restitution totale qui serait neutre (cette bd ne se vend d'ailleurs pas comme telle), mais la restitution reste très complète. Rien n'est oublié, tout est assez clair, les plaidoiries toujours compliquées sont rendues compréhensibles par l'auteur. Mais alors ok le procès est bien rendu, c'est clair, mais en quoi est-ce intéressant me direz vous ? Eh bien ce que j'ai trouvé personnellement passionnant, c'est les débats autour de cette situation, et de voir comment un homme qui a participé à des déportations de masse, en tant que fonctionnaire, est resté dans les cercles administratifs du pouvoir. Comme je le disais en introduction, ce que j'ai préféré, c'est les témoignages en faveur de Papon, de personnes qui réclament son innocence. Les arguments entendus sont intéressants, et principalement de deux ordres : 1 - Papon était forcé, ce n'est pas sa faute, d'ailleurs il est entré dans les réseaux de résistance, et il ne savait pas que les personnes qu'il contribuait à déporter allaient dans des camps d'extermination 2 - Papon est vieux et, plus de 50 ans après les faits, il faut "réconcilier les français" et oublier ces vieilles histoires. Evidemment, il y a aussi les arguments de l'autre côté, qui sont que Papon a outrepassé ses fonctions en se montrant particulièrement zélé, et qu'il doit donc être condamné pour ses actes. Qu'il ne pouvait se prévaloir de la méconnaissance de ce qui advenait des personnes déportées, en l'état des connaissances de l'époque, et que s'il avait été moins zélé, il aurait été "simplement" mis au placard, comme d'autres fonctionnaires de Vichy. Je trouve personnellement ces arguments très valables et pense qu'ils emportent ceux des parties adverses. Mais ces derniers n'en restent pas moins très intéressants. Ce qui est fascinant et bien montré par Riss, c'est cet "esprit de corps" des hauts fonctionnaires qui viennent, tour à tour, défendre Papon, avec les arguments que j'ai cité plus haut. Riss montre bien à quel point cela lui a paru choquant, ces témoins venant minimiser les actes de Papon, devant des descendants des victimes des convois de la mort. Et j'ai personnellement trouvé que cela avait quelque chose de choquant. Cet homme qui se défendait de tout acte criminel, qui, à chaque témoignage de victime, assure qu'il compatit, mais qui quelques minutes après se défend d'avoir eu quelque rôle particulier dans les déportations, alors même qu'il a été prouvé qu'il en avait fait plus que ce que les allemands demandaient, cela a eu sur moi un réel effet glaçant. Un autre point que Papon soulève et qui n'est pas tant présent que cela dans la bd, mais qui a fait l'objet d'un arrêt du conseil d'Etat, c'est la question de la responsabilité de l'Etat. En effet, classiquement, en droit administratif, on distingue la faute personnelle de la faute de service. Grosso modo, la faute de service est la faute de l'administration, et peut donc décharger l'agent, et la faute personnelle suppose elle une faute de l'agent public, qu'il ne peut justifier par l'action de l'administration. Papon avait demandé que cette "faute" (avoir envoyé tous ces gens dans les convois de la mort, donc), soit qualifié comme une faute de service, donc comme une faute de l'Etat français, soit à l'époque le gouvernement de Vichy. Le Conseil d'Etat avait reconnu à 50% la faute de l'Etat et à 50% la faute de Papon, en ce qu'il avait fait preuve d'un zèle, d'un dévouement à sa fonction, et qu'il s'était, en gros, donné à 100% pour accomplir sa mission le "mieux" possible. En gros, le Conseil d'Etat ne reproche pas à Papon l'individu d'avoir organisé les convois de la mort, mission qui lui était imposée par le régime de Vichy, il lui reproche d'être allé au delà de ce qui lui avait été demandé. Le zèle du fonctionnaire Papon avait eu, en l'espèce, des conséquences dramatiques. Pour en revenir au jugement, voir les réactions de Papon, qui continue à nier, à faire comme s'il ne savait pas et comme si il n'avait rien à faire dans ce procès, où en tout cas pas plus qu'un autre, cela laisse, à la lecture de la bd comme à la lecture d'autre sources, assez interdit. C'est en tout cas fascinant de voir comment un homme, pas par idéologie mais par "sens du devoir" envers son gouvernement, peut organiser l'envoi vers l'enfer de milliers de personnes, et aller même au delà de ce qui pouvait lui être demandé. J'en finirai sur le dessin, qui est dans un style caricatural plutôt bien fait, même si les planches sont inégales. après, j'imagine que les bancs d'une cour d'assises ne sont pas les plus confortables pour dessiner. Au final, j'ai trouvé ce trait plutôt agréable tout au long de ma lecture que - mais vous l'aurez compris - je vous conseille.

25/02/2022 (MAJ le 27/02/2022) (modifier)