Le Petit Homme - Histoires courtes 1980-1995

Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)

De la description acide de ses colocataires, ses anciens profs ou sa petite amie, jusqu'au portrait de son envahissant voisin Danny, Chester Brown raconte tout sur son quotidien.


Auteurs canadiens Séries avec un unique avis

Dans Le Petit Homme, il fait preuve d'une imagination débridée dans l'autofiction enfantine. Avec Helder, le making of, il nous plonge au coeur de son processus de création. Dans Ma mère était schizophrène, il compose un brillant essai qui balaye nombre d'idées reçues à propos de la dépression.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 04 Mars 2009
Statut histoire Histoires courtes 1 tome paru

Couverture de la série Le Petit Homme - Histoires courtes 1980-1995 © Delcourt 2009
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)
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20/04/2021 | cac
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
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Un véritable auteur - Ce tome compile 27 histoires de jeunesse écrites et illustrées par Chester Brown. La longueur de ces histoires varie de 1 à 34 pages. Il se termine par 20 pages de notes de l'auteur contextualisant chaque histoire. Le sujet des récits couvre un spectre assez large. L'histoire d'ouverture (4 pages) imagine que les rouleaux de papier toilette se sont révoltés contre l'humanité qu'ils ont décidé d'exterminer. le récit de clôture (6 pages) démonte l'approche psychiatrique de la schizophrénie pour développer un point de vue antipsychiatrique. Entretemps le lecteur aura pu découvrir les déboires d'un restaurant qui n'est plus approvisionné en viande de phoque, d'un individu hypnotisé par son poste de télévision. Il aura également assisté à une invasion d'extraterrestres mangeurs de nez. Puis il se trouve face à une adaptation d'un récit gnostique sur le frère jumeau de Jésus. Arrivé à la page 47, les récits autobiographiques font leur apparition avec la relation entre Chester Brown et Helder, un autre locataire d'une maison d'hôtes. Pour la couverture, Chester Brown explique en fin de volume que réaliser une illustration pleine page ne l'intéressait et qu'il lui a préféré un format bande dessinée (avec l'accord de son éditeur). Sur la couverture il explique comment lui est venue l'idée de réaliser la première histoire sur le papier hygiénique, pourquoi elle ne fait que 4 pages. le lecteur peut même découvrir comment Brown travaille, c'est-à-dire avec une planche à dessin sur les genoux. Avec les notes en fin de volume, le premier tiers de l'ouvrage permet de se familiariser avec le style graphique de Chester Brown : simple, éloigné du photoréalisme, expressif, légèrement éthéré, très artisanal. En effet les bordures des cases ne sont jamais tracées à la règle, mais légèrement tremblée. le lettrage présente des irrégularités qui donnent un aspect amateur à l'ensemble. La réalité est que Chester Brown a démarré en dessinant des mini-comics (format réduit) vendus dans quelques magasins à Toronto, plus underground, ce n'est pas possible. Il s'est lié d'amitié avec 2 autres auteurs de comics Seth (par exemple George Sprott, 1894-1975) et Joe Matt (par exemple le pauvre type). À la toute fin des années 1980, il publie "Yummy Fur", un comics contenant ses histoires courtes et ses histoires au long cours (telles que Ed the happy clown, ou une adaptation de l'évangile selon Saint Marc). Marqué à jamais par la lecture de quelques numéros de Yummy Fur, j'ai souhaité redécouvrir cet auteur hors norme. Les premières histoires de ce volume oscillent entre la provocation surréaliste sans limite (ces fonctionnaires au pénis d'un mètre) et les expérimentations insondables (5 cases juxtaposées les unes à coté des autres, sans aucun lien discernable). La lecture de ces récits oscille entre le divertissement sans concession, et l'incompréhensible (pas désagréable, mais impossible de discerner l'intention de l'auteur). Les notes en fin de volume s'avèrent passionnantes car elle donne du sens à chaque histoire et elles mettent en évidence le cheminement mental de Brown alors qu'il découvre petit à petit ce qu'il souhaite vraiment raconter, qu'il apprend à se connaître. Arrivé à la première histoire autobiographique, le lecteur découvre une histoire sans conséquence, racontée avec tact, presqu'avec distance. Chester Brown présente les faits. Il se garde bien d'y donner une interprétation sur l'intention des uns et des autres. Par contre il met admirablement en évidence les hésitations, la complexité des contacts entre chaque individu et les mouvements de domination. du fait de sa volonté de proscrire tout sensationnalisme, l'histoire est à ranger dans les anecdotes de la vie quotidienne peu palpitantes. le seul intérêt du récit réside dans la manière dont il est raconté par Chester Brown. L'histoire d'après est également autobiographique : Brown raconte comment a évolué l'histoire précédente au fur et à mesure qu'il la montrait à son amie, ou à Seth, puis à Mark Askwith. le lecteur contemple comment Brown a construit ses souvenirs pour les transformer en histoire. Ce passage est fascinant car il explicite le travail d'auteur de Brown : il décortique comment il choisit chaque moment, comment il travaille les dialogues pour transcrire les émotions, comment les mots prononcés par un individu sont interprétés d'une manière différente par celui qui les écoute. Ce passage montre également comment Brown travaille : il dessine chaque case séparément, puis les colle sur une feuille de papier pour composer sa mise en page. La dernière histoire est tout aussi personnelle, même si elle est à classer dans un autre genre. Les notes de fin de volume indiquent que la mère de Brown souffrait de schizophrénie. À l'évidence, Brown a souhaité se faire sa propre opinion sur cette maladie afin de mieux comprendre l'impact que la condition de sa mère a pu avoir sur sa vie. Brown expose les théories de différents chercheurs et médecins sur le sujet pour exposer comment il s'est forgé sa propre conviction. Il explique que cette bande dessinée lui a valu une certaine notoriété puisqu'elle a été reprise par une association de patients atteints de maladie mentale. Au-delà des convictions de Brown sur le sujet (auxquelles le lecteur peut adhérer ou non), il est fascinant de voir comme lesdites convictions ont influencé sa façon de raconter ses tranches de vie, comment il a fait le choix de bannir toute interprétation psychanalytique de son œuvre. Alors que je ne m'attendais qu'à trouver des histoires faciles et superficielles d'un auteur en devenir, ce tome est l'occasion pour le lecteur de découvrir la construction d'un auteur à part entière. Ce cheminement est passionnant à découvrir, et le plaisir de lecture est encore augmenté par la personnalité de Chester Brown qui présente son point de vue personnel, sans jamais l'asséner ou le matraquer, en fournissant la distance nécessaire pour que le lecteur puisse éprouver ses sentiments et confronter ses propres convictions à la pensée de l'auteur. Les histoires qui relèvent plus de la fiction et du divertissement contiennent également de telles idiosyncrasies débarrassées de toute hypocrisie qu'elles offrent un dépaysement unique, à mille lieux de tout divertissement formaté.

25/04/2024 (modifier)
Par cac
Note: 3/5
L'avatar du posteur cac

Cela fait longtemps que je n'avais rien lu du canadien Chester Brown, un auteur que j'aime bien, belle maîtrise graphique. Cet album est une compilation d'histoires de jeunesse on pourrait dire. J'avoue qu'au début, j'étais circonspect. C'est assez anecdotique, est-ce que ça méritait bien d'être publié... Et puis il y a des récits plus longs qui deviennent plus intéressants, cela parle de scènes de la vie quotidienne mais l'auteur a un truc pour rendre cela accrocheur et se mettre en scène comme celle où il raconte sa vie en colocation dans une grande maison. L'un de ses colocs est à moitié cinglé et ça part en embrouille pour des broutilles même si Chester garde son sang-froid. Ensuite il raconte tout le making-of autour de la création de cette histoire et on voit le ressenti de sa copine et de son ami Seth également auteur. Une autre histoire, le petit homme, qui donne son nom au recueil est assez drôle. Il se montre enfant ou disons jeune adolescent en classe et sa professeur le surprend cachant un truc dans sa poche, qui s'avère être son sexe, puis elle tire dessus, le truc se distend, il fait l'hélicoptère sautant du toit de l'école sous les balles de la police appelée en renfort. Bref un recueil inégal mais que je recommande tout de même aux amateurs de l'auteur, et aux autres car cela permet de découvrir son style avant de s'attaquer à ses gros pavés.

20/04/2021 (modifier)