3 Rêveries

Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)

Un poème graphique dans lequel se déploie, sous la forme d’une rêverie muette, le triptyque des créations humaines : le temps, l’outil et la pensée.


BD muette Les leporellos Marc-Antoine Mathieu OuBaPo Séries avec un unique avis

Toujours fasciné par le rapport entre forme et fond, Marc- Antoine Mathieu poursuit ses expérimentations. Il accentue la mutation du livre vers l’objet et délaisse un temps la dramaturgie pour l’expression poétique. "3 Rêveries" est un poème graphique dans lequel se déploie, sous la forme d’une rêverie muette, le triptyque des créations humaines : le temps, l’outil et la pensée. L’errance et la nécessité, l’adversité et la réalisation, la contingence et la logique agissent toutes ici, invisibles et indicibles. L’auteur donne à chaque rêve sa forme imprimée idéale : leporello, jeu de cartes et ruban panoramique

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 21 Novembre 2018
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série 3 Rêveries © Delcourt 2018
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

20/12/2018 | Blue Boy
Modifier


Par Blue Boy
Note: 3/5
L'avatar du posteur Blue Boy

Dans la veine qu’on lui connaît, Marc-Antoine Mathieu repousse une nouvelle fois les limites de la bande dessinée, jouant à fond sur le mystère. D’ailleurs, peut-on encore parler de bande dessinée ? Si d’art séquentiel il est question ici, c’est bien le seul critère qui relie l’objet au neuvième art. Cases et textes se sont effacés au profit du visuel, et il n’y a pas de pages à tourner. Alanguis dans leur écrin noir, les trois supports intriguent d’abord puis se dévoilent doucement à la contemplation (ce qui requiert évidemment une main délicate). Avec MAM, cela devient une habitude, le support s’impose un peu plus à chaque parution comme un élément-clé du récit, faisant du lecteur un personnage pleinement actif. C’est ainsi que, comme poussé par le désir d’appréhender une vérité immémoriale, ce dernier va commencer à dérouler le cylindre aux allures vaguement bibliques. Il y contemplera ébahi une allégorie muette de l’humanité, ou plutôt de la pensée qui lui est inhérente (logos), jaillie de nulle part au milieu d’un espace aux profondeurs insondables, tel un songe transcendant la réalité. La pensée se fait particule, se dissolvant en mille fragments pour se reconstituer puis se dissoudre de nouveau. Une abstraction décrite comme un voyage vertigineux entre philosophie et rêve éveillé. Il y a aussi le leporello, un accordéon tout aussi silencieux, disséminant ses ondes et décochant ses flèches pour illustrer le concept du temps (temporis). Et enfin les cartes, postales ou à jouer, il appartiendra au « lecteur » d’en déterminer la fonction, qu’il ait été transporté ou amusé par cette évocation du parfait ouvrier de l’intellect que sont les mains (faber), outils de création et donc de pouvoir, à l’origine de toute les réalisations, fonctionnelles ou un peu mégalos, débouchant parfois sur les pires folies humaines. On est toutefois obligé d’admettre que, comme tout concept purement poétique, l’objet semble peu adapté au monde concret. Et l’on hésite à procéder à d’ultérieures consultations, en particulier pour ce qui est de la pseudo-torah, pour éviter la tâche fastidieuse d’avoir à la ré-enrouler, de peur qu’elle ne rentre plus pas sa mini-gangue de papier. Et de constater qu’une fois de plus, MAM nous a embobinés avec ses interrogations métaphysiques vertigineuses, où science et poésie établissent un dialogue, débordant toujours un peu plus du cadre de la BD pour se rapprocher d’un mode artistique oubapien. Et pour son prochain projet, que nous réserve-t-il ? On le croit tout à fait capable de nous proposer des estampes, des tablettes en pierre polie, des sculptures, ou encore pourquoi pas - allez soyons fous - des aquariums ou des cages à oiseaux… Ces « trois rêveries » ne sont pas le premier projet de l’auteur à faire s’arracher les cheveux des imprimeurs… Car c’est sûr, on en a désormais quasiment la preuve, Marc-Antoine Mathieu n’est pas de ce monde et parle la langue d’E.T. Ce qui explique sans doute pourquoi on lui passe tout… Pas indispensable à l'achat, sauf bien sûr pour les collectionneurs, et peut constituer un cadeau original.

20/12/2018 (modifier)