Le Quatrième Mur

Note: 3.33/5
(3.33/5 pour 3 avis)

Un jeune militant va mener le projet utopique de monter Antigone dans Beyrouth en guerre. Inspiré du roman de Sorj Chalandon, un récit structuré par Eric Corbeyran et Horne.


Corbeyran Le Liban Proche et Moyen-Orient

Dans l'enthousiasme d'une manifestation en faveur de la Palestine, Georges est emporté par la force de ses convictions. La foule est immense et les forces de l'ordre sont là, boucliers dressés. Au moment ou il scande CRS=SS, Sam qui marchait à coté de lui, l'arrête. En quelques mots, le grec qui avait manifesté contre la dictature des colonels donne à son camarade une leçon de vie. Lui, le juif, refuse que l'on simplifie à outrance, que l'on amalgame sans raison. Entre l'étudiant de la fac de Jussieu et le militant grec venu témoigner, une amitié profonde va naître. Quelques années plus tard, Sam est gravement malade. Sur le lit de son hôpital parisien, il va parler à Georges d'un projet fou qu'il ne peut plus mener à bien. Un projet au-delà des oppositions politiques, culturelles, religieuses, que le vieux militant se refuse de voir avorter. Alors, il va expliquer comment il a réuni une jeune actrice de théâtre palestinienne et sunnite et un acteur druze qui jouera son compagnon. Autour d'eux, le roi sera incarné par un maronite, entouré de chiites dans les rôles du page et du messager. Et enfin, Ismène prendra les traits d'une arménienne catholique. Nous sommes en 1982, et Sam demande à Georges de reprendre son projet fou : il ira monter Antigone dans Beyrouth en guerre.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 19 Octobre 2016
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Quatrième Mur © Marabout 2016
Les notes
Note: 3.33/5
(3.33/5 pour 3 avis)
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24/05/2017 | Erik
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Par Présence
Note: 4/5
L'avatar du posteur Présence

Personne ne quitte ce monde vivant. - Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre. Cette bande dessinée est l'adaptation du roman du même nom de Sorj Chalandon : le quatrième mur (2013), prix Goncourt des Lycéens 2013 et choix des Libraires 2015. Il a été adapté en bande dessinée par Éric Corbeyran (scénario) et Horne Perreard (dessins). il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc, avec des nuances de gris. Dans l'introduction de 2 pages, un homme en costume se tient sur une scène et présente Antigone, avec les mots de Jean Anouilh. Chapitre 1 - Georges participe à une manifestation en faveur de la Palestine, dans les rues de Paris, en avril 1974. À côté de lui marche Samuel Akounis, un pacifiste juif grec de Salonique. Sam demande à Georges de ne pas clamer haut et fort n'importe quel slogan. Georges a rencontré Sam la première fois, alors que ce dernier donnait une conférence à la Fac de Jussieu, sur l'opposition à la dictature des colonels dans son pays (1967-1974). Il raconte, entre autres, comment une représentation d'Ubu Roi (d'Alfed Jarry, 1896) a provoqué son emprisonnement arbitraire, parce qu'il en était le metteur en scène. Le groupe gauchiste auquel appartient Georges perd de sa vigueur et il se retrouve un peu désorienté. Par contre il continue à fréquenter Sam. Ce dernier lui parle de la pièce Antigone, écrite par Jean Anouilh en 1944 : Antigone. Il lui parle de la petite maigre, de ses parents juifs, de la notion de quatrième mur (ce mur virtuel qui sépare les acteurs des spectateurs au théâtre), de Joseph Boczov. Il lui apprend le sens des mots et à faire la différence entre une dictature et la démocratie qui existe en France. Georges se marie avec Aurore, et ils ont une fille qu'ils appellent Louise. Samuel Akounis tombe malade, et il parle du projet qu'il a initié, à Georges : faire jouer Antigone à proximité de la ligne verte (frontière de 1967), dans la zone frontalière du Liban et de la Palestine. Si le lecteur n'a jamais entendu parler du livre original de Sorj Chalandon, il ne se rendra pas forcément compte qu'il s'agit d'une adaptation. Cela veut dire qu'Éric Corbeyran a bien fait son travail, en sachant transcrire les spécificités de l'écriture d'un roman, avec les particularités narratives d'une bande dessinée. le pari était risqué parce que l'intrigue ne repose pas sur des aventures ou sur des rebondissements étonnants, mais souvent sur des échanges de points de vue au cours de discussions. Or les dialogues ne sont pas souvent des séquences présentant un grand intérêt visuel. Afin de conserver une narration fluide, le scénariste a choisi de mettre en scène les passages avec des déplacements, ou des actions particulières (par exemple une manifestation), et d'insérer les réflexions de Georges sous forme de cellule de texte. Éric Corbeyran et Horne Perreard avaient déjà travaillé ensemble sur une adaptation d'un roman de Frantz Kafka : La métamorphose (2009). Ce dessinateur réalise donc des dessins en noir & blanc qu'il habille avec nuances de gris, comme appliquées à l'aquarelle. Par cette méthode, il peut donner l'impression de textures sur les murs ou d'autres éléments de décor, évitant un effet trop lisse ou trop nu. Il rend aussi ainsi compte des ombres portées par les sources de lumière. Cela donne l'impression de pages assez denses d'un point de vue graphique. En y regardant de plus près, le lecteur peut avoir l'impression que les traits encrés s'apparentent à des esquisses, L'artiste s'attachant plus à capturer l'impression générale du moment pour en conserver la spontanéité, qu'à se montrer le plus précis possible, ou le plus descriptif possible. Ce choix graphique donne une forme d'allant à la narration visuelle, évitant une forme trop pesante. de temps à autre, Horne passe plus de temps pour une vue plus éloignée comme celle d'une foule lors d'une manifestation, ou la vue d'ensemble de l'amphithéâtre de Jussieu, ou encore une vue globale d'un quartier de Paris. Au fil des pages, le lecteur peut se projeter dans chaque environnement qu'il s'agisse du petit appartement de Georges, de la chambre d'hôpital de Sam, ou des différents lieux au Liban et en Palestine. Les dessins ne constituent pas un reportage journalistique sur l'état du Liban, encore moins une balade touristique. Cela n'empêche pas le lecteur de pouvoir observer l'ampleur des dégâts occasionnés par la guerre, ou d'être sous le charme des paysages intacts en dehors des villes. Cette approche graphique conserve également la spontanéité des personnages. Horne leur donne des silhouettes toutes un peu similaires, à savoir fines. le lecteur constate qu'il sait les représenter dans des postures de tous les jours, effectuant des gestes normaux. Il utilise régulièrement des plans taille pour les discussions ce qui permet de faire apparaître une bonne partie de la posture des interlocuteurs. le lecteur observe que les visages comportent souvent 2 gros traits pour les sourcils, et un point pour chaque œil. En outre, les visages sont parfois un peu plus gros que ne le voudrait l'exactitude des proportions anatomiques. Cela permet de mieux faire passer les émotions sur les visages en les rendant plus importants et plus expressifs. Ainsi le lecteur perçoit mieux l'état d'esprit de l'interlocuteur. Horne se montre tout aussi expressif dans les scènes sortant de la banalité du quotidien. Il sait montrer la ferveur d'une foule en train de manifester, la douleur d'un corps torturé, la faiblesse d'un malade alité, la tension de Georges quand son guide lui confie un pistolet, la tension des acteurs quand Georges les rencontre pour la première fois. Par le biais des cases, le lecteur peut observer la précarité et le dénuement dans certains quartiers de Beyrouth. le lecteur se laisse donc facilement emporter dans l'histoire par les dessins simples en apparence, mais remplissant leur fonction avec un vrai savoir-faire. Il apprécie de lire une vraie bande dessinée, et pas une transposition réalisée à la va-vite en recopiant des gros pavés de texte du roman, avec des images trop figées. Éric Corbeyran est un scénariste de bandes dessinées prolifique qui maîtrise son mode d'expression, auteur de séries comme le régulateur avec Éric et Marc Moreno, Châteaux Bordeaux avec Espé, le chant des Stryges avec Richard Mérineau & Merlet. Ici il s'efface derrière le roman originel de Sorj Chalandon. Le lecteur est amené à suivre un jeune homme d'une bonne vingtaine d'années, pendant plusieurs années, uniquement au travers de ce projet de représentation d'Antigone, au Liban. Dans le cadre contraint de la pagination de cette bande dessinée, Corbeyran ne peut pas expliciter toutes les références historiques, culturelles, religieuses et politiques. Il vaut mieux que le lecteur ait une vague idée de ce qu'est un druze ou un maronite, ou qu'il fasse preuve du courage nécessaire pour aller consulter une encyclopédie en ligne ou papier. Sinon, il éprouvera quelques difficultés à saisir les antagonismes ethniques et culturels que doit surmonter Georges pour tenir faire aboutir le projet initié par Sam. Par contre, le scénariste consacre du temps pour expliquer l'argument de la pièce Antigone de Jean Anouilh, rappeler le contexte de son écriture, et faire ressortir les rapports de force qui existent entre les personnages. de ce fait, même si le lecteur ne s'intéresse pas à la situation du Liban et de la Palestine au début des années 1980, il peut trouver son intérêt dans les tensions sous-jacentes qui font obstacle au projet. Sorj Chalandon fut un journaliste pendant plus de 30 ans pour Libération (de 1973 à 2007) puis pour le Canard Enchaîné. À ce titre il a reçu le prix Albert Londres en 1988. Il est un écrivain auteur de plusieurs romans la plupart primés, Retour à Killybegs ayant reçu le Grand prix du roman De l'Académie Française, en 2011. le lecteur suit les dernières étapes de l'organisation de cette représentation d'Antigone, en accompagnant Georges dans ses démarches. Il constate rapidement que chaque personnage a une histoire personnelle qui influe fortement sur ses décisions. L'auteur rend compte de la complexité de la situation, de l'engagement de Samuel Akounis et de son regard sur la vie. Il évoque le passé de ses parents, sous-entendant que leur histoire personnelle a exercé une forte incidence sur celle de leur fils. Ce passage et très rapide dans la bande dessinée, il est peut-être plus étayé dans le roman. Éric Corbeyran a bien su conserver la dimension littéraire du roman, et les questions qui se posent au fur et à mesure de l'avancée du projet de Sam. Il n'y a pas que les difficultés de faire travailler ensemble des individus dont les peuples s'entre-déchirent depuis des décennies. le projet en lui-même soulève des questions quant à la motivation de Georges, quant à son engagement, quant à l'importance qu'il lui donne par rapport à celle accordée à sa femme et sa fille. En outre, Georges lui-même n'est pas un individu neutre, c'est un blanc, européen, avec une culture catholique, même s'il ne pratique pas cette religion. Il intervient au Liban pour faire aboutir un projet qui n'est pas le sien, pour apporter un moment de paix dans cette région du monde, comme si les communautés locales en étaient incapables par leurs propres moyens. Enfin, l'intrigue d'Antigone entre en résonance de bien des manières avec les personnes d'origine diverse qui doivent l'interpréter. Sorj Chalandon n'utilise pas la pièce de Jean Anouilh comme un vague prétexte culturel plaqué artificiellement. Il en mêle le thème à celui de son récit, pour une mise en abîme intelligente, pertinente et pénétrante. le lecteur peut également voir une forme de mise en abîme entre Georges et Sam, et l'auteur lui-même dans la mesure où les deux premiers sont des metteurs en scène, fonction que remplit également l'écrivain. Il est vraisemblable que cette bande dessinée n'apporte pas grand-chose à quelqu'un ayant déjà lu le roman. Pour un autre type de lecteur, il s'agit d'une vraie bande dessinée ambitieuse. le lecteur peut facilement ressentir de l'empathie pour Georges, projeté dans une situation qu'il n'a pas souhaitée, même s'il dispose d'une personnalité et d'une histoire qui le rendent unique. Il apprécie l'intrigue au premier degré en se demandant ce qu'il adviendra du projet de représentation d'Antigone. Il observe ces individus normaux faire de leur mieux, essayer de s'adapter aux circonstances. Il ressent l'écho de l'intention de Jean Anouilh au travers de sa pièce et la nature universelle de ce thème, s'adressant directement au lecteur, en brisant le quatrième mur de manière métaphorique, plutôt que formelle.

03/05/2024 (modifier)
Par Ju
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ju

La première fois que j’ai été en contact avec “Le quatrième mur”, c’était au théâtre. Le roman de Sorj Chalandon était adapté dans une pièce où un seul acteur était sur scène, et j’avais trouvé ça génial. J’avais ressenti les émotions du personnage de George et des autres, et été embarqué totalement dans cette histoire d’un jeune père qui se retrouve au Liban pendant la guerre pour monter la pièce “Antigone” d'Anouilh, en prenant un acteur dans chaque camp. J’ai ensuite lu le roman, l’oeuvre originale, et j’ai également apprécié, notamment la qualité d’écriture de Sorj Chalandon. Mais j’avais déjà été moins touché et moins happé. Enfin, j’ai lu la bd en dernier. C’est donc un peu malhonnête car je vais forcément comparer. L’effet de surprise n’est plus et je ne peux pas dire que j’ai abordé cette lecture comme les autres. Je connaissais l’histoire et savais qu’elle me plairait. Restait à savoir si le traitement me satisferait. Eh bien pas pleinement. Je trouve que la bd privilégie certains passages moins intéressants que d’autres. Dans une adaptation, en pièce ou en bd, on ne peut pas retranscrire tout le roman, il faut faire des choix. Si, dans le roman, Chalandon s’attarde autant sur la partie en France que sur celle au Liban, ce n’était pas vraiment le cas dans la pièce que j’étais allé voir. Le metteur en scène avait fait le choix de plus appuyer sur la partie "Liban" que sur celle du passé de George. Ainsi, certains éléments sur le passé de George n’étaient pas ou peu développés, mais la partie la plus intéressante selon moi était très bien développée, au moins autant que dans le roman. Dans la bd, aucun choix clair n’est fait. Elle suit le roman mais en occultant nécessairement des parties, dont certaines qui m’avaient marqué. En somme, on a tout mais pas pleinement. Je n’ai pas ressenti la même prégnance, le même étouffement et les mêmes frissons que devant la pièce ou le roman. Faute de parti pris dans l’adaptation, le résultat est un peu décevant. Les dessins ne m’ont pas non plus aidé. En soit, je peux bien aimer ce style assez particulier avec ces personnages à grosse tête pas proportionnée à leur corps. Mais j’ai trouvé que ça ne collait pas à l’ambiance, que ça rendait le tout un peu comique et que ça ne rendait pas le côté triste et sérieux de la bd. Je mets quand même ? parce que de un, j’aime beaucoup l’histoire et de deux, graphiquement, c’est quand même du bon boulot, le noir et blanc étant pour le coup bien adapté. J’en attendais sûrement trop après avoir été subjugué au théâtre et charmé par le roman. Mais pour ceux qui ne voudraient ou ne pourraient pas découvrir l’oeuvre autrement, je ne déconseillerais en aucun cas la lecture de cette bande dessinée.

26/10/2020 (modifier)
Par Erik
Note: 3/5
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C'est une histoire bien triste que voilà. Il est vrai que le sujet traite de la guerre au Liban et du massacre de Chatila. Au milieu de la guerre, il est encore des hommes qui veulent fraterniser en jouant la pièce de théâtre Antigone au milieu des décombres de Beyrouth et en prenant des acteurs issus de chaque camp adverse. Louable idée mais la mise en pratique va se confronter à la dure réalité de la brutalité de la guerre. Les personnages sont plus vrais que nature. J'aime cela car cela fait authentique et cela ne va pas dans la facilité des sentiments. Cela donne également plus de puissance à l'oeuvre. Je ne voulais pas au départ conseiller l'achat car c'est une lecture qui peut plomber l'ambiance. Mais bon, cela ne veut pas dire que d'autres lecteurs pourront sans doute passer ce cap pour comprendre et y voir plus clair sur ce que représente ce quatrième mur.

24/05/2017 (modifier)