Grandes oreilles et bras cassés

Note: 3/5
(3/5 pour 2 avis)

Une enquête fouillée autour de la vente par une société informatique d'un système de surveillance du net à la Libye de Kadhafi. Une aventure journalistique racontée par celui qui l'a menée, en l'occurrence Jean-Marc Manach.


BD Reportage et journalisme d'investigation Documentaires

Amesys, une société informatique française, a conçu au milieu des années 2000 un système extrêmement performant qui permet d'organiser la surveillance globale des communications électroniques, au niveau si nécessaire d'un état. Un outil puissant qui, dans les mains de dirigeants peu scrupuleux, peut devenir une arme absolue de contrôle des populations et un outil de répression terrifiant. Le colonel Kadhafi, par l'intermédiaire d'hommes d'affaires influents des deux côtés de la méditerranée, va se porter acquéreur du système. Le régime libyen est pourtant régulièrement sous les projecteurs et condamné par des résolutions de l'ONU. Mais son influence et sa richesse sont considérables, et ses liens avec une frange importante de la politique française sont forts. De Ziad Takiedine à la campagne électorale d'Edouard Balladur, de Nicolas Sarkozy à son ministre de la défense, de nombreux noms apparaissent dans l'enquête de Jean-Marc Manach. Spécialiste de la protection des données informatiques, connu de tous les journalistes d'investigation, animateur d'un blog influent, il mène une enquête sans concession qui met chacun face à ses responsabilités. Expliquant comment il a su utiliser les propres armes du net pour démasquer les agissements cachés. Et rendre visible le fossé entre les discours et les actes.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 20 Août 2015
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Grandes oreilles et bras cassés © Futuropolis 2015
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 2 avis)
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06/04/2016 | Erik
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Par Ro
Note: 2/5
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Il est parfois nécessaire de séparer le fond de la forme. Au niveau du fond, cette BD est parfaitement louable. Elle est fouillée, documentée, instructive et nous apprend des choses complexes sur les affaires politico-magouilleuses d'utilisation abusive d'équipements de surveillance et de leur vente à des dictatures par des gens peu scrupuleux. Même si on se doute bien que de tels actes répréhensibles ont lieu régulièrement en douce, cela reste édifiant quand on constate la façon dont c'est fait et les conséquences que cela peut avoir sur les populations. Surtout quand c'est raconté ici non pas sous la forme d'un documentaire généraliste mais sous celle d'un reportage bien précis avec des dates, des faits et des noms de personnes et de sociétés clairement cités. Mais au niveau de la forme, c'est indigeste. La mise en scène suit deux journalistes au cours de l'avancée de leur enquête, mais on ne suit quasiment pas l’enquête en elle-même et plutôt la succession des informations qu'ils ont récoltées et des articles de confrères qu'ils ont lus. Le premier tiers de l'album est dur à assimiler car c'est une grosse accumulation de noms, de sociétés et de manœuvres affairistes. Il ne faut vraiment pas lire cela en étant fatigué. Cela s'éclaircit un peu ensuite quand on se met à suivre le cas d'un peu moins de sujets à la fois mais on saute quand même souvent sans transition d'un témoignage ou d'un récit à un autre. On s'y perd vite. Avec tout cela, le texte est évidemment omniprésent. A tel point que, même si le dessin est agréable, il n'apporte que peu de choses. A la limite, cela donne l'impression de lire un gros reportage d'investigation en texte illustré. Concrètement, j'ai trouvé la lecture prise de tête et ne permettant pas de bien vulgariser le sujet et de transmettre les informations essentielles. J'ai été noyé sous la quantité de données brutes qui m'ont été transmises et il me manquait justement un logiciel d'analyse de masse comme ceux décrits dans cet album pour me permettre de les assimiler sans peine.

09/05/2017 (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
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Jamais jusqu’ici, Nicoby n’avait été aussi loin. Il passe du domaine de la comédie à celui du journalisme d’investigation qui met la lumière sur l’un des plus gros scandales en France de toutes ces dernières années. Le sujet m’a particulièrement intéressé pour des motifs également professionnels. Il s’agit de la surveillance des e-mails de tout un pays. En effet, la France de Sarkozy aurait livré au dictateur libyen Kadhafi un système de surveillance généralisée dont ce dernier se serait servi contre ses opposants politiques. Il est vrai qu’au moment du printemps arabe, la ministre MAM avait voulu prêter son assistance à la police répressive du dictateur tunisien Ben Ali afin de mâter la rébellion. On est dans le même registre mais cela va plus loin car ce n’est pas seulement une déclaration d’intention mais des faits avérés. Il est vrai que je suis complètement sidéré car j’ignorais ce qui se cachait derrière les affaires liées à la Libye et c'est plutôt grave. Les auteurs ont réalisé un formidable travail de restitution de l’information en prenant des faits objectifs. On se rend compte de toutes les interconnections entre l’affaire Karachi, la campagne électorale de Balladur que Sarkozy avait soutenu, l’homme d’affaire sulfureux Ziad Takiedine (qui ne paie pas d’impôts) et la Libye en remontant jusqu’à l’attentat de Lockerbie. Cette enquête va balancer pas mal de monde qui visiblement ne sont pas condamnés. Visiblement, on a considéré qu’un système de surveillance d’une population n’était pas à ranger dans la même catégorie que des armes. Or, quand on sait les effets produits, c’est totalement ignoble que d’avoir laissé passer cela et se retrancher derrière un vide juridique. Bref, le sujet porte sur les atteintes aux libertés organisées par les services de surveillance des états démocratiques. Il faut dire que les populations sont enclines à plus de sécurité et moins de liberté dans des périodes troubles comme des attaques terroristes. Sur le fond, la lecture n’a pas été des plus agréables malgré le dessin de Nicoby qui fait parfois dans l’humour. Sans doute, le sujet à traiter imposait d’autres choix ou un autre traitement. Ceci dit, cela n’enlève en rien la qualité de cette enquête.

06/04/2016 (modifier)